Roman

Le parfum des cendres

de Marie Mangez
Poche – 12 avril 2023
Éditions : J’ai lu

Les parfums sont toute la vie de Sylvain Bragonard. Il a le don de cerner les personnalités grâce à de simples senteurs, qu’elles soient vives ou délicates, subtiles ou entêtantes. Tout le monde y passe, même les morts dont il s’occupe chaque jour dans son métier d’embaumeur.Cette manière insolite de dresser des portraits stupéfie Alice, une jeune thésarde fascinée par son étrange profession. Pour elle, Sylvain est une énigme : bourru et taiseux, pourquoi semble-t-il plus à l’aise avec les défunts qu’avec les vivants ? Loin de se décourager, Alice va redoubler d’efforts pour percer le secret qui l’empêche de respirer depuis quinze ans…

Un roman qui éveille les sens, mais pas seulement…

Le parfum des cendres est un premier roman.
Que dis-je ?
C’est LE premier roman de Marie Mangez, et le premier d’une très longue liste, j’espère…

Sylvain Bragonard est devenu thanatopracteur alors qu’il rêvait de devenir parfumeur.
Il avait le nez délicat, finement délicat même. Cependant, la vie ne nous mène que là où elle le veut bien…
Sylvain est un homme silencieux, mystérieux, renfermé sur lui-même, plus à l’aise avec les morts qu’avec les vivants, et ce, depuis quinze ans. Alice, qui effectue sa thèse, va bousculer, percuter son monde linéaire que rien ne semblait pouvoir perturber. Une étrange relation va progressivement se développer entre la jeune fille pleine de vitalité et l’homme qui se voue au silence, quand ce n’est pas à certains souvenirs destructeurs. Alice l’observe, elle veut découvrir le mystère qu’il porte en lui et, qui sait, peut-être lui redonner le semblant de vie qui semble lui manquer, même s’il n’en est encore pas conscient.

En 1988, je découvrais Le parfum, de Patrick Süskind.
Je trouve que Marie Mangez lui rend, avec ce magnifique récit, un très bel hommage, mais elle va plus loin encore. Ses personnages abîmés sont attachants.
Sylvain, absent, taciturne, qui redonne vie au corps des morts, cherchant lui-même à disparaitre parfois, il est invisible lorsqu’il se regarde dans un miroir. Alice, jeune étudiante avec son air taquin, atypique, engagée, avec des yeux qui traînent partout et de la musique plein la tête, un peu maladroite peut-être, fébrile aussi, mais tellement vivante !
Cette histoire m’a captivée, avec son écriture fluide et empreinte de douceur sur les odeurs, la musique et, même si le sujet pourrait sembler sombre, la thanatopraxie, au final, ce qui en résulte, c’est bien la vie !

Une très belle découverte… originale, prenante et emplie d’émotions !
Merci Corinne !!!

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Extraits :

« Bernadette était allongée, paupières fermées, les bras sagement étendus le long du corps. Au cœur de ses joues sillonnées de rides, légèrement affaissées, on distinguait le creux des fossettes, centres névralgiques d’un visage encore animé par des années de sourire. Visage arborant désormais une expression sereine – Bernadette attendait que l’on s’occupe d’elle, remettant placidement son enveloppe charnelle aux soins d’autres mains que les siennes. »

« Elle se faisait donc la plus discrète possible, retranchée dans un coin de la pièce, évitant généralement d’ouvrir la bouche, histoire de ne pas perturber monsieur, Elle avait également remarqué que le bruit même de son crayon paraissait l’irriter; et, en conséquence, s’abstenait de prendre des notes, s’efforçant de garder en mémoire tout ce qui pouvait être utile, afin d’en noircir son carnet sitôt sortie du funérarium et libérée de cette compagnie légèrement taciturne. »

« Ses yeux parcoururent ce lieu qu’il qualifiait de chez-lui : blanc et vide comme une chambre funéraire, un espace neutre, impersonnel, dénué de tous ces souvenirs qui envahissaient la maison de son enfance, souvenirs flottant là, partout et pourtant inaccessibles, souvenirs parasites qui le narguaient douloureusement, de l’autre côté du mur de verre séparant Sylvain du monde des vivants.
Revenir chez ses parents, c’était affronter le reflet glacé de ce qu’il avait été et de ce qu’il avait perdu. Un coup de cutter dans ses plaies à vif. »

« Vous voyez quoi, vous, là-dedans ? Moi, j’y vois un truc genre sensuellement mystique… un hymne au sexe et à la musique, parce que c’est deux choses qui font le lien entre le charnel et le spirituel, vous voyez ? C’est imbriqué… le mystique, on peut pas y arriver sans nos sens, et nos sens sont rien si on n’y met pas une part de spirituel… enfin, moi je le comprends comme ça, en tout cas. Vous en pensez quoi ? »

Doctorante en anthropologie à l’Université de Paris, Marie Mangez voyage régulièrement entre la France et la Turquie afin de conduire des recherches sur les minorités religieuses. À côté de sa thèse, elle publie en 2021 son premier roman, Le Parfum des cendres, dans lequel Sylvain, thanatopracteur, et Alice, étudiante en stage, devront essayer de cohabiter dans un climat inexpliqué de tension.

Marie Mangez découvre le sujet de la thanatopraxie par le biais de ses études et décide d’en faire le métier de son personnage principal, dans un roman qui mêlera mystère et sensibilité. Par le biais de ce roman, elle nous plonge dans un univers mélancolique et énigmatique, dans lequel nous devrons découvrir le secret bien gardé de l’impénétrable personnage principal, en décryptant les indices disséminés par l’autrice dès les premières pages. Finalement, entre le mystérieux embaumeur qui sent les morts, et la jeune étudiante déterminée, l’harmonie est difficile, mais pas impossible…

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