de Émilie Desvaux
Broché – 2 janvier 2025
Éditions : Rivages

Au cœur de Tokyo, la Gaijin House : une pension bohème réservée aux étrangers. Voyageurs, expatriés et paumés s’y rencontrent au hasard de leurs pérégrinations, parfois d’un accident de parcours. Il y a là Camille, jeune épouse en fuite qui ignore tout d’elle- même, Flavio, l’érudit solitaire, Lénine qui s’invente des vies. Ensemble, ils tissent les fils d’une existence commune, oscillant entre le désir de s’ancrer et la peur de l’avenir.
Portée par une écriture magnétique, Émilie Desvaux explore un Japon hors des sentiers battus.
Émilie Desvaux est l’auteure de deux romans publiés en 2011 et 2013, À l’attention de la femme de ménage (finaliste de plusieurs prix littéraires) et Le jardin de minuit.

Au début des années 2000, Camille, Flavio, Lénine et d’autres personnages marginaux ou en quête d’un avenir meilleur se rencontrent et cohabitent pendant plusieurs mois dans une “Gaijin house”, une auberge pour étrangers, nichée au milieu d’une petite ruelle de Tokyo.
Ce livre aurait pu me charmer, étant donné qu’il possède des qualités littéraires. La rédaction, délicate et parfois poétique, parvient à saisir des moments de vie avec une touche d’imagination. Les descriptions de Tokyo, qui est un personnage à part entière, m’ont particulièrement impressionné. On perçoit les senteurs des cantines et des cafétérias graisseuses, on se perd dans des bouquineries entremêlées, on parcourt des friperies enfouies sous les gares, des supermarchés omniprésents, et un tourbillon incessant de bruits. Une métropole fourmillante, étonnante, qui reste éveillée en permanence, où l’on a l’impression que les femmes deviennent de plus en plus séduisantes pour attirer les hommes riches dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Toutefois, je n’ai pas été emporté.
Tout d’abord, par le lieu. Cette “Gaijin house”… À aucun moment je n’ai ressenti le désir d’y pénétrer, encore moins d’y vivre. L’insalubrité, la décrépitude, la petitesse des chambres, l’isolation phonique et thermique inexistante… Le va-et-vient constant et bruyant… Non, vraiment, très peu pour moi.
Et cette saleté omniprésente, partout : sur le sol, sur les parois, dans les endroits en déclin, avec des effluves de graisse de cuisine, de sueur, une chaleur suffocante, étouffante, une pollution de l’air qui empêche de respirer… J’ai eu du mal à supporter cette atmosphère étouffante.
Même l’histoire, au bout du compte, ne ma pas touché. Il y a trop d’émotions immatures à mon goût. Certains personnages m’ont plu, j’ai saisi une partie de leur détresse, mais je n’ai pas éprouvé d’empathie pour leur expérience ou les interrogations existentielles qui les hantent sans relâche. Ils ne m’ont pas touché. En outre, il n’y a pas assez d’action non plus, aucun événement significatif, à l’exception des fantômes d’un passé qu’ils cherchent tous à fuir. Je n’ai pas saisi le récit et je suis resté sur ma FIN, qui ne m’a pas transportée…
Cela reste mon Ressenti. Je ne peux que vous encourager à vous faire votre propre avis sur ce livre.


Extraits :
« Quelque part dans un quartier vieillot, au nord-est de Tokyo, existe une minable pension japonaise connue sous le surnom de Gaijin House.
Située entre deux immeubles de briques au creux d’une venelle, elle arbore une façade en planches disjointes et un avant-toit de zinc oxydé. L’entrée en est discrète. Une porte à glissière, un saule nain, un foutoir de bicyclettes. La rumeur veut que cet ancien établissement de thé ait périclité après la guerre et ait été racheté pour rien, ou presque, par une entreprise qui ne loue qu’aux étrangers – précisément ce que signifie gaijin : personne du dehors, extérieure à la vie japonaise, individu n’appartenant pas à l’ile et à sa vie secrète, englobant uniformément étudiants, routards, touristes et expatriés. »
« Quitter sa vie s’était révélé si simple, finalement. L’obtention d’un visa, la location d’une chambre, l’achat d’un billet en ligne n’avaient requis d’elle que la pression de l’index nécessaire à quelques clics, une suite de formalités désincarnées, somnambuliques, un enchaînement de formulaires à compléter. Vers six heures du matin, l’appareil s’inclina sur une aile puis décrivit une courbe en direction de Narita. Des rizières couleur d’orage basculèrent de chaque côté d’une voie routière surélevée, grise dans le petit matin terne dont les fumées se mêlaient au brouillard. »
« Elle connaissait désormais par cœur la teneur de ces rituels matinaux, l’éveil progressif de la vieille baraque dont le ventre chenu se réveillait peu à peu, de craquements en murmures, de claquements de portes en feulements de savates. Fermant les paupières, elle percevait jusqu’aux soupirs des canalisations asthmatiques. Lorsqu’elle perçut le déclic de la bouilloire, elle déverrouilla sa porte et traversa le couloir. Il était neuf heures ; le soleil inondait la cuisine à travers le papier huilé des fenêtres. »
« Il marmonna que c’étaient ses choses, ses choses à lui, toute sa vie. Ses livres et ses cassettes et ses disques, ses bibelots d’un autre temps, entassés, ses estampes et ses coffrets laqués, sa lampe de chevet, ses carnets et statuettes : le musée oppressant d’un collectionneur reclus, d’un ermite. »
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Émilie Desvaux est née en 1983 à Toulouse. Elle suit une formation universitaire en lettres.
Elle a été publiée pour la première fois en 2001, avec La Maison de Mona, nouvelle primée au Prix du jeune écrivain de langue française.
Son premier roman, À l’attention de la femme de ménage a été remarqué par la critique, il a ainsi été sélectionné pour le Prix Goncourt du premier roman 2011, sans toutefois être lauréat, et a été lauréat du Prix du Premier Roman de Femme. Il a été réédité en version de poche moins d’une année après sa sortie.
Émilie vit dans le Saint-gironnais en Ariège.
- Carrefour des fuites et autres nouvelles, recueil de nouvelles (2001)
- À l’attention de la femme de ménage (2011)
- Le Jardin de minuit (2013)
- Le Ciel de Tokyo (2025)
