Émotion

Stoner

de John Williams
Poche – 31 août 2011
Éditeur : J’ai lu

Né pauvre dans une ferme du Missouri en 1891, le jeune William Stoner est envoyé à l’université par son père – et au prix de quels sacrifices –, pour y étudier l’agronomie. Délaissant peu à peu ses cours de traitement des sols, ce garçon solitaire découvre les auteurs, la poésie et le monde de l’esprit.

LU, AIMÉ ET LIBREMENT TRADUIT PAR ANNA GAVALDA

Je viens de tourner la dernière page de Stoner, et j’ai encore le cœur serré. Ce roman m’a bouleversé par sa beauté sobre et lumineuse. Je crois que la traduction d’Anna Gavalda y est pour beaucoup, elle a su capter la voix de John Williams avec une justesse et une délicatesse incroyable, d’un roman qui devait dégager déjà une certaine force. Mais au-delà des mots, il y a cette histoire simple, presque banale en apparence, qui se révèle d’une intensité rare.

William Stoner m’a profondément touché. Sa vie est celle d’un homme modeste, discret, qui ne cherche ni la gloire ni les honneurs, mais qui avance, jour après jour, avec sincérité. J’ai aimé sa passion pour la littérature, sa volonté de la transmettre à ses étudiants, son honnêteté dans un monde parfois injuste. Et j’ai souffert avec lui, face aux épreuves, aux désillusions, aux amours contrariés. Quand enfin une lueur de bonheur semblait s’offrir à lui, j’ai eu envie d’y croire, de lui souhaiter cette paix qu’il méritait tant.

Ce qui m’a bouleversé, c’est cette manière d’écrire la vie sans fioritures, sans analyses interminables. Une narration fluide, détachée, qui laisse toute la place à l’émotion brute. Et plus j’avançais, plus je m’attachais à cet homme qui aurait pu rester ordinaire, mais qui devient extraordinaire par sa fidélité à lui-même.

J’ai vécu sa vie en même temps que lui. J’ai vibré, souri parfois, et souvent souffert. Et lorsque la fin est arrivée, j’ai eu l’impression de perdre un ami.

Je referme ce livre avec gratitude et regret. Gratitude envers John Williams pour avoir écrit cette merveille, et envers Anna Gavalda pour l’avoir offerte au public français. Regret, parce qu’il a fallu tant d’années pour que ce roman traverse l’Atlantique et arrive enfin jusqu’à nous.

Stoner n’est pas seulement une lecture, j’ai vécu une expérience très particulière.

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Extraits :

« Il était né en 1891 dans une petite ferme au cœur du Missouri près de Booneville, village situé à une soixantaine de kilomètres de Columbia où siégeait justement ladite université. Bien que ses parents tussent encore jeunes au moment de sa naissance – son père avait vingt-cinq ans, sa mère à peine vingt – Stoner, même quand il était enfant, les trouvait vieux. Il est vrai qu’à trente ans son père en paraissait vingt de plus.
Brisé par le travail, il observait sans le moindre espoir l’ingrate parcelle de terre qui permettait à sa famille de survivre jusqu’à l’année suivante ; quant à sa mère, elle acceptait son existence avec résignation. Tout cela n’était, et ne serait jamais rien d’autre, qu’un long moment à endurer… »

« – Allons… Vous l’ignorez, monsieur Stoner ?
Ne comprenez-vous donc toujours pas qui vous êtes ? Mais vous serez professeur !
D’un coup, Sloane lui sembla très loin et les murs de son bureau s’évanouirent. Il avait l’impression d’être suspendu dans les airs et entendit sa voix qui demandait :
– Vous êtes sûr ?
– Certain, répondit doucement Sloane.
– Comment pouvez-vous le savoir ? Comment pouvez-vous en être si sûr ?
– C’est l’amour, monsieur Stoner ! rétorqua Sloane sur un ton joyeux. Vous êtes amoureux !
C’est aussi simple que cela ! »

« Un après-midi du mois de février, quelques jours seulement après le début du second semestre, Stoner reçut un coup de téléphone de la secrétaire de Gordon Finch. Celle-ci lui annonça que monsieur le doyen souhaitait le voir et lui demanda s’il pouvait passer dès maintenant ou le lendemain matin. Il raccrocha, resta un moment interdit, la main toujours posée sur le combiné, puis soupira. Il secoua la tête et descendit un étage. »

« De temps en temps, ils levaient les yeux et se souriaient avant de retourner à leurs lectures. Parfois William s’échappait de son livre et son regard se perdait dans la contemplation de l’arrondi de son dos ou des osselets de sa nuque sur laquelle une petite mèche de cheveux s’amusait toujours à tenir en équilibre, alors le désir montait en lui. Doucement. Tranquillement. Il se levait, venait derrière elle et plaçait ses mains sur ses épaules. »

John Williams (1922-1994), né au Texas, a étudié au Colorado et obtenu son doctorat dans le Missouri où il a fait ses premiers pas de professeur. Après avoir servi dans l’armée de l’air de 1942 à 1945, il a enseigné la littérature et l’art d’écrire pendant trente ans à l’université de Denver.
Il est l’auteur de deux recueils de poèmes, d’une anthologie sur la poésie anglaise de la Renaissance et de quatre romans, dont Stoner, publié en 1965.

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