Émotion

Héloïse*

Les fleurs du sérail
de Élisa Sebbel
Broché – 26 mai 2023
Éditeur : Jeanne & Juliette
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1809. Les guerres napoléoniennes font rage. Alors qu’ils croyaient être rapatriés en France, 5000 prisonniers se retrouvent captifs sur l’îlot de Cabrera, dans les Baléares. Pour survivre, un maigre filet d’eau douce, des rations insuffisantes, des abris précaires qu’il leur faut bâtir eux-mêmes. 21 femmes les accompagnent, parmi lesquelles Héloïse, vivandière de 18 ans dont le mari a succombé en mer, emportant avec lui l’insouciance et la légèreté de la jeune femme.
Si la guerre avait déjà meurtri les hommes, le désespoir leur fait bientôt perdre la raison. Par chance, Henri, chirurgien de l’armée, se prend d’affection pour Héloïse. Entre privations, épidémies et tempêtes, les morts s’accumulent, l’espoir s’amenuise, et Héloïse ne songe qu’à se libérer enfin de cet enfer – jusqu’à ce nouvel arrivage de prisonniers et de Louis qui fait tout chavirer.
À force de ténacité, la jeune femme parviendra-t-elle à se sauver ? Car si l’amour est une captivité volontaire, la mer l’a déjà faite prisonnière…

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Les fleurs du sérail est la suite directe de La Prisonnière de la mer.

Pas besoin de l’avoir lu pour comprendre cette nouvelle aventure qui peut se lire de manière indépendante, mais je vous le conseille tout de même pour “l’aura” du personnage principal “Héloïse”.

Héloïse et son compagnon, Louis, sont enfin libres. Ils sont parvenus à s’échapper de leur geôle de Cabrera, avec plusieurs autres prisonniers, ils vont naviguer ainsi durant 5 jours jusqu’à leur naufrage sur les côtes africaines. Héloïse et ses compagnons vont être accueillis par le sultan d’Alger, qui très vite promet d’organiser leur rapatriement vers la France. En contrepartie, pour respecter leurs règles locales, il ordonne à Héloïse d’aller durant ce laps de temps dans son harem, en attendant leur départ. La jeune femme sera arrachée à son compagnon, et sera rebaptisée Aley, et très vite devient même une concubine du sultan. Elle sera forcée de se plier aux règles, et devra s’initier à la langue locale et à différents rites ayant cours dans le harem, alors qu’elle ne rêve que de s’enfuir et de retrouver sa liberté.
Héloïse va vivre les rivalités entre femmes, les jalousies, les pièges. Le but ultime pour elles étant d’avoir un fils du pacha et de devenir ainsi, la Préférée. Alors Héloïse se soumet, apprend la docilité, et ferme les yeux lorsqu’elle doit passer la nuit avec le sultan, pour son seul plaisir.

Comme dans son premier roman, Elisa Sebbel dépeint comme si on y était, la vie d’une femme dans un harem, au XIXe siècle, à Alger.
Ce roman est superbement construit, malgré le fait de savoir que ce roman est de la fiction, je ne doute pas des recherches qu’Élisa a faites sur les harems, et la vie des femmes a cette époque, dans un lieu où les hommes dominent. Rien n’est laissé au hasard et on apprend énormément des choses, sur ses femmes qui vivent entre elles, qui subissent et restent malgré tout les prisonnières d’un homme qui profite d’elles pour son seul plaisir.

La vie d’Héloïse est dure et compliquée… Puis elle apprend que les hommes ont quitté Alger pour retourner en France. Comment va-t-elle arriver à se sortir de ce piège qui s’est refermé sur elle ?

Une très belle histoire avec une narration intimiste qui m’a donné l’impression d’être proche des personnages et de vivre pleinement avec eux cette aventure…
J’attends la suite, prévue pour 2024, avec impatience !

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Extraits :

« Suis-je revenue une seule fois sur cette décision-là ?
Non, jamais. Ni les marches interminables de Bayonne en Andalousie, ni les fusillades, ni les carnages à tout croisement, ni le gel, ni la pluie, ni la chaleur insupportable, ni la nourriture qui diminuait, ne pouvaient dissiper le bonheur de partager chaque instant avec lui : chaque baiser le soir sous le bivouac, chaque regard apeuré le matin des combats, chaque effleurement des doigts quand je lui tendais une tasse d’eau-de-vie pendant les batailles. Le simple son de sa voix suffisait à me faire supporter les engelures, la toux continuelle, la fatigue, les puces, les poux. J’étais devenue vivandière, la seule fonction autorisée dans l’armée avec celle de blanchisseuse. »

« Dans le village, on nous avait surnommés les Armandises, quand l’un apparaissait, l’autre n’était pas loin. À sa mort, j’avais été amputée. Comment continuer à vivre sans ma moitié ? Je m’étais promis de ne plus m’attacher à personne.
Le prix de la perte était trop dur à payer. Henri s’avérait le compagnon idéal, un partenaire pour me protéger, sans l’aliénation des sentiments. »

« Le plus dur était le silence absolu. Était-ce le jour ? Était-ce la nuit ? En collant mon œil contre la fente sous la porte, je pouvais parfois distinguer un trait de lumière au loin. On s’habitue à l’obscurité. On ne s’habitue pas au silence. Il fait naître en nous les bruits les plus affreux, ceux des démons enfouis au plus profond de soi. Le roulement des tambours, le sifflement incessant des balles, la détonation sourde des canons, les sabots des chevaux au galop martelant le sol dur, puis le tintement strident des épées et le hurlement des hommes blessés. »

« Je me réveillai ce matin-là avant tout le monde. La nuit avait été si agitée que même nos esclaves dormaient encore. Il avait cessé de pleuvoir. En ce tout début de décembre, la fraîcheur matinale piquait la chair. Je me saisis d’une couverture en cachemire et descendis dans la cour vide et silencieuse, salie par la tempête et les feuilles boueuses de jasmin que le vent avait emportées. Le ciel s’offrait à moi dans son cadre bien carré tel le tableau d’un grand peintre. L’horizon infini m’était désormais interdit. Les nuages gris s’étaient éparpillés et laissaient entrevoir des coups de pinceau bleu sombre. Peu à peu, ils s’embrasaient, mêlant le rose à l’orange doré d’une main féerique… Comme chaque jour, le monde renaissait. Comme chaque jour, la vie reprenait. La lumière éclaboussait l’ombre. Rien n’était immuable, tout changeait. »

 

Docteur en littérature française, Elisa Sebbel enseigne dans une université espagnole et vit à Majorque. Découvert dans le cadre du Mazarine Book Day 2018, pour lequel il a reçu la « mention spéciale du jury », son premier roman, La Prisonnière de la mer, dévoile un drame oublié de notre histoire.

La prisonnière de la mer

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