Histoire, Roman

37, étoiles filantes

de Jérôme Attal
Poche – 16 août 2018
Éditeur : Robert Laffont

Sous le ciel étoilé de Paris, un jour de 1937, Alberto Giacometti n’a qu’une idée en tête : casser la gueule à Jean-Paul Sartre ! C’est cette histoire, son origine et sa trépidante conclusion, qui sont ici racontées.

Grognant dans son patois haut en couleur des montagnes, Alberto a déjà fait volte-face. Il est à nouveau en position sur le trottoir. Scrutant les confins de la rue Delambre. Pas du côté Raspail par lequel il vient d’arriver, mais dans l’autre sens, en direction de la station de métro Edgar Quinet. Rapidement, il repère la silhouette tassée de Jean-Paul, petite figurine de pâte à modeler brunâtre qui avance péniblement à la manière d’un Sisyphe qui porterait sur son dos tout le poids du gris de Paris et qui dodeline à une vingtaine de mètres de distance, manquant de se cogner, ici à un passant, là à un réverbère. « Ah, te voilà ! Bousier de littérature ! Attends que je t’attrape, chacal ! »

Une comédie tourbillonnante constellée de pensées sur la création et de rencontres avec des femmes espiègles, mystérieuses et modernes.

Prix Livres en Vignes 2018
Prix de la rentrée 2018 « Les Écrivains chez Gonzague Saint Bris »

Espiègle, intelligent, drôle, finement documenté… 37, étoiles filantes m’a offert une promenade culturelle et romanesque inoubliable dans les rues et les cafés de Montparnasse.
Grâce à Jérôme Attal, j’ai arpenté ce quartier mythique des années trente, cœur battant de la vie intellectuelle et artistique parisienne. Les personnages virevoltent d’une péripétie cocasse à une émotion plus douce, formant un récit jubilatoire, à la langue éblouissante.

Après L’appel de Portobello road, Les Jonquilles de Green Park et La Petite Sonneuse de cloches, Jérôme confirme ici un talent particulier, celui de prendre plaisir à nous faire plaisir. Cette fois, il nous entraîne dans l’univers d’Alberto Giacometti, sculpteur encore loin de la gloire, boîteux après un accident, maniant sa béquille autant pour marcher que pour bousculer la vie. Entre deux aventures féminines, il cherche, tâtonne, expérimente.

À ses côtés, on croise Sartre, encore simple prof de philo, en pleine négociation éditoriale, toujours prompt à se faire des ennemis à force de démontrer sa supériorité intellectuelle. Il y a aussi Diego, frère timide et talentueux, écrasé par la personnalité d’Alberto. Picasso passe par là, et d’autres figures marquantes de l’art et de l’Histoire viennent colorer la fresque. Autour de ces hommes gravitent des femmes séduisantes, mystérieuses ou fatales, modèles, mondaines, artistes, voire espionnes, dans une Europe qui tremble déjà face aux tensions politiques et aux réseaux secrets. Malgré cette toile de fond tendue, j’ai souvent souri, parfois ri franchement, tant le roman manie l’humour avec légèreté.

Jérôme Attal aime Paris, et ça se sent. Il a dû arpenter Montparnasse mille fois pour le restituer avec une telle précision sensorielle. Lire ce livre, c’est voyager dans le temps, respirer l’air de 1937, et côtoyer des personnages si vivants qu’on croit les croiser au coin d’une rue.

En refermant le roman, je garde en tête un moment de plaisir rare, où la langue française, vive et élégante, sert un récit moderne, percutant, et terriblement attachant.

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Extraits :

« Alberto a trente-cinq ans. Il est sculpteur à Paris, à la fin des années trente. Il travaille et vit dans un petit atelier du bas-Montparnasse. Il a une liaison avec une jeune femme, Isabel, et s’apprête à rompre avec elle au moment où, en pleine rue, une Américaine au volant d’une américaine lui fonce dessus. Alberto est transporté à l’hôpital. C’est ici que commence cette histoire. »

« Isabel qui ne se doute aucunement qu’elle a failli être laissée sur un coin de trottoir – « C’est fini ma belle, je ne sculpterai plus le bout de tes tétons du bout de mes doigts» – avant qu’une Américaine ivre morte fonce directement sur Alberto l’albatros, ainsi qu’elle le surnomme quand il se plaint de sa peine à décoller (dans l’amour et dans le monde). »

« Isabel prend cette remarque comme une nouvelle pique. Ils se connaissent depuis deux ans. Même si cela a été prononcé en toute innocence, elle hait les hommes pour la désinvolture avec laquelle ils s’expriment. Incapables pour la plupart de choisir des termes qui ne soient pas blessants. Et, d’un autre côté, dès qu’ils disent des choses qui ne sont pas blessantes, c’est plus fort qu’elle, elle pense qu’il y a dissimulation. En fait, ce ne sont pas les hommes qu’elle déteste. Mais ce qu’ils révèlent de pire en elle. »

« Alberto monte avec Rosalie, une jolie brune originaire du sud de la France.
Elle a de l’Italie les divines proportions. Ni trop courte ni trop dégingandée, la courbe de ses hanches évoque le tracé onduleux d’une route en bord de mer, de celles que l’on emprunte vitres baissées à la recherche d’un peu de sensations. »

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Jérôme Attal est parolier et écrivain, et l’auteur d’une dizaine de romans. Chez Robert Laffont, il a publié Aide-moi si tu peux, Les Jonquilles de Green Park (prix du roman de l’Ile de Ré et prix Coup de cœur du salon Lire en Poche de Saint-Maur), L’Appel de Portobello Road et 37, étoiles filantes, (prix Livres en Vignes et prix de la rentrée  » les écrivains chez Gonzague Saint Bris »).

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