de Alain Tardits
Broché – 29 juillet 2025
Éditeur : Phare et Lampions

Paris été 1983, les affaires ne vont pas fort pour Frédéric Taquin. Son agence de détective privé prend l’eau, le comble pour un ancien plongeur professionnel. Il accepte n’importe quel boulot, à n’importe quel prix.
Jusqu’au jour où un inconnu l’appelle pour enquêter sur la mort suspecte d’un ouvrier dans le port de Syracuse, un drame qui a défrayé la chronique. Notre enquêteur se met aussitôt à rêver de gloire. Sa secrétaire, plus futée, préférerait qu’il demande un bon paquet de pognon.
Piqué au vif et prêt à en découdre, Taquin se précipite en Italie pour sonder les fonds marins. Là, il découvre un faisceau d’indices dignes d’une escroquerie signée La Pieuvre.
Imprévus et dangers s’invitent au bal : il se retrouve propulsé dans les bas-fonds de Bangkok, en pleine mousson, sans argent et affublé d’un coéquipier incompétent.
Bref, aucun conducteur de tuk-tuk ne miserait un baht sur lui. Heureusement, sa secrétaire décide de s’en mêler…
Un escroc dans les klongs est le premier d’une série de 4 romans qui relatent les enquêtes aventureuses de Frédy Taquin.

Avec Un escroc dans les klongs, Alain Tardits m’a embarqué dans un univers visuel et plein de raillerie, qui m’a immédiatement fait penser à Audiard ou à Léo Malet. J’y ai rencontré Frédéric Taquin, dit Frédy, un détective privé cabossé, un peu bedonnant, ancien militaire, flic, plongeur sur plateformes pétrolières… bref, un homme revenu de tout, mais qui espère encore décrocher “le” bon coup. Sa verve colorée et son humanité fatiguée en font un personnage haut en saveur. À ses côtés, sa secrétaire Estelle, ancienne comédienne, fine mouche au caractère bien trempé, apporte une indispensable touche de malice et de vivacité.
Le récit se déroule en 1983, dans une société où les femmes peinent encore à se faire une place, et où certaines se battent pour changer la donne. Sylvia, l’ex-femme de Frédy, fait partie de celles qui ont réussi. Pourtant, derrière sa belle situation, elle cache des zones d’ombre… et c’est elle qui engage Frédy pour une sombre affaire d’assurance en Sicile. Une mort suspecte, un requin blanc, un héritage douteux, dès les premières pages, ça sent l’arnaque, et Frédy, avec son flair de vieux routier, plonge tête baissée dans l’enquête.
De Syracuse à Naples, puis jusqu’à Bangkok en pleine saison des pluies, je l’ai suivi dans un tourbillon d’action. Entre les bas-fonds humides des klongs, les canaux grouillants d’une vie misérable, une chaleur moite et une pluie lourde et poisseuse, Frédy avance dans une ville tentaculaire où la splendeur et la misère se tiennent par la main. Bangkok, c’est le théâtre de tous les excès. De nombreux étrangers qui pratiquent le tourisme sexuel, des Occidentales en mal d’aventure, des mafieux qui règnent en maîtres, des petites frappes de tous horizons et des Thaïlandais qui luttent pour survivre. Tout se mélange dans cette moiteur suffocante. Luxe ostentatoire, pauvreté extrême, magouilles en tout genre. Une ville fascinante et venimeuse à la fois, où chaque coin de rue cache une nouvelle embrouille. Les dangers sont omniprésents, et pourtant l’humour ne lâche jamais prise.
Ce roman est bien plus qu’une enquête policière, c’est une vraie aventure. Alain Tardits a le chic pour ciseler des dialogues pleins de mordant, et croquer avec malice les travers des sociétés traversées. Les personnages secondaires ne sont jamais décoratifs, chacun apporte une pierre solide à l’intrigue. J’ai ressenti à chaque page l’énergie brute d’un récit d’action, doublée d’une écriture savoureuse.
Un petit regret personnel.
J’aurais aimé davantage de chapitres, afin de rythmer le récit et pour souffler un peu entre deux rebondissements. Mais c’est bien la seule réserve face à ce premier opus réjouissant, dépaysant et incroyablement vivant.
Un héros cabossé mais attachant, une intrigue foisonnante, un humour omniprésent, et un voyage entre Paris, Sicile et Bangkok… Un escroc dans les klongs est une lecture qui décoiffe et qui change des sentiers battus dont j’attends avec impatience la suite…
Merci à Élias Achkar pour cette belle découverte, et bravo à Alain Tardits pour ce premier opus réjouissant et décalé à souhait.
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Extraits :
« Je donnais un tour de clé à molette sur l’embout du radiateur quand le téléphone sonna. Au moment où Estelle, ma secrétaire, décrocha, je sentis la catastrophe arriver. D’abord en tant que plombier, ensuite en tant que flic. Un mini geyser se mit à rugir, que la voix pourtant perçante d’Estelle eut du mal à couvrir.
– Pour toi.
Elle prononça ces mots d’une voix froide et me tendit le combiné d’une main ferme. Son visage n’exprimait rien, ce qui était inhabituel. »
« Couleur muraille à force d’attendre contre un mur en parpaing, un sentiment de désolation s’était infiltré dans mes veines. Quelle marche avais-je ratée dans ma vie pour me retrouver si bas? En embuscade de nuit dans le parking d’un immeuble de banlieue qui s’appelait le Grand Large et était surnommé le Gros-Cul par ses propres habitants.
Qu’avais-je réalisé avec mes supposées grosses épaules ? Ma mère les disait taillées pour l’aventure. Elle aimait les belles formules. Dans les faits, ma carcasse tanguait inexorablement vers la côte de la quarantaine rugissante, le cap Horn de la forme, et l’Aventure avec un A majuscule continuait de se débiner, je stagnais plutôt dans les abysses de l’anonymat et des fins de mois difficiles. »
« L’air frais matinal de la montagne balaye les larges rues turinoises, il picote le nez. Le soleil n’a pas encore écrasé la ville de chaleur. L’énergie gonfle les voiles de chaque habitant.
Bernardo Bernardi retrouve ses réflexes d’ancien commercial en vadrouille : humer les odeurs du trottoir, remplir ses poumons de l’atmosphère d’un lieu avant un rendez-vous important. »
« Le pont de singe a été emporté par les pluies, sa disparition m’oblige à un détour imprévu. Dans les goulets d’étrangle-ment, les klongs débordent et les sols spongieux sont aussi glissants qu’une savonnette. Je rampe plus que je ne marche, m’accroche à ce qui dépasse, chaque muscle travaille, de la pupille aux doigts de pieds. Avec la force des courants, un plongeon inopiné serait périlleux. Le bruit me sert de boussole, les gorets égorgés à la chaîne couinent avec force. Après beaucoup de tâtonnements, je termine ma course dans un cul-de-sac. Un enfant solitaire, assis sur les talons au sommet d’un monticule d’ordures, bras squelettiques enlacés autour des genoux, crâne rasé, se lève pour me servir de guide, sans un mot. »


Né à Paris, Alain Mendou Tardits a vécu une partie de son enfance au Cameroun, d’où il a rapporté des souvenirs et son deuxième prénom. En France, il a laborieusement obtenu une licence de littérature américaine, qui lui a ouvert les portes de nombreux métiers : moniteur de boxe, vendeur de fringues, joueur de poker, homme sandwich, conteur, organisateur de tournois d’échecs et de spectacles, etc.
Il alterne depuis entre sketches, scénarios, contes historiques, et maintenant, romans policiers.
