de Andreas Eschbach
Broché – 20 septembre 2012
Éditeur : Atalante

« Chacune de nos pensées, chacune de nos décisions est précédée par l’activation d’un réseau de neurones travaillant au même rythme. Ces canevas sont générés avant que la pensée ne devienne consciente. Chez les Upgraders, ils se forment à partir de plusieurs cerveaux. C’est ça, la Cohérence : une seule et gigantesque conscience habitant cent mille corps humains. »
Au coeur des vastes forêts bordant la frontière avec le Canada, Christopher Kidd et le groupe de Jeremiah Jones ne sont plus en sécurité : la Cohérence a retrouvé leur trace. Une fuite éperdue à travers les États-Unis les mènera du Montana à Seattle en passant par les territoires Indiens, puis jusqu’au désert de l’Arizona où, peut-être, ils trouveront le répit. En chemin, certains rencontreront la gloire, d’autres succomberont au chant des sirènes. Dans l’ombre, patiemment, la Cohérence tisse sa toile. Christopher devra mettre tout son talent de hacker à contribution pour lui échapper et sauver ses proches. Mais pour combien de temps ?

Avec HIDE* OUT, Andreas Eschbach poursuit la trilogie entamée avec BLACK* OUT, et me replonge sans ménagement dans l’univers oppressant de la Cohérence. L’intrigue foisonne de petites histoires sans oublier l’essentiel, la lutte contre la Cohérence. Évidemment, ça n’est pas simple quand vous voyez tous vos proches sous influence. J’ai littéralement dévoré ce deuxième tome, au point d’y sacrifier (encore une fois…) une bonne partie de ma nuit. Un vrai road-movie technologique à travers les États-Unis, et à travers les couches profondes de notre rapport à la technologie, à notre dépendance aux réseaux téléphoniques et internet sous toute ses formes. D’outils pratiques, on passe à un esclavage moderne de la technologie. Au lieu de s’en servir, on devient asservis. Un implant dans le cerveau permettrait d’abord aux personnes de communiquer entre elles, mais peu après elles ne communiquent plus, elles se fondent en une seule pensée universelle. L’individu disparait, les sentiments disparaissent, l’art disparait…
Christopher, jeune hacker de génie et héros malgré lui, qui n’a toujours pas réussi à se débarrasser de sa puce, continue de lutter contre un réseau qui connecte les humains via des implants cérébraux, jusqu’à les priver de toute individualité. Ce qui m’a frappé ici, c’est la justesse du propos. La science-fiction flirte avec notre réalité numérique. La technologie n’est plus un outil, mais une prison. L’auteur ne tombe pas dans l’alarmisme, mais il interroge avec intelligence, et parfois un humour discret, notre dépendance aux réseaux, il nous amène à réfléchir sur la « sur-communication » actuelle, et paradoxalement sur notre isolement auquel cela pourrait conduire..
J’ai particulièrement aimé la façon dont les personnages secondaires prennent de l’ampleur. Madonna, jeune Amérindienne, incarne un contrepoint spirituel et instinctif à cette sur-connexion, son frère, leur père, trois Indiens Blackfeet, créant un beau contraste, car les traditions de ce peuple remontent à des siècles et s’opposent radicalement à notre monde technologique. Quant à Christopher, son lien naissant avec Serenity montre que même dans un monde ultra-connecté, les sentiments humains restent une forme de résistance. Le rythme est soutenu, l’écriture fluide, l’univers effrayant de réalisme. Et si certaines coïncidences m’ont paru un peu faciles, elles ne gâchent en rien le plaisir de lecture. Andreas Eschbach signe un thriller technologique haletant, qui soulève de vraies questions sur notre avenir numérique.
Allez, j’enchaîne… TIME* OUT, le dernier volet !
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Extraits :
« La maison aux volets jaunes s’élevait, isolée, au bout d’une piste poussiéreuse. C’était une ancienne ferme, mais un jour le ruisseau qui l’alimentait s’était tari et les terres alentour avaient dépéri. Seuls quelques arbres morts et une poignée de buissons desséchés se dressaient encore sur ces prairies dont l’herbe avait pris une teinte brunâtre. »
« Elle était furieuse contre Jeremiah. Le trajet de retour ne suffit pas à calmer Lillian Jones, qui multiplia les erreurs de conduite, s’arrêtant brutalement aux stops et grillant un feu rouge.
C’était la faute de Jeremiah. Jeremiah avec ses histoires à dormir debout. Il était sûrement convaincu de tout ce qu’il avait raconté, il n’était pas homme à mentir sciemment. Mais ces upgraders… franchement ! Des gens qui implantaient des puces dans le cerveau des autres, on nageait en pleine science-fiction ! »
« Elle essuya les larmes qui perlaient au coin de ses yeux à la pensée de cette époque révolue. Elle en aurait fait son paradis personnel si Jeremiah n’avait pas développé son obsession de sauver la planète et de convertir tout le monde au seul vrai mode de vie. Bon sang, si les gens voulaient vivre en ville et dans des tours, c’était leur affaire! Et s’ils voulaient s’entourer de téléphones mobiles, d’ordinateurs et de milliers de chaînes de télévision, pourquoi les en empêcher ?
Elle finissait de mettre la table quand la sonnette de la porte d’entrée retentit. »
« George hocha la tête avec gravité. ”Oui, dit-il, ça se voit. Tu es vraiment l’archétype de l’homme blanc. Tu ne vis qu’à l’intérieur de ta tête. Tu ne ressens ni ton corps ni le monde qui t’entoure.“ »


Andreas Eschbach est un écrivain de science-fiction.
Il fait des études « classiques » dans le domaine aérospatial à l’Université technologique de Stuttgart avant de travailler dans cette ville, comme développeur en informatique, puis comme cadre dans une entreprise de conseil. Il fonde en partenariat une société de développement et de conseil informatique en 1993, dont il se retire quelques années plus tard pour consacrer plus de temps à l’écriture.
Sa première publication est une nouvelle, « Poupées », qui sort en 1991 dans le magazine informatique allemand « C’t ». Ses premières nouvelles sont publiées dans diverses revues littéraires allemandes.
En 1994, il décroche une subvention de la Fondation Arno Schmidt (réservée aux jeunes auteurs particulièrement doués) qui lui permet de se consacrer entièrement à son nouveau projet : « Des milliards de tapis de cheveux » (« Die Haarteppichknüpfer »). Avec ce premier roman, publié en 1995, il signe une entrée réussie sur la scène de la littérature, s’imposant d’emblée comme le chef de file de la science-fiction en Allemagne. Le succès rencontré par cette œuvre l’encourage à abandonner sa carrière dans l’informatique pour désormais vivre de sa passion : l’écriture. Traduit entre autres en français, tchèque, italien, polonais, espagnol et anglais, ce livre lui vaut une renommée internationale.
En 2001, son troisième roman, « Jésus video » (« Das Jesus Video », 1998), est adapté en téléfilm qui vaut à la chaîne allemande qui le diffuse des records d’audience, malgré sa piètre qualité. Le roman « Eine Billion Dollar » (2001) a fait l’objet d’une adaptation pour la radio allemande en 2003.
Figure majeure la littérature allemande avec pas moins d’une quinzaine de prix littéraires (dont le prestigieux Prix Kurd-Laßwitz du meilleur roman, décroché à cinq reprises), il est lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire – Roman étranger 2001 pour « Des milliards de tapis de cheveux ».
Il s’est par ailleurs essayé à la littérature jeunesse, tout en restant bien sur dans son domaine de prédilection, la science-fiction.
Il est l’un des rares écrivains allemands à vulgariser l’écriture par le biais de séminaires et d’ateliers, en particulier à l’Académie fédérale d’éducation culturelle de Wolfenbüttel.
Andreas Eschbach vit depuis 2003 en Bretagne avec sa femme.
http://www.andreaseschbach.com/
BLACK* OUT
https://leressentidejeanpaul.com/2025/08/26/black-out/

C’est clairement un sujet qui me passionne et me terrifie en même temps !
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