Émotion, Drame, Dystopie

Tyrannie

de Richard Malka
Poche – 21 août 2025
Éditeur : MON POCHE

Aux portes de l’Occident, un dictateur opprime son peuple au nom de la pureté. Les enfants ont le visage masqué et les citoyens récitent en masse un petit livre dont l’idéologie venimeuse contamine le monde. À Paris, dans une cour d’assises scrutée par la presse internationale, un homme ayant fui ce pays après avoir échappé à un massacre tente de justifier le crime qu’il a commis de sang-froid. Son avocat, intense et secret, doit obtenir l’impossible : l’acquittement d’un meurtrier qui revendique un acte destiné à réveiller les consciences. À ses côtés, la nuit, le jour, une réfugiée politique à laquelle il se lie de passion trouble : qui manipule qui ? Journalistes, témoins, avocats, juges et intellectuels de notre temps se retrouvent dans ce procès pour l’Histoire.

Lire Tyrannie, le premier roman de Richard Malka, a été pour moi une expérience troublante, presque dérangeante par moments, tant la fiction qu’il déploie fait écho à notre propre réalité. L’auteur imagine une société, l’Astracie, qui sombre peu à peu dans une dictature où les libertés fondamentales disparaissent, grignotées au nom de la transparence et de la pureté. Derrière cette façade idéologique, j’ai reconnu le miroir de tous ces régimes qui manipulent et asservissent un peuple au nom d’un idéal mensonger, pendant que les élites artistiques, intellectuelles ou politiques ferment les yeux, prêtes à toutes les compromissions.

Au cœur de cette noirceur se dresse un homme, Oscar Rimah. Pédiatre respecté, il va se dresser contre cette tyrannie et commet un geste radical, l’assassinat d’un dignitaire, Satine Sa Cher, le secrétaire de l’ambassadeur d’Aztracie en France. Non par folie ou par haine, mais pour tenter de réveiller les consciences. À ses côtés, un avocat, Raphaël Constant, homme intègre et tourmenté, qui va livrer le combat de sa vie. Défendre l’indéfendable, plaider l’acquittement d’un meurtrier qui revendique son acte. J’ai suivi ce procès comme si j’y étais, haletant, bouleversé par la force des arguments, par l’intensité des débats, par la tension qui monte à chaque page.

C’est justement cette partie juridique, concrète et passionnante qui m’a d’abord emportée et tenue en haleine jusqu’à l’issue du procès, avec son dénouement inattendu, dévoilant parfois le fonctionnement du système judiciaire français. Richard Malka est avocat et cela se sent. Il met toute son expérience au service de cette histoire. Cela se ressent, les plaidoiries, les joutes verbales, les hésitations du jury… tout sonne vrai, brûlant, presque tangible. Je me suis laissé happer par cette immersion dans les coulisses d’une justice qui doute, s’affronte, se cherche.

Mais Tyrannie n’est pas seulement un thriller judiciaire brillant, il raconte quelque chose de beaucoup plus important comme une parabole politique et humaine. J’y ai retrouvé les échos de 1984 ou du Meilleur des mondes. Comme eux, ce roman m’a interpellé, m’a secoué, en me rappelant combien nos libertés sont fragiles et combien il est essentiel de ne jamais abdiquer notre esprit critique.

La plume de Richard énonce le long de son récit des vérités que beaucoup d’entre nous refuseront de voir, elle est sans concession, directe, mais jamais moralisatrice. Elle frappe juste, en plein cœur. Ce roman n’a pas seulement occupé mes pensées pendant ma lecture, il continue de résonner en moi.

Un récit fort, dense, profondément marquant. Une lecture qui m’a laissé à la fois admiratif et inquiet, mais surtout conscient de l’urgence de rester vigilant.
On suit intensément les interventions de chacun, on se laisse convaincre par telle plaidoirie, tel discours d’expert, on est invité à se poser les questions de responsabilité, intentionnalité, culpabilité, et de la portée universelle que peuvent revêtir le procès d’un individu et le verdict du jugement…

Un très grand merci à Virginie des éditions “de Borée/MonPoche” pour cette lecture poignante…

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Extraits :

« OSCAR RIMAH était incarcéré à la maison d’arrêt de Fresnes, en division sud, à l’isolement, régime assez inhumain hérité des quartiers de haute sécurité. Sa célébrité imposait qu’on le protège des autres, ceux qui voulaient le sauver et ceux rêvant de l’abattre. Cette mesure compliquait la tâche de son avocat, contraint à de longs et tatillons contrôles pour parvenir jusqu’à lui. Surtout, il y avait ce que Raphaël considérait être un chef-d’œuvre de perversité pénitentiaire. »

« OSCAR RIMAH était né pauvre mais à force d’étude et de travail, il devint pédiatre, puis chef de service dans le plus grand hôpital du pays.
Unanimement respecté dans son domaine, il se maria avec Ezra, infirmière anesthésiste qui lui donna deux beaux enfants, Ethal et Fine. Comme tous ses collègues, Oscar travaillait quinze heures par jour afin de pallier le manque de ressources du secteur hospitalier. Il avait quarante-cinq ans, les cheveux déjà gris, les yeux très noirs, la taille haute et le sourire bienveillant. »

« Le père d’Oscar avait quatre-vingt-cinq ans lorsqu’une voiture le percuta. La première année du pouvoir aztride fut marquée par une explosion du nombre d’accidents de la circulation. Les opposants au régime semblaient être distraits en traversant. »

« – À nouveau, je n’ai rien dit. Le climat du pays s’était dégradé et les disparitions se multipliaient.
La peur ne me quittait plus. En fait, la population de mon pays était divisée entre ceux qui avaient peur et ceux qui faisaient peur. »

« – Un jour, la Garde prophétique est venue chercher une petite fille de sept ans. J’ai demandé au nouveau directeur d’école des explications. Il m’a répondu que ce n’était pas de mon ressort et que je ne devrais pas poser de telles questions si je voulais éviter des ennuis. »

Richard Malka est né en 1968 à Paris, dans le 11e arrondissement, de parents juifs marocains. Il obtient son baccalauréat en 1986 et poursuit des études de sciences et de commerce avant de se tourner vers le droit. En 1992, il devient avocat et commence sa carrière dans le cabinet de Georges Kiejman. En 1999, il fonde son propre cabinet d’avocats. Il défend des clients célèbres comme Charlie Hebdo, Clearstream et Dominique Strauss-Kahn. Il est également connu pour ses interventions dans des procès emblématiques liés à la liberté d’expression et à la laïcité. En parallèle de sa carrière juridique, il se lance dans l’écriture de bandes dessinées et de romans.

En 2006, il co-écrit La Face karchée de Sarkozy avec le journaliste Philippe Cohen et le dessinateur Riss. Ce livre, qui critique la politique de Nicolas Sarkozy, rencontre un grand succès avec plus de 200 000 exemplaires vendus. En 2018, il publie Le droit d’emmerder Dieu, un essai qui défend la liberté d’expression et la laïcité. Cet ouvrage lui vaut le Prix du livre politique en 2022. En 2021, il écrit Traité sur l’intolérance, un livre qui met en garde contre les dangers de l’extrémisme religieux et qui est salué par la critique.

Après Dieu publié en 2025, est un dialogue imaginaire entre l’auteur et Voltaire, où ils discutent de la place des religions dans la société moderne et de la quête de nouvelles formes de transcendance.

C’est un auteur prolifique et engagé, dont les œuvres reflètent son combat pour la liberté d’expression et la défense des droits fondamentaux.

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