de Philippe Grimbert
Poche – 1 septembre 2004
Éditions : Le Livre de Poche

Souvent les enfants s’inventent une famille, une autre origine, d’autres parents.
Le narrateur de ce livre, lui, s’est inventé un frère. Un frère aîné, plus beau, plus fort, qu’il évoque devant les copains de vacances, les étrangers, ceux qui ne vérifieront pas… Et puis un jour, il découvre la vérité, impressionnante, terrifiante presque. Et c’est alors toute une histoire familiale, lourde, complexe, qu’il lui incombe de reconstituer. Une histoire tragique qui le ramène aux temps de l’Holocauste, et des millions de disparus sur qui s’est abattue une chape de silence.
Psychanalyste, Philippe Grimbert est venu au roman avec La Petite Robe de Paul. Avec ce nouveau livre, couronné en 2004 par le prix Goncourt des lycéens et en 2005 par le Grand Prix littéraire des lectrices de Elle, il démontre avec autant de rigueur que d’émotion combien les puissances du roman peuvent aller loin dans l’exploration des secrets à l’œuvre dans nos vies.

J’ai pris ce roman comme un très bel hommage… et je pense même que la part autobiographique de ce livre est très importante !
Enfant, il s’invente un grand frère et s’imagine la rencontre de ses parents, l’idéaliser et vivre sa vie ainsi sans trop se poser de questions. Plus tard, une amie de la famille va lui raconter la véritable histoire de ses origines. Il est Juif, et son père a eu un fils avant lui, Simon. Puis vint l’exode, les trains vers l’Est, ils vivent en France depuis des dizaines d’années, il ne peut donc rien leur arriver, mais pourtant… Ils décident alors de franchir la ligne de démarcation.
Une histoire très poignante, sans aucun jugement, l’auteur raconte la vie de cette famille, sa famille, avec des mots simples, emplis d’une grande pudeur, une histoire qui forcément change un homme.
Philippe Grimbert la raconte avec beaucoup de délicatesse, c’est presque un chuchotement, pour pouvoir survivre à ce passé trop lourd.
Alors que nous sommes en pleine invasion allemande,
Peut-on vraiment imaginer la douleur de toutes ces gens, hommes, femmes et enfants obligés de porter une étoile jaune qui les livraient à la haine des racistes, des antisémites ?
“Un secret” est un grand roman qui m’a plongé par le biais d’un traumatisme familial dans l’une des périodes la plus infamante de notre histoire.
Je ne peux que recommander à tout le monde ce magnifique ouvrage, même si je l’ai terminé avec une boule au ventre. Surtout, ne jamais oublier…
Merci M. Grimbert
÷÷÷÷÷÷÷
Extraits :
« La marque indélébile imprimée sur mon sexe se réduisait au souvenir d’une intervention chirurgicale nécessaire. Rien de rituel, une simple décision médicale, une parmi tant d’autres. Notre nom lui aussi portait sa cicatrice : deux lettres changées officiellement à la demande de mon père, orthographe différente qui lui permettait de planter des racines profondes dans le sol de France. »
« L’œuvre de destruction entreprise par les bourreaux quelques années avant ma naissance se poursuivait ainsi, souterraine, déversant ses tombereaux de secrets, de silences, cultivant la honte, mutilant les patronymes, générant le mensonge. Défait, le persécuteur triomphait encore. »
« Le port de l’étoile est devenu obligatoire. Une gifle pour Maxime qui ne peut plus rien opposer à ceux qu’il a tenté de rassurer. Les inquiétudes de Joseph, les craintes des commerçants voisins étaient fondées. La perspective d’arborer l’insigne jaune anéantit tous ses efforts, le rallie de force à une communauté avec laquelle il voudrait prendre ses distances. Pire, l’ennemi n’est plus l’envahisseur, mais son pays lui-même, qui le range du côté des proscrits. »
« Il touche enfin le corps de Tania. Après s’être allongé tant de fois en rêve dans sa chaleur, c’est la peau glacée de la nageuse qui s’offre à lui. L’eau de la Creuse se mêle à ses larmes. Ils restent ainsi un long moment puis se détachent, toujours sans un mot. Tania s’allonge à côté de lui et tous deux fixent le ciel. »
Philippe Grimbert est un auteur et psychologue français.
Après des études de psychologie, Philippe Grimbert a passé une dizaine d’années en analyse chez un lacanien, avant d’ouvrir son propre cabinet. Il travaille aussi dans deux instituts médico-éducatifs, à Asnières et à Saint-Cloud, auprès d’adolescents autistes ou psychotiques.
Passionné de musique, de danse et d’informatique, il a publié divers essais, dont Psychanalyse de la chanson (Belles Lettres, 1996) et Pas de fumée sans Freud (Armand Colin, 1999).
Il est aussi l’auteur de romans,
La fille de l’être (1998),
La petite robe de Paul (2001),
Un secret (2004) qui fut adapté au cinéma (avec Patrick Bruel et Cécile de France dans les rôles principaux) et qui fut récompensé par le prix Goncourt des lycéens 2004, le prix des Lectrices de Elle et le prix Wizo en 2005,
La mauvaise rencontre (2009),
Un garçon singulier (2011),
Nom de dieu ! (2014),
Rudik, l’autre Noureev (2015).


