de Eymeric Bihan
Broché – 24 janvier 2025
Éditeur : MVO Éditions

Pour les fêtes de Noël. Le clan Becker se réunit au sein du manoir familial. Bientôt, un froid polaire paralyse la région et contraint les convives à se confiner. La tension est palpable. Et une première mort tombe, au travers des quatre miles mètres carrés traversés par une centaine de passages secrets…

J’ai découvert la plume d’Eymeric Bihan à l’automne 2024, avec Frisson Cognitif, le premier volet d’une trilogie. L’univers m’avait intrigué, les idées étaient là, fortes, originales, les personnages porteurs d’un vrai souffle… Mais à mes yeux, tout filait un peu trop vite. J’étais resté sur ma faim, frustré de ne pas pouvoir m’imprégner davantage de cette atmosphère qui affleurait pourtant entre les lignes. C’est donc avec une pointe de curiosité mêlée à l’envie de redonner une chance à cet auteur que j’ai accepté sa proposition de lire son dernier roman Mais ensuite je devrais vous tuer…
Je l’ai commencé hier soir, sans attente particulière… et je n’ai pas pu décrocher. Dès les premières pages, j’ai senti qu’un cap avait été franchi. Il installe ses personnages, les creuse, les fait exister pleinement. Le décor est posé avec soin, un manoir familial majestueux, isolé, où règne le vernis glacé des convenances bourgeoises. Nous sommes chez les Becker, une famille riche, puissante, et redoutablement étanche aux débordements émotionnels. Noël approche, les Garvax sont invités, les apparences se doivent d’être impeccables. Mais la fête tourne rapidement à l’aigre.
Il y a dans ce roman une tension qui m’a rappelé Les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie. Une atmosphère feutrée et toxique à la fois, où chaque sourire semble masquer un couteau. Une tempête de neige enferme les convives. Et rapidement, le premier cadavre est découvert. Un détonateur. Le vernis craque, les rancunes sourdent, les masques tombent. Les non-dits deviennent des accusations. La parole se fait arme. J’ai été happé par cette spirale.
Le manoir lui-même devient un personnage à part entière, avec ses couloirs secrets, ses escaliers dérobés, ses 4000 m² qui semblent conspirer. C’est dans ce décor presque gothique que le détective Chapter Trick et sa fantasque acolyte Mademoiselle Flair débarquent. Le duo détonne, décalé, presque burlesque parfois, mais ô combien efficace dans cette mêlée de faux-semblants et de mensonges familiaux. L’enquête s’avère retorse, rythmée, et jamais prévisible.
J’ai particulièrement apprécié la galerie de personnages, certains touchants, d’autres carrément odieux, mais tous croqués avec justesse. On passe de la colère à la tristesse, du rire à la gêne. L’auteur nous balade, nous piège, et finit par nous cueillir avec une élégance qui m’a bluffé.
Une plume vive, immersive, soignée. Un huis clos redoutablement efficace, mené avec maîtrise, où l’architecture du lieu épouse les arcanes du suspense.
Une belle réussite.
Merci encore, Eymeric, pour cette lecture aussi réjouissante qu’inquiétante, qui m’a embarqué et franchement régalé.
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Extraits :
« 20 décembre 1950, midi.
Suzanna Becker patientait derrière la fenêtre couverte d’une buée glaciale.
Depuis deux ou trois jours maintenant, un froid saisissant prenait en grippe la région des Pyrénées-Atlantiques. Les températures mettaient à mal tout le monde. Suzanna expira et se frictionna les mains, puis les épaules, afin de se réchauffer un peu. Les vacances de Noël promettaient de ne pas être de tout repos.
Que ce soit en rapport avec la météo, ainsi qu’avec les invités qui arrivaient et envahiraient le domaine, durant des jours entiers.
Que c’est beau toute cette neige ! »
« – Tes ancêtres de la couronne britannique doivent se retourner dans leurs tombes, mon petit-fils, attesta sa grand-mère paternelle, tout aussi répugnée et outrée que déçue. Je remonte dans mes appartements. Qu’est-ce que tes parents ont raté dans ton éducation, hein? Tu es un dégénéré, mon pauvre Edward… un pédéraste. Un Becker? Tu es maudit, mon garçon… Maudit. Jamais, je n’aurais cru qu’un de mes petits enfants… »
« Durant toute la nuit, elle avait cogité. Est-ce que cet homme l’avait auparavant touchée ou forcée à faire quelque chose contre son gré ? Elle ne se le rappelait plus. Seulement, à présent qu’elle y songeait, des bribes de souvenirs occultés l’accablaient. Ces vignettes ne se distinguaient pas les unes des autres. Puis, elles se brouillaient presque aussitôt et finissaient par se dissiper.
– J’étais gamine… »
« Rosmerta se dit alors que les gens fortunés, qui possédaient ce que la plupart enviaient, ne réagissaient pas de la manière la plus normale, sauf lorsque la nourriture sucrée côtoyait une triste nouvelle. Cela étant, ce qui troublait à l’excès de la gouvernante restait l’importance que ces bourgeois privilégiaient à leurs petits soucis personnels, en omettant en grande partie le drame survenu. C’était comme s’ils minimisaient la chose. Ceci l’écoeurait au maximum. Ces bougres de richesses, songea-t-elle, dégoûtée. Ils ne se préoccupent pas de leurs divergences d’opinions. Des nombrilistes. C’était à vomir. Cependant, était-elle réellement étonnée ? Rosmerta a travaillé et opérait pour les Becker depuis trente ans. À ce stade, plus rien ne me surprend, je pensais-elle souvent. Malgré les bizarreries dont elle avait été témoin naguère. Les deux exemples les plus limpides dans sa mémoire résultaient là encore de drames événements au sein de la dynastie. »


Eymeric Bihan, 30 ans, est actuellement en poste hébergement au sein d’une maison de retraite dans les Pyrénées, à Saint Lary Soulan.
Suite à une imagination débordante depuis tout petit et à une succession de soucis personnels, il s’est pour ainsi dire plongé dans l’écriture.
Tout a commencé par des chansons en anglais, de part son attrait pour la culture américaine. Puis l’écriture a dévié sur des scénarios, des nouvelles pour enfin toucher la construction d’un roman. Avec Frisson Cognitif, il signe là la première trilogie, dans le genre littéraire du Cosy Mystery. Avec les paysages Pyrénéens qui l’entourent, il a de quoi nourrir son inspiration.
- Frisson Cognitif (2023)
https://leressentidejeanpaul.com/2024/11/18/frisson-cognitif/

Je ne connaissais pas du tout !
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C’est malheureusement pour lui un auteur qui n’arrive pas à trouver ses lecteurs… je ne comprends pas pourquoi.
Il a de très bonnes idées et des qualités certaines mais j’ai l’impression que la chance n’est pas de son côté. Dommage…
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C’est malheureusement un drame de beaucoup d’auteurs 😢
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