de Pierre Chavagné
Broché – 21 mars 2025
Éditions : Le mot et le reste

Au coeur d’un massif enneigé, Kofi et sa petite soeur Abena sont traqués par la Souche, une milice de gardes frontières. Dans leur fuite, ils croisent Caïn, un marginal qui leur vient en aide. Le trio trouve refuge en altitude chez un mystérieux couple d’ermites. La situation préoccupante dans la vallée et dans tout le pays les contraindra à hiverner ensemble. Ce confinement prolongé mettra la communauté à rude épreuve. Ils devront panser leurs blessures, s’organiser et s’approvisionner pour affronter la rudesse du climat et le groupe armé qui patrouille à leur recherche. Ils inventeront leurs règles et apprivoiseront leurs différences, mais tiraillés par la peur, l’ennui et l’émerveillement, les dissensions ne tarderont pas ; l’ennemi n’est pas toujours là où on l’attend.

C’était il y a un mois, jour pour jour. Un roman parmi d’autres, glissé discrètement dans ma boîte aux lettres. J’étais loin d’imaginer les bouleversements qu’il allait provoquer en moi au fil des pages…
Il y a des livres qui vous happent dès les premières lignes, qui vous remuent profondément, et qui continuent de vibrer en fin de lecture. Abena fait partie de ceux-là.
Une fillette et son frère perdus dans les Alpes sont traqués par une milice, en plein hiver. Mais au-delà de leur survie, c’est un récit profondément humain, qui oscille entre violence et grâce, instinct et réflexion.
Pierre Chavagné signe un texte puissant, à la fois romanesque et méditatif. J’ai pensé à La Route de Cormac McCarthy – ce même vertige face à la nature, cette noirceur lumineuse, cette capacité à sonder l’âme humaine sans jamais juger. L’écriture est agréable, fluide et très visuelle. L’auteur joue avec les nuances, les failles, les zones grises. Les personnages sont tous finement dessinés, crédibles, humains. Alors, j’ai grelotté, tremblé, douté même avec les personnages, me demandant régulièrement : Qu’est-ce que moi j’aurais fait ?
Abena parle de fraternité, de solidarité, mais aussi de la folie des hommes. Le récit interroge notre époque sans donner de leçon, sur la perte de repères, la violence qui gronde, ou quête de spiritualité, le besoin de nature, me laissant seul face à mes émotions. C’est bouleversant, intense… Il m’a rappelé pourquoi j’aime autant lire.
Un roman total, radical, à la fois tendu comme un thriller et aussi profond qu’une méditation. Les dernières phrases ont continué à résonner en moi, comme un écho persistant. Comme un souffle… Si vous aimez les textes qui vous happent et vous bousculent, foncez…
Merci aux Éditions Le mot et le reste pour ce très beau cadeau !
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Extraits :
« En hiver, les montagnes ont faim; au-delà d’une certaine altitude, les rochers deviennent des dents. Le frère et la sœur louvoient sur la crête osseuse entre des blocs de granit; deux petits bouts de viande reliés par une cordelette ; des proies, pas bien grasses, presque mortes. Le ciel est blanc, comme un bol de porcelaine vide renversé sur leurs têtes.
Aucune nuance de couleur, rien d’autre qu’un dôme lacté, une membrane impénétrable qui accentue la sensation de solitude et d’égarement. Leurs pieds engourdis par le froid s’enfoncent dans la neige, certains passages impraticables les obligent à des détours, ils glissent, tombent, se relèvent; impossible de rebrousser chemin, des hommes les pourchassent. »
« “Accélère.” Il s’encourage en se remémorant la voix hurlante de son entraîneur. « Bats-toi contre l’idée de perdre. » Un pas de moins. Encore un. “Si cela doit te tuer, que cela te tue, alors tu connaîtras ta limite.” »
« Mille mètres plus bas, sur le même versant, Cain est assis sur une souche au milieu de nulle part, les pieds enfoncés dans une flaque boueuse, rouge de son propre sang. Ce couteau dans le ventre n’était pas une bonne idée, il existe des manières plus douces de faire le point sur sa vie, surtout à vingt ans. »
« Il n’a rien prémédité. Un matin, il a emprunté tout l’argent qu’il a pu et a volé le reste à sa famille. Il a récupéré Abena à l’école. Comme ça sur un coup de tête.
Trois semaines qu’Abena ne parlait plus après le meurtre de sa camarade de classe. Ça le rendait malade. Puis il y a eu ses deux amis d’enfance qui ont péri le même jour sur le front du Tigré. Il a paniqué. »


Né en 1975 en banlieue parisienne, Pierre Chavagné vit désormais en Uzège, dans une maison en bois avec sa femme et ses trois fils. Dirigeant d’une entreprise de biotechnologie, depuis peu, il se consacre exclusivement à l’écriture.
« J’écris pour créer de la vie en plus grand. »
Grand lecteur, il écrit pour éviter de parler. Et aime placer la nature au centre de l’histoire.
- Auteur Academy (2010) est son premier roman,
- Les Duellistes (2017) aux éditions Albin Michel,
- La Femme paradis (2023) aux éditions Le mot et le reste a fait partie de la sélection finale du Prix Orange du livre,
- Abena (2025) aux éditions Le mot et le reste est son quatrième roman.
