Émotion, Drame, Polar, Psychologie

Avant d’avoir tout oublié

de Philippe Gil
Broché – 6 octobre 2022
Éditeur : NOUVELLES PLUMES

Une petite fille disparue au beau milieu d’un parc. Un vieil homme souffrant d’Alzheimer qui débarque au commissariat en répétant « Elle est morte ». Un gendarme qui décide de faire de cette affaire sa raison de vivre. C’est le point de départ de ce roman que vous ne lâcherez plus et dont le dénouement vous laissera sans voix.

Pour un premier roman, Philippe Gil m’a bluffé. Avant d’avoir tout oublié m’a littéralement happé dès les premières pages. J’y ai trouvé un polar intense, bien ficelé, terriblement humain. Le point de départ est glaçant : l’enlèvement d’une petite fille dans un parc, sous les yeux de son père, Jacques, interne en médecine. Charlotte disparaît, et c’est tout un monde qui bascule.

Rapidement, l’enquête s’organise sous la houlette du capitaine Mauduy. Toutes les hypothèses sont envisagées :
– Kidnapping contre rançon ?
– Acte isolé d’un déséquilibré ?
– Drame familial ?
Je me suis laissé emporter par les pistes, les fausses routes (et elle sont nombreuses…), les zones d’ombre. Rien n’est jamais simple dans ce roman. Le temps passe, l’angoisse monte, et l’auteur joue brillamment avec mes nerfs. Jusqu’à cette fin, totalement renversante, qui m’a laissé un vrai vertige.

Mais ce roman ne se limite pas à une intrigue haletante. C’est aussi un récit profondément émouvant. J’ai été particulièrement touché par le personnage du Professeur, confronté aux premières atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cette dimension plus intime donne une résonance nouvelle à l’histoire, un souffle d’humanité saisissant. L’auteur parvient à lier suspense et émotion sans jamais tomber dans le pathos.

Les personnages sont attachants, crédibles, complexes. L’écriture, fluide et sobre, laisse place aux émotions, sans fioritures. J’ai été marqué par la manière dont Philippe Gil nous parle de mémoire, de filiation, d’amour… et d’oubli, sa plume sobre mais pleine de justesse, m’a enveloppé d’une tendresse discrète.

Un roman qui m’a interrogé autant qu’il m’a captivé.
Bravo à l’auteur pour ce coup d’essai transformé pour moi en coup de maître !

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Extraits :

« Charlotte fredonnait une comptine à sa poupée. Il sourit. Fille unique, Charlotte avait l’habitude de jouer toute seule. Elle passerait probablement la matinée à dessiner bien sagement dans sa chambre. Il pourrait poursuivre son travail jusqu’à midi. Ensuite, ils prendraient leur repas, puis ils iraient au parc du Domaine de Beaulieu. Le rituel bien rodé d’un mercredi de repos. Il consacrerait tout son après-midi à sa fille. Sa petite fille chérie… »

« – Charlotte ? Je ne vois plus ma fille ! s’écria-t-il.
Il s’approcha des enfants, fit le tour de l’aire de jeux en appelant sa fille. Paniqué, il revint vers les deux mères de famille.
– Je ne vois plus ma fille !
– Mais où était-elle ? demanda l’une d’elles.
– Là… Juste là. Elle jouait au toboggan… Elle n’y est plus. Vous n’avez rien remarqué ?
– Mais non… Elle est habillée comment, votre fille ? demanda alors l’autre maman.
– Elle porte une robe rouge avec un bandeau dans les cheveux. »

« Surmontant ses craintes et son complexe d’infériorité, il s’approcha de Louise. Jacques était un jeune homme intelligent, particulièrement brillant même. Louise fut rapidement séduite par sa maturité qui tranchait singulièrement avec le comportement des autres garçons de son âge. Elle les trouvait toujours trop gamins. Une demi-heure plus tard, ils échangeaient leur premier baiser à proximité de l’étang, loin des regards indiscrets. Jacques avait percé la carapace et derrière l’image hautaine d’une demoiselle de bonne famille, il découvrit une jeune fille simple et fragile. Louise avait reçu l’éducation très stricte d’une mère autoritaire et froide, ne laissant paraître qu’arrogance et mépris à l’égard de son prochain. Une attitude que, par mimétisme, Louise adoptait parfois. »

« C’est le paradoxe. Nous savons parfaitement expliquer le mécanisme de destruction des neurones. Par contre, nous ne savons pas stopper cette dégénérescence. Les traitements actuels permettent de ralentir le processus et d’en diminuer les effets mais pas de l’arrêter. Dans ses périodes de lucidité, le Professeur en est tout à fait conscient, comme la plupart des malades du reste… Il s’agit là probablement de l’aspect le plus difficile de cette maladie, le plus dur à supporter. Pour le malade comme pour ses proches…
– Je comprends. Mais quand il répète : elle est morte, que faut-il en penser ? De quoi parle-t-il ?
– C’est très difficile à dire… »

Philippe Gil est né en 1963 à Albi, ville chère à son cœur où il vit toujours. Chef de projet informatique dans le secteur des assurances et père de deux grands enfants, ce passionné de vélo découvre sur le tard la passion de l’écriture, le besoin de raconter des histoires, bien loin de son métier d’informaticien.

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