Noir, Polar, Suspense, Violence

La plaine

de Pascal Escobar
Broché – 3 octobre 2025
Éditeur : Le mot et le reste

La Plaine, Marseille. Un individu sème a terreur en attaquant les camions de pizza des environs à la grenade lacrymogène. Parallèlement, Esmeraldo Platinium, rappeur n° 1 en France et originaire de ce quartier, reçoit des menaces de mort pour le dissuader de donner son concert événement au stade Vélodrome. Stanislas Carrera, enquêteur social et détective privé se voit confier ces affaires. Flanqué de son inaltérable cousin et associé Fruits Légumes, ses investigations vont lui faire découvrir que les relations entre le milieu du rap marseillais et le banditisme ne sont pas toujours celles qu’on croit et que les motivations profondes de l’être humain sont parfois insondables.

Après avoir découvert Belle de mai, le premier roman de Pascal Escobar, j’avais hâte de retrouver Stanislas Carrera dans de nouvelles aventures. Avec La Plaine, l’auteur nous entraîne une fois encore dans les bas-fonds d’un Marseille bien loin des clichés de carte postale. Ici, tout est froid, sombre, oppressant, et l’hiver n’arrange rien.

J’ai pris plaisir à retrouver Stanislas, enquêteur privé et ancien éducateur, un personnage cabossé mais terriblement attachant. Cette fois encore, il plonge au cœur d’une enquête où menaces de mort, règlements de comptes, drogues et trahisons se mêlent dans une atmosphère électrique. On y croise le milieu du rap marseillais, le banditisme, mais aussi les fantômes du passé qui ne cessent de resurgir.
Pascal Escobar a ce talent rare, faire sentir le pouls d’une ville avec une écriture brute, tranchante, mais toujours juste. Ses personnages parlent vrai, vivent vrai, dans une langue rugueuse qui claque comme un coup de mistral. J’ai été frappé par la véracité des détails, les accents, les ambiances, les modes de vie… Tout sonne juste, même quand ça fait peur.

Je l’avoue, Marseille n’est pas ma ville de cœur et le rap n’est pas ma musique de prédilection, mais la plume de Pascal a su m’accrocher, me captiver, me bousculer et aussi le plaisir de trouver ça et là, le long de ma lecture, des groupes de Rock ou de Punk qui me parlaient beaucoup plus !
Son réalisme cru, parfois brutal, donne une force incroyable au récit. J’ai aussi été touché par sa capacité à mêler roman noir et chronique sociale. Où s’arrête l’un ? Où commence l’autre ? Peut-être les deux ne font-ils qu’un…

Dans cette histoire, un rappeur menacé de mort et une série d’attaques de camions à pizza finissent par s’entremêler dans une intrigue tendue, haletante, où Stanislas tente de recoller les morceaux de son passé tout en cherchant la vérité. Et croyez-moi, rien n’est simple dans ces rues où chaque pas peut être le dernier.

Avec La Plaine, Pascal signe un deuxième tome puissant, à la fois noir et profondément humain. Je lirai sans hésiter le troisième volet de cette trilogie qui s’annonce déjà incontournable. Car, malgré ses horreurs et ses dangers, Marseille a ce charme brut et indomptable… et je crois bien que Pascal a réussi à ensorceler ma sensibilité.

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Extraits :

« C’est l’hiver. Il fait nuit. La vallée du Rhône crache un mistral à couper le sang. Le vent s’engouffre dans Marseille en arrachant les branches des arbres statufiés par le froid et la pollu-tion. Un homme avance d’un pas décidé le long de la terrasse du Petit Nice, place Jean-Jaurès. Le vent soulève la visière de sa casquette noire. Arrivé à l’extrémité de la place, il stoppe sa progression. Immobile, il avise le camion de pizza Chez Tonton parqué au coin de la rue des Trois-Mages. Ses yeux sont fixes, indifférents au chahut provoqué par les groupes de jeunes qui vont au bar. Le camion est de dos. Sa carrosserie blanche dévoile une fresque présentant une pizza à l’anchois entourée de feuilles de basilic, de laurier et d’origan.
Au-dessus de la pizza est inscrit en lettres de feu orange et rouge Pizza Tonton, le goût authentique de Marseille depuis 1989. L’homme à la casquette ne bouge pas. Son regard se pose sur une plaque de métal bleu et blanc vissée sur la porte arrière du fourgon. Il cille. Plusieurs fois. »

    « Il pleut. Carrera regarde ses chaussures. Des Caterpillar qu’il porte depuis un moment. Il regarde la rue de Rome qui file vers la place Castellane. Un sentiment de vide l’étreint. Le détective est saisi d’une impulsion. Il se rend à pas rapides vers la rue Saint-Férréol, jusqu’à la boutique Dr Martens où il achète une paire de bottes noires, classiques. Il les garde aux pieds.
    En sortant il s’observe dans une vitrine. Docs noires, jean, manteau sombre, cheveux poivre et sel. Tu es le Nestor Burma des temps modernes, Stani, que la lumière soit. L’enquêteur fait le geste de dégainer un pistolet. Une cagole le voit et dit à sa copine, Zarma, le gadjo y croit qu’il est dans un film, j’te jure y sont trop bizarres des fois. »

    « Le monde extérieur est une illusion qui brouille ton monde intérieur. Tu vis sur Terre en une époque ténébreuse et démoniaque. Tu vis dans un monde où il est possible de louer des trottinettes électriques et où les magasins affichent en devanture des photos géantes de ce qu’ils vendent à l’intérieur. Le détective sent le dégoût prendre possession de son monde intérieur. C’est ça la vie? C’est ça qui rend heureux? Non, mon ami. Seule la paix intérieure peut te rendre heureux. N’attends pas après les autres. L’autre n’a de cesse de te montrer qu’il est autre. »

    « Un chanteur new-yorkais a dit que le rock était une arène à l’intérieur de laquelle chacun pouvait se réinventer. La Plaine est une arène à l’intérieur de laquelle chacun peut acheter des bières à l’épicerie de nuit. Les bars et les lumières de ce quartier sont devenus les bouées de sauvetage auxquelles on s’accroche parce que de toute manière, il n’y en a pas d’autres. »

    Pascal Escobar naît à St-Henri en 1974. Il est l’avant-centre de l’équipe de football du quartier durant dix ans, puis devient punk, dynamiteur, projectionniste de cinéma et pour finir, travailleur social. Son parcours professionnel l’amène à travailler dans le secteur de la Belle de Mai, dans le troisième arrondissement de Marseille. Il écrit depuis 2017. Belle de Mai est son quatrième livre, son premier roman et le premier opus d’une série de trois romans sur Marseille.

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