Adolescence, Émotion, Drame, Histoire vraie, Poésie

La bouche pleine de mots

de Camilla Gibb
Poche – 1 janvier 2003
Éditeur : Piment

Une petite fille nous parle. Elle se nomme Thelma et a tantôt la voix de Poil de Carotte, tantôt celle d’Alice au Pays des Merveilles. Elle veut nous révéler un secret, pour s’en débarrasser, pour survivre. Mais existe-t-il des mots qui forcent la vérité à rendre gorge? Guérit-on jamais d’une enfance saccagée? Du fond de sa nuit, Thelma appelle au secours. Elle croit que le roi est nu et les grandes personnes capables du pire. Elle accuse, dénonce, pleure mais rit aussi pour conjurer l’angoisse. «Aimez-moi », répète-t-elle, et le lecteur n’y résiste pas.
Gabrielle Rolin (traductrice de l’ouvrage)

En ouvrant La bouche pleine de mots de Camilla Gibb, j’ai compris très vite que ce roman ne me ferait pas seulement suivre une histoire, il allait me faire entrer dans la tête de la petite Thelma, une petite abusée par son père sous le regard silencieux d’une mère qui détourne les yeux. Très vite, je me suis retrouvé prisonnier de ses pensées, comme si son esprit devenait le seul lieu possible pour comprendre ce qu’elle vit, ou plutôt ce qu’elle ressent. Le monde autour d’elle reste flou, presque inaccessible, mais ce n’est pas là que le roman veut nous conduire. C’est en elle que tout se passe, dans ce territoire intérieur où personne n’écoute, personne ne veut voir, sauf moi, lecteur malgré moi devenu confident involontaire.

Thelma se dépeint tour à tour comme un insecte sur un mur, une petite fille perdue, une femme fracturée, presque folle. J’ai suivi ses angoisses, ses doutes, sa douleur qui ne dit pas son nom. Elle porte sur la peau et dans l’âme les traces d’un père destructeur, mais aussi celles de ses propres choix, dictés par la confusion et la survie. Malgré la noirceur, jamais je ne me suis senti étouffé, il y a, dans l’écriture de Camilla Gibb, une délicatesse qui laisse filtrer parfois de minuscules éclats de lumière, de poésie, de ceux qui empêchent le désespoir de tout engloutir.

Ce qui m’a le plus bouleversé, c’est la façon dont l’autrice explore l’instabilité mentale de Thelma. Son esprit se fragmente, se décompose, se recompose autrement pour supporter l’insupportable. Le récit navigue entre époques, perspectives et états d’être, comme si la narration épousait les fissures de sa psyché. Peu à peu, je comprends ce qui l’a menée là, ce lent glissement intérieur. Et pourtant, au cœur de cette déchirure, il subsiste une force improbable, une forme de courage qui m’a serré la gorge.

Mais le roman ne s’arrête pas à la chute. Il raconte aussi la résilience, la lente remontée grâce à ces mains inattendues qui se tendent, ces êtres bienveillants qui l’accompagnent hors du gouffre, doucement, patiemment.

Je me suis demandé régulièrement pendant ma lecture si ce roman n’était pas autobiographique. Trop de subtilités ici ou là qui ont leur importance, beaucoup trop d’importance…
J’ai refermé ce livre, profondément remué par ce récit brutal, mais traversé d’espoir. Un roman qui donne voix à une enfant qu’on n’a jamais voulu entendre…

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Extraits :

« Voilà d’où vient l’homme que nous appelons notre père : il est assis dans une grange avec ses frères Gar-reth et Timothy, par un pluvieux après-midi dans les collines des Costwolds. Garreth, son aîné de deux ans, a regagné le foyer pour les vacances de Pâques après avoir fini son second trimestre au collège de Wheaton.
La mère, surnommée “Houpette” à cause du doux nuage de cheveux gris qui encadre son visage, ne se lasse jamais de faire l’éloge de son grand garçon, “un vrai petit gentleman à présent”… Timothy, le dernier, âgé de cinq ans, est assis, muet, les joues gonflées en permanence de bonbons assortis qu’il stocke dans sa bouche. Quand il ne dort pas, il passe la plupart du temps sans prononcer un mot. »

« Longtemps, j’ai eu l’impression que les gens saisissaient parfaitement ce à quoi je faisais allusion et je m’étonnais de leur obstination à ne pas le montrer.
Plus tard, rentrée chez moi, je battais la campagne, cherchais mon chemin dans un enchevêtrement de fougères et de groseilliers tout en chuchotant dans le noir à mon amant imaginaire. Je lui décrivais ce petit univers parfaitement clos et silencieux réservé aux étrangers. »

« Le matin, j’avais un endroit où aller : ma jolie école. Là, j’avais mon pupitre bien propre et je m’exerçais à écrire dans mon cahier neuf, sous l’œil de la charmante Mrs Kelly. C’est elle qui me donna le carnet intitulé: « Mon autobiographie» dans lequel j’allais révéler qu’à ma naissance j’étais un bébé mort et de couleur violette. Elle manifesta de l’inquiétude mais ce fut la suite qui l’incita à téléphoner à mes parents pour leur demander un entretien. Le deuxième paragraphe lui semblait pire que le premier. “Je m’appelle Thelma et je suis née morte, mon corps saigne, parfois je me transforme en insecte ou en caillou dans la cave, en une brindille, je roule mes yeux dans ma tête pour voir l’intérieur. C’est tout rouge et saignant. Ce que je préfère, c’est me transformer en poney shetland ou aller à l’école.” »

« Quand j’arrivais en retard à la maison, Papa qui m’avait attendue pour m’aider à faire mes devoirs me disait que j’étais une mauvaise élève et m’ordonnait de me coucher pour recevoir un châtiment. A présent, cela m’était égal. Je le laissais jouer à ses jeux dégoûtants et rêvais à Mrs Kelly en pensant : “Bientôt, il ne pourra plus jamais me faire ça.” »

Camilla Gibb est née à Londres en 1961, d’origine canadienne.
Elle a terminé son doctorat en anthropologie sociale à l’Université d’Oxford en 1997, et elle a passé deux ans à l’Université de Toronto à effectuer des recherches postdoctorales avant de devenir écrivaine à temps plein.

Elle est l’auteure de quatre romans, Mouthing the Words (La bouche pleine de mots), The Petty Details of So-and-So’s Life, Sweetness in the Belly et Beauty of Humanity Movement.

Elle a été lauréate du Prix Trillium en 2006 et finaliste pour le Scotiabank Giller Prize en 2005 en plus d’avoir reçu le Book Award de la Ville de Toronto en 2000 et le Prix littéraire CBC (Radio-Canada) de nouvelle en 2001.

Ses livres ont été publiés dans 18 pays et traduits dans 14 langues. Elle a été écrivaine invitée à l’Université de Toronto et à l’Université de l’Alberta et est membre auxiliaire d’enseignement au programme de maîtrise en création littéraire à l’Université de Toronto.

Amour, Émotion, Conte, Poésie

Les roses fauves

de Carole Martinez
Poche – 10 février 2022
Éditions : Folio

« Alors que les roses s’attardent, énormes dans la lumière rasante, le doute la saisit pour la première fois. Et si, à force de se dire heureuse, elle était passée à côté du bonheur… » D’origine andalouse, Lola mène en Bretagne une vie solitaire et sans éclat. Dans sa chambre, face au lit où elle s’interdit de rêver, trône une armoire pleine de coeurs en tissus. Ils renferment les secrets rédigés par ses aïeules avant de mourir. Cette vieille coutume espagnole défend cependant à l’héritière de les ouvrir. Jusqu’au jour où l’un des cœurs se déchire…

J’adore cet univers, entre rêves et réalité !

Il y a des romans qui ne se lisent pas, ils se respirent. Les Roses fauves de Carole Martinez en fait partie. Dès les premières pages, j’ai eu la sensation d’entrer dans un conte, d’être happé par des mots magiques, par une langue charnue, mélodieuse, habitée d’images et de parfums. L’écriture de Carole m’a une nouvelle fois enveloppé, à la fois douce et âpre, comme un pétale traversé d’épines.

Je me suis laissé guider jusqu’en Bretagne, là où une écrivaine en quête d’inspiration rencontre Lola Cam, une modeste postière au cœur vacillant, héritière d’une lignée de femmes mi-espagnoles, mi-bretonnes. Dans son armoire sommeillent cinq cœurs cousus, chargés de secrets, de douleurs, de destins féminins. Un seul s’est ouvert, celui d’Inès Dolores, et avec lui s’est libéré un souffle, un parfum, une mémoire.

Page après page, plusieurs vies s’entrelacent, celle de Lola bien sûr, mais aussi celle d’Inès, et celle de l’auteure elle-même qui se glisse dans le récit, brouillant les frontières entre la réalité et la fiction. J’ai adoré ce vertige, cette impression de ne plus savoir où j’étais, où commençait l’histoire, et où elle finissait. Petit à petits les cœurs s’ouvrent, les fleurs naissent, et le fantastique s’invite discrètement, comme une brume qui s’accroche aux mots.

Carole a ce talent rare et immense de faire éclore la poésie dans la souffrance et la beauté. Ses femmes sont toujours aussi fières, mais aussi blessées et parfois envoûtantes. Chacune porte en elle un monde, une lignée ou un secret.
Et ce parfum de roses fauves semble tantôt promesse d’amour, tantôt présage de mort. N’essayez surtout pas d’anticiper les pages. Laissez-vous porter dans un monde entre rêve et réalité… et ses passages réguliers en italiques…

Je me suis laissé bercer, égarer, puis bouleverser.
Au final, j’ai refermé le livre, une fois encore, le cœur plein d’émotions, ivre de mots, de senteurs et de songes.

Carole m’a de nouveau ensorcelé entre magie et poésie. Ses Roses fauves m’ont piqué l’âme, mais que c’est bon…

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Extraits :

« Des cœurs battent dans la chambre de Lola Cam. Des cœurs de femmes mortes.
Le premier est de satin bleu, c’est celui de sa mère. Le plus douloureux. Elle n’y touche jamais.
Cinq cœurs palpitent sur une étagère.
Le deuxième, celui de sa grand-mère Rosa, est un pré de velours traversé par un bourrelet de fil rose, doux comme une cicatrice. Lola le sort parfois pour le caresser, lui répéter la même phrase : « Como el camino, asi de grande te quiero, Yaya Rosa! »
Des cœurs de tissu, gros des secrets des mères, hantent les nuits de Lola Cam.
Le troisième, le plus réussi, est une œuvre de taffetas rouge, de fils noirs, orange et bleus : un cœur nocturne en feu. »

« Elle se redresse en frissonnant et se tourne vers le mur du fond du jardin – ce mur très haut et très épais qui la sépare du cimetière. Elle regarde ses gants terreux et les trois rosiers de Damas qu’elle vient de planter. Elle les trouve, tout à coup, loin-tains, comme abandonnés, en rang d’oignons, dans une solitude à crever. Elle a pourtant pris soin de les grouper, ils fleuriront en massif. »

« Lola tente de se dégager du souffle qui la ligote, de retrouver la douceur de cette fin de journée, en se concentrant sur l’odeur d’humus de la forêt voisine. Un parfum puissant contre lequel l’eau de toilette de son père ne pouvait rien jadis.
Tiens, pourquoi songe-t-elle soudain à son père? Le souvenir de son eau de toilette, comme contenu dans le parfum des bois, prend peu à peu le dessus. »

« Un livre ? Et qu’est-ce que vous écrivez de beau ? Des romans d’amour? On adore les histoires à l’eau de rose! Est-ce que vous tuez vos personnages à la fin ?
— Est-ce que vous racontez des histoires vraies ? me demande alors la postière soudain moins indifférente.
J’avoue que ce qu’on écrit dans un roman est toujours un peu vrai.
— Un peu vrai ? Ça ne veut rien dire ! rétorque la receveuse. Les choses sont vraies ou elles ne le sont pas! »

« Vos fesses adorables sont la plus belle chose que j’aie vue depuis le début de cette guerre, continue-t-il en gardant la main de Lola dans la sienne. Avant tout ça, j’étais jardinier à Dinan, ça paraît fou, non ? Je veux dire qu’un gars qui a passé une vie tranquille à faire pousser des fleurs, un gars comme les autres, se retrouve à sabrer d’autres gars comme les autres sans même savoir ce qu’ils faisaient dans la vie avant de se mettre à taillader des gars comme lui. C’est comme s’attaquer à un miroir ! On s’en fiche maintenant de ce qu’on était avant, du temps où l’on n’imaginait pas qu’une telle folie pouvait nous tomber sur le coin de la gueule sans prévenir ni rien, oui, on s’en fiche et on en tue juste autant qu’on peut, des ennemis, qui nous ressemblent comme deux gouttes d’eau, on les tue en essayant de ne pas y passer soi-même ! »

Née en novembre 1966 à Créhange, Carole Martinez est romancière et professeure de français. Elle a notamment signé Le Cœur cousu (2007), auréolé de nombreux prix, et Du domaine des murmures, couronné par le Prix Goncourt des Lycéens en 2011. En 2015, elle publie La terre qui penche (Gallimard). Tentée par la littérature jeunesse – elle est l’auteure de Le Cri du livre, en 1998 – Carole Martinez se lance pour la première fois dans la bande dessinée en scénarisant Bouche d’ombre pour Maud Begon. Deux albums sont parus chez Casterman en 2014 et 2015.

Le Cœur cousu (2007)
https://leressentidejeanpaul.com/2025/02/19/le-coeur-cousu/

La Terre qui penche (2017)
https://leressentidejeanpaul.com/2025/08/10/la-terre-qui-penche/

Dors ton sommeil de brute (2024)
https://leressentidejeanpaul.com/2024/10/14/dors-ton-sommeil-de-brute/

Amour, Émotion, Conte, Philosophique, Poésie

La boîte en fer rouillée

de Jean-Marc Dhainaut
Nouvelle gratuite – 2017

Un homme cabossé par la vie, une vieille chienne au seuil de son dernier souffle.
Une boîte en fer rouillée, exhumée d’un jardin…
Nicolas se retrouve dépositaire d’un secret trop grand pour lui, où certains messages, venus d’ailleurs, font renaître la promesse d’un Noël inattendu.

Avec La boîte en fer rouillée, Jean-Marc Dhainaut livre, une nouvelle fois, une nouvelle bouleversante, où le surnaturel se mêle à la mémoire, à la douleur et à l’amour inconditionnel.
Nicolas, est un homme meurtri par la vie, accompagné de sa vieille chienne Laya, il découvre dans son jardin une mystérieuse boîte contenant des lettres venues du passé. Ce qu’il croyait être au début une plaisanterie, se transforme en un voyage inattendu entre deux époques, deux destins, deux solitudes qui vont se répondre.

Jean-Marc a vraiment le don d’entrer directement dans mon cœur en quelques lignes. Il excelle à tisser une atmosphère à la fois intime et particulièrement poignante. Ici, la tendresse animale côtoie les fantômes de l’Histoire. L’émotion m’a serré la gorge, la dernière page m’a laissé à la fois meurtris et tellement apaisés… Une “petite” lecture que j’ai pris de plein fouet, dont vous ne sortirez pas indemne, mais comme moi, forcément grandi.

Une lecture gratuite, accessible sur le site de l’auteur :
https://www.jmdhainaut.com/la_boite_en_fer_rouillee.pdf

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Extraits :

« À quiconque trouvera cette lettre, je demande des nouvelles de mon fils, Salomon. Je suis sans nouvelles depuis que l’on nous a séparés. Avant de partir à mon tour, j’ai simplement le temps d’écrire ces quelques mots. Si vous la trouvez, si vous avez des nouvelles de lui, aussi incongrue vous semble cette boîte, écrivez-moi, et déposez-y votre lettre, et je saurai. »

« Laya, 14 ans qu’elle partageait sa vie. Elle était sa compagne de tous les instants, des bons et des mauvais. Toujours présente pour essuyer ses larmes, toujours là pour le réconforter, toujours là ces soirs où il craquait quand son ex-femme le poussait à bout. Souvent, il lui prenait la tête entre les mains en lui disant « Je voudrais que tu ne partes jamais, Laya, ne me laisse jamais ». Mais les jours de Laya étaient comptés, ils le savaient tous les deux. »

« Bonjour. J’ai trouvé votre lettre, mais je n’ai pas de nouvelles de votre fils, Salomon, et j’en suis désolé. J’espère que vous finirez par en avoir et je vous souhaite bonne chance. »

« Monsieur Nicolas. Merci de m’avoir répondu. Je vous supplie de m’aider à retrouver mon fils, ne m’abandonnez pas…
Hélène. »

……………………………

Jean-Marc Dhainaut est né dans le Nord de la France en 1973, au milieu des terrils et des chevalements. L’envie d’écrire ne lui est pas venue par hasard, mais par instinct. Fasciné depuis son enfance par le génie de Rod Serling et sa série La Quatrième Dimension, il chemine naturellement dans l’écriture d’histoires mystérieuses, surprenantes, surnaturelles et chargées d’émotions. Son imagination se perd dans les méandres du temps, de l’Histoire et des légendes. Il vit toujours dans le Nord, loin d’oublier les valeurs que sa famille lui a transmises.

Lauréat du Prix Plume Libre en 2018, il remporte le concours de nouvelles des Géants du Polar en 2019.

Brocélia
https://leressentidejeanpaul.com/2022/07/07/brocelia/

L’Œil du chaos
https://leressentidejeanpaul.com/2023/02/13/loeil-du-chaos/

La maison bleu horizon
https://leressentidejeanpaul.com/2023/04/13/la-maison-bleu-horizon/

Les prières de sang
https://leressentidejeanpaul.com/2023/08/22/les-prieres-de-sang/

Psylence
https://leressentidejeanpaul.com/2023/07/05/psylence/

Les Galeries hurlantes
https://leressentidejeanpaul.com/2023/12/02/les-galeries-hurlantes/

Mémoire de feu
https://leressentidejeanpaul.com/2024/07/03/memoire-de-feu/

ALAN LAMBIN et l’esprit qui pleurait
https://leressentidejeanpaul.com/2024/12/27/alan-lambin-et-lesprit-qui-pleurait/

Les couloirs démoniaques
https://leressentidejeanpaul.com/2025/01/09/les-couloirs-demoniaques/

ALAN LAMBIN et le fantôme au crayon
https://leressentidejeanpaul.com/2025/08/25/alan-lambin-et-le-fantome-au-crayon/

Comme une fleur sous un orage
https://leressentidejeanpaul.com/2025/08/27/comme-une-fleur-sous-un-orage/

ALAN
https://leressentidejeanpaul.com/2025/09/01/alan/

Émotion, Magique, Poésie

ALAN LAMBIN et le fantôme au crayon

de Jean-Marc Dhainaut
Nouvelle gratuite – 2017
Éditeur : Taurnada éditions

6 ans avant La Maison bleu horizon, Alan Lambin était déjà confronté à l’impensable.
Une enquête inédite explorant le monde du paranormal avec sensibilité et émotion…

Grand amateur des ouvrages de Jean-Marc Dhainaut, j’ai découvert, grâce à Jean-Marc lui-même et avec surprise, qu’une de ses nouvelles m’avait échappé, Alan Lambin et le fantôme au crayon. Un oubli vite réparé… et quelle lecture !

L’histoire s’ouvre sur une disparition d’enfant, jamais élucidée depuis deux ans. Dans le sillage de cette tragédie, un pseudo-médium sans scrupules profite de la détresse de la famille pour se faire mousser. Alan, lui, se retrouve involontairement mêlé à l’affaire, lorsqu’un esprit frappe à sa porte… au sens propre du terme.

Retrouver Alan Lambin, ce personnage aussi rationnel qu’intuitif, est toujours un plaisir. À ses côtés, son complice Paul, professeur de physique, apporte ce contrepoids scientifique que j’apprécie tout particulièrement. Très vite, la tension monte. Je me laisse embarquer par la plume précise de Jean-Marc, qui sait installer une ambiance sans jamais alourdir l’action.

Malgré son format court, cette nouvelle a tout d’une grande.
Rythme, mystère, justesse des émotions… tout y est. Pas besoin d’en rajouter, elle se suffit à elle-même, et j’en suis ressorti conquis.

J’ai aussi beaucoup aimé l’idée de ces nouvelles, qui sont initialement mentionnées dans ses livres, vennant enrichir l’univers d’Alan Lambin, en creusant subtilement certains aspects du personnage très atypique. Un joli bonus pour les fidèles lecteurs, et une porte d’entrée idéale pour les curieux.

Une lecture gratuite, accessible sur le site des éditions Taurnada.
Alors vraiment, pourquoi s’en priver ? Je recommande sans réserve !

https://online.fliphtml5.com/fcfdc/juto/#p=1
https://online.fliphtml5.com/fcfdc/qvuf/#p=1

Et il y en a d’autres…

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Extraits :

« L’article relatait l’aide qu’un présumé médium en quête de notoriété avait apportée à une femme, Mme Ledantec, persuadée que le fantôme de son fils disparu hantait sa maison. Pour ce genre de chose, la presse savait s’enflammer. Dès qu’il s’agissait de flirter avec le sensationnel sur fond de détresse d’une pauvre veuve, le scoop était tout trouvé. Un soupçon de paranormal et c’était presque la une. Les lignes et les mots des médias savaient si bien se délecter des larmes et du désarroi, ce qui mettait Alan hors de lui. Les plus condamnables n’étaient pas, à ses yeux, les journalistes, mais cette crapule de médium. »

« Le plancher du bureau se mit soudain à craquer, et le cœur d’Alan s’emballa lorsqu’un doute, peut-être précipité, l’envahit.
Pas chez lui, c’était impossible. »

« Alan avait passé le reste de la journée à se poser tout un tas de questions et angoissait à l’idée d’être encore tourmenté la nuit prochaine. Il était hors de question que sa propre maison soit hantée.
Hors de question ! Quel comble cela serait. »

« – Bonjour, madame, fit timidement Alan. Excusez-nous de vous déranger. Notre venue risque de vous étonner, mais…
– Je sais qui vous êtes, monsieur Lambin. Le chasseur de fantômes. J’ai eu votre père comme instituteur en primaire. Comment va-t-il ? »

Jean-Marc Dhainaut est né dans le Nord de la France en 1973, au milieu des terrils et des chevalements. L’envie d’écrire ne lui est pas venue par hasard, mais par instinct. Fasciné depuis son enfance par le génie de Rod Serling et sa série La Quatrième Dimension, il chemine naturellement dans l’écriture d’histoires mystérieuses, surprenantes, surnaturelles et chargées d’émotions. Son imagination se perd dans les méandres du temps, de l’Histoire et des légendes. Il vit toujours dans le Nord, loin d’oublier les valeurs que sa famille lui a transmises.

Lauréat du Prix Plume Libre en 2018, il remporte le concours de nouvelles des Géants du Polar en 2019.

Brocélia
https://leressentidejeanpaul.com/2022/07/07/brocelia/

L’Œil du chaos
https://leressentidejeanpaul.com/2023/02/13/loeil-du-chaos/

La maison bleu horizon
https://leressentidejeanpaul.com/2023/04/13/la-maison-bleu-horizon/

Les prières de sang
https://leressentidejeanpaul.com/2023/08/22/les-prieres-de-sang/

– Psylence
https://leressentidejeanpaul.com/2023/07/05/psylence/

Les Galeries hurlantes
https://leressentidejeanpaul.com/2023/12/02/les-galeries-hurlantes/

Mémoire de feu
https://leressentidejeanpaul.com/2024/07/03/memoire-de-feu/

Alan Lambin et l’esprit qui pleurait
https://leressentidejeanpaul.com/2024/12/27/alan-lambin-et-lesprit-qui-pleurait/

Les couloirs démoniaques
https://leressentidejeanpaul.com/2025/01/09/les-couloirs-demoniaques/

Amour, Émotion, Biographie, Drame, Poésie

Poussière d’homme

de David Lelait-Helo
Poche – 12 juillet 2012
Éditeur : Pocket

« Ce dimanche 3 avril, au soir, tes jours d’homme m’ont filé entre les doigts. Au presque commencement de ma vie, je t’ai perdu, toi avec qui je voulais la finir. Nous avions oublié d’être mortels, le temps nous a rattrapés… »
David LELAIT

« Je viens de finir ce livre, c’est un VÉRITABLE CHOC !!!!! Non seulement l’histoire est bouleversante mais le style est éblouissant !! Les mots claquent, lumineux et remplis de poésie ! Une émotion tout en pudeur pare ce livre d’une couleur unique. »
Gérard Collard

« Lyrique et sensible, juste et touchant, bouleversant même quand il ne reste qu’une poignée d’heures avant la séparation ultime. »
Ph.-J.C. Le Monde

« Un texte émouvant et d’une exquise sensibilité. »
Delphine Apiou Biba

J’ai découvert la plume de David Lelait-Helo avec Je suis la maman du bourreau, et dès les premières pages, j’ai su qu’il écrivait autrement. Il y avait cette pudeur dans la douleur, cette manière d’exposer l’indicible sans jamais tomber dans le pathos. C’était puissant, dérangeant, profondément humain. Un portrait de mère bouleversant, un cri discret mais essentiel.

Avec Poussière d’homme, j’ai retrouvé cette même force. Mais cette fois, l’émotion m’a submergé d’une manière plus intime, plus viscérale. Ce long chant d’amour et de mort, écrit tout en douceur et en retenue, m’a touché au cœur. Il y a dans ces pages une forme de grâce rare, presque fragile.

Le roman m’a pris aux tripes. Il m’a happé dans un tourbillon de poésie et d’émotions, où les mots choisis semblent parfois s’échapper d’un carnet secret. Des mots qui font du bien, des mots lumineux, des mots magiques… déposés ici et là, comme des cailloux blancs, un peu cachés parfois, que le lecteur devra ou pas, trouver pour, s’il le souhaite, les conserver bien précieusement. David raconte l’amour, son amour, avec une intensité brûlante, celle qu’on espère tous connaître au moins une fois. Un amour total, qui éclaire les gestes les plus simples et transforme le quotidien en miracle.

Il nous livre un hommage posthume, un cri d’amour et de douleur, une mise à nu poignante. Il évoque la perte, le manque, la maladie, le deuil, sans jamais chercher à nous apitoyer. Il questionne l’acceptation, la mémoire, le souvenir charnel de l’autre, ce qu’il reste quand il ne reste plus rien… ou presque. Juste ce prénom de trois lettres, et une éternité de souvenirs.

J’ai été totalement immergé dans son intimité. Chaque phrase, chaque silence entre les lignes, m’a bouleversé. Ce roman est un journal de bord de l’âme, un chant funèbre habité de lumière, un cri muet dans la nuit. Un concentré d’amour, de douleur… avec des mots qui claquent, des phrases qui prennent aux tripes… puis soudain, une larme qui surgie seule, qui s’éternise, elle sera finalement rattrapée par d’autres, de nombreuses autres qui le long de ma lecture méritaient aussi leur place…

Un véritable hymne à l’amour, malgré la tristesse, malgré la fin. Une œuvre traversée par la beauté, même dans la douleur.
Lire “Poussière d’homme”, c’est accepter de plonger dans l’abîme pour en ressortir tremblant, mais vivant. Lisez donc ce récit époustouflant, autant pour sa beauté que pour sa réalité et sa douleur. Aucun de mes mots ne pourra décrire ce que l’on ressent vraiment à cette lecture, il y a tant de sentiments et d’émotions, vous devrez comme moi y plonger corps et âme pour comprendre… Et forcément, finir votre lecture profondément touché.

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Extraits :

« Ce dimanche 3 avril, au soir, tes jours d’homme m’ont filé entre les doigts. Au presque commencement de ma vie, je t’ai perdu, toi avec qui je voulais la finir.
Nous avions oublié d’être mortels, le temps nous a rattrapés… La voix blanche et la colère noire, j’ai eu beau t’appeler, tu étais déjà parti, loin. Ta vie, minuscule tourbillon de quelques lunes et soleils, cessait là de tournoyer, sur le rivage carrelé blanc et glacé d’un hôpital. Un an sans toi, il y a trop longtemps, il y a si peu. Mais l’absence se rit du temps, elle déchire les calendriers, dérègle les horloges, rend folles leurs aiguilles. L’absence est un compagnon fidèle qui ourle désormais mes chemins d’exilé. »

« Que cette journée me semble sans fin depuis que, ce matin, au Père-Lachaise, à Paris, les flammes se sont unies pour t’emporter, t’émietter ! Depuis qu’hier j’ai poussé, de mes propres mains, le couvercle de bois verni sur ton visage de chair figée. »

« Les mots du curé ne parviennent pas à s’élever. Une ribambelle de sons creux. Je n’entends pas assez les trois lettres de ton prénom, il ne parle pas de ta vie, de ta joie, de ta bonté. Il articule le nom de Jésus, évoque le bon Dieu et ce foutu ciel qui t’ouvre prétendument ses portes, je ne l’écoute déjà plus… Je ne pleure pas non plus. Heureusement, les mots de ta jolie filleule, ses larmes, donnent de la chair et de l’humanité aux singeries de l’homme de Dieu. J’avais prévu de chanter puis renoncé, mais le manque de sève de l’instant me porte à finalement m’exécuter. »

« C’est un amour simple, facile, sur lequel on ne pose pas de mots. Mieux vaut le faire qu’en parler. Il roule léger. Il n’est pas de ceux auxquels on s’oblige pour ne pas vivre seul ou pour tromper l’ennui. Pas de ces amours que l’on couche sur un faire-part, que l’on grave dans les registres de l’état civil, pas de ceux qui donnent des enfants ou tiennent des promesses pour l’avenir du monde, pas non plus de ceux dont la passion vous brûle et vous dévore. Juste un amour qui souffle sur le cœur, juste le plaisir sans les devoirs, la caresse sans la gifle, le baiser sans la morsure.
Je ne tombe pas amoureux, je m’élève amoureux. Je t’aime comme on s’élève et grandit, comme on se hausse sur la pointe des pieds pour apercevoir la mer de l’autre côté de la barricade. Je t’aime en liberté. »

David Lelait-Helo est né à Orléans le 3 décembre 1971.

Après des études de littérature et civilisation hispaniques à Montpellier, il enseigne l’espagnol. En janvier 1997, à 25 ans, il publie chez Payot la première d’une longue série de biographies, parmi lesquelles

  • Maria Callas : j’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour (1997),
  • Dalida : d’une rive à l’autre (2004).
    C’est à cette période qu’il délaisse l’enseignement pour se consacrer à une carrière de journaliste. Il a écrit pour de nombreux magazines (Gala, Cosmopolitan, Femmes d’aujourd’hui…), animé des émissions musicales sur la chaîne Pink TV, occupé pendant vingt ans le poste de responsable des pages culture et people au magazine Nous Deux et, depuis 2022, celui de chroniqueur littéraire pour Femme Actuelle et Prima.
    David Lelait-Helo a également écrit des essais, Gay Culture (1998) et Les Impostures de la célébrité (2001), ainsi que des romans, dont :
  • Poussière d’homme (2006),
  • Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri (2016),
  • Un oiseau de nuit à Buckingham (2019) parus aux éditions Anne Carrière,
  • Je suis la maman du bourreau (2022), paru aux éditions Héloïse d’Ormesson
    https://leressentidejeanpaul.com/2022/04/09/je-suis-la-maman-du-bourreau/

Amour, Émotion, Poésie

L’AUTRE VERSANT

Poésie automnale
de Gérard Papier-Wagner
Relié – 4 janvier 2023
Éditeur : Auto-édition

« Écrire de la poésie, c’est aborder l’autre versant d’une réalité réinventée dans la fiction. Ainsi me suis-je laisser allé au gré de mon imaginaire et de mes états d’âme sans souci d’un classement. Le lecteur devra donc visiter ce recueil à la manière de qui entre dans une bibliothèque sans avoir une idée précise de ce qu’il vient y chercher, ni même de ce qu’il peut y trouver. J’espère simplement que celui-ci découvrira parmi mes poèmes le chemin qui mène hors des pensées convenues. »

Je dois l’avouer d’emblée, la poésie n’est pas, à la base, mon terrain de lecture favori. Et pourtant… ce recueil m’a surpris à plusieurs niveaux. Je ne m’attendais pas à être aussi touché, et c’est peut-être justement parce que je sortais de ma zone de confort que cette lecture a pris une autre dimension.

Très vite, j’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’un livre à « dévorer » comme je le fais souvent, mais bien d’un ouvrage à appréhender avec lenteur et attention. Il méritait une lecture posée, presque rituelle. J’ai donc choisi de le découvrir au fil des jours, à raison de trois ou quatre poèmes par-ci, par-là, selon l’humeur du moment. Et cette approche s’est révélée parfaite, je me suis laissé porter sans jamais forcer l’élan.

Chaque poème m’a emmené ailleurs, dans des émotions universelles, mais racontées avec une intimité qui les rend profondément personnelles. Gérard a un talent indéniable pour saisir la beauté des sentiments avec des mots simples, justes, toujours sincères. Ce qui m’a le plus marqué, c’est cette authenticité, j’ai senti très vite que chaque texte était nourri d’instants vécus, d’éclats de vie qui résonnaient parfois avec ma propre histoire. Il y a dans ce recueil une délicatesse qui touche le cœur sans jamais tomber dans l’artifice.

C’est un livre pour les rêveurs, les amoureux de la vie, ou tout simplement pour celles et ceux qui cherchent un peu de lumière dans leur quotidien. Les poèmes vibrent d’émotion, de tendresse, et abordent avec pudeur les élans du cœur, les premiers émois, le passage du temps ou la nostalgie des souvenirs. On y retrouve un parfum d’automne, certes, mais pas au sens saisonnier : un automne intérieur, celui de nos transitions, de nos souvenirs, de nos petits deuils doux et nécessaires.

En refermant ce recueil, j’ai compris que la poésie pouvait me parler, me toucher, même quand elle est écrite avec autant de sincérité. Une très belle découverte que je recommande, surtout à ceux qui, comme moi, n’osaient pas encore s’y aventurer.

Petit secret entre vous et moi pendant que l’auteur ne nous écoute pas.
Lorsque je suis arrivé au passage TEXTES NON VERSIFIÉS, comment vous dire… J’ai… Les mots… Il a fallu que…
… Non finalement, le mieux est que vous le lisiez. Vous comprendrez…

Merci du fond du cœur Gérard, grâce à toi mon horizon s’est encore agrandi !

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Extraits :

« MES ROSES
Que vous soyez de Bagatelle ou d’Ispahan
La princesse Meilland ou la Reine Écarlate
De noble souche ou d’églantiers du Morbihan
Votre corolle est une oreille délicate
À laquelle je me confie depuis toujours
Aimant à raconter mes chagrins mes amours
Frivole un beau matin rompant notre quiétude
Ayant dit mon désir de connaître un ailleurs
Par confusion ai pris la rosée pour les pleurs
D’une amante blessée par tant d’ingratitude
…/… »

« PAS LE TEMPS
Qu’elle est courte la vie je n’aurai pas le temps
De la comprendre bien Avant je serai mort
Fantasque fut la mienne ironique mon sort
J’ai le corps en hiver et le cœur au printemps
Ainsi ai-je souvent vécu à contretemps
Impatient d’être en mer puis regrettant le port
Qu’elle est courte la vie je n’aurai pas le temps
De la comprendre bien Avant je serai mort
…/… »

« BLEU-BLANC-ROUGE
Bleu tes yeux Blanc ton sourire Rouge tes lèvres
Bleu-Blanc-Rouge qui claque au vent de mon pays
C’est ton visage me mettant le cœur en fièvre
C’est l’étendard d’une histoire qui m’envahit
…/… »

« JÉSUS
Pardonne-moi de bouder tes cérémonies
L’Église prétendue gardienne de nos vies
Engoncée dans des rites soi-disant les tiens
S’occupe moins de celles-ci que de ses biens
…/… »

Né en 1941 à Paris, diplômé architecte en 1966, Gérard Papier-Wagner a exercé en tant qu’urbaniste-architecte à Pointe-Noire en République du Congo, puis à Batna dans les Aurès en Algérie avant de travailler, en libéral à Rennes, dans sa propre agence d’architecture jusqu’en 2001.

Mona
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LE PARFAIT inconnu
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À cause du Zibaldone
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Le disparu de Monrovia
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La double vie des Jodlere
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Le rendez-vous de Tchimbamba
https://leressentidejeanpaul.com/2023/12/21/le-rendez-vous-de-tchimbamba/

Le triptyque
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Dragon qui boite
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Amour, Émotion, Conte, Magique, Poésie

FLIPP LE PETIT FANTÔME

de Claudine Laurent Rousselle
Broché – 8 juin 2024
Éditions : Auto-édition

Philippe, Chris et Alan ont douze ans, ils sont amis depuis leur plus tendre enfance. Ils partagent tout. Ils aiment se retrouver au bord de la rivière pour faire des ricochets, pêcher, se balancer au bout d’une corde et sauter dans l’eau.
Un jour, ils décident de construire une cabane dans un arbre, ils ne ménagent pas leurs efforts et sont heureux de leur réussite.
Ils aménagent un barbecue sur lequel ils font cuire leurs prises. Assis sur des rondins de bois, entourés de la nature, ils dévorent à pleines dents, c’est un pur bonheur, jusqu’au jour où survient le drame…

Je croyais que Claudine Laurent Rousselle ne pouvait plus me surprendre. Et pourtant…
Avec Flipp le petit fantôme, elle m’a une fois encore profondément touché. Ce petit conte tout en délicatesse s’adresse aux enfants de 7 à 13 ans, mais il parlera tout autant aux parents, aux grands-parents, et à tous ceux qui gardent en eux une part d’enfance.

Avec sa plume empreinte de bienveillance et de poésie, Claudine nous offre une histoire tendre, simple et lumineuse, portée par une narration accessible et un ton volontairement naïf, au sens le plus noble du terme. Ce style, qui lui est propre, apaise, émerveille, et donne à rêver. Elle a glissé aussi, ici et là, réalisés par ses propres soins j’en suis sûr, quelques petits dessins qui ont joliment animés mon récit.

J’aurai aimé que l’aventure dure plus longtemps. Mais c’est bien là la force de l’autrice, savoir captiver les jeunes lecteurs sans jamais les perdre. Claudine connaît les enfants, elle sait comment les accrocher, les émouvoir, surtout les faire réfléchir… tout en douceur.

Flipp le petit fantôme est un récit court, certes, mais il résonnera longtemps dans mon esprit. Il touche le cœur, il fait naître l’émotion. J’avoue avoir versé quelques larmes tant ce petit monde imaginaire est porteur de lumière.

C’est un livre pour les petits, bien sûr, mais aussi pour les grands. Pour les mamans, les papas, les futurs parents, et tous ceux qui croient encore aux pouvoirs des histoires. Un conte pour donner aux enfants le goût de lire… et surtout, le droit de rêver.

Merci, Claudine, pour cette nouvelle parenthèse enchantée. Merci de nous partager ton imaginaire si riche et si généreux.
Aujourd’hui, je te le dis, si tu as besoin de quoi que ce soit, et si je peux t’aider, ce sera toujours avec un grand plaisir.
Tu offres aux enfants (et à nous tous) de magnifiques personnages, pleins de vie et de tendresse. Et ça, c’est un cadeau précieux.

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Extraits :

« Un beau ciel bleu, une rivière, un petit bois, un champ de fleurs …
Un réel bonheur pour Philippe et ses amis Alan et Chris, tous les trois âgés de douze ans, qui aiment la nature et s’en donnent à cœur joie à faire des ricochets sur l’eau de la rivière, se balancer au bout d’une corde attachée à la branche d’un arbre, plonger dans l’eau, et s’éclabousser.
Les rires fusent. »

« – Philippe !… c’est bien toi ?…
– Oui, n’aie pas peur surtout… mais appelle-moi Flipp, en haut, c’est le nom qu’on me donne.
– Flipp, d’accord… que fais-tu ici ?…
– Je voulais vous revoir Alan et toi. Je suis allé à la cabane, j’ai essayé d’attirer votre attention, mais j’ai vu que je vous faisais peur. Alors ce soir, je suis venu vous voir l’un comme l’autre.
Sache que vous êtes les seuls à me voir et à m’entendre. »

« Pourtant quelque chose l’intrigue.
Elle ne rêve pas, elle entend Alan et Chris parler à Philippe, comme à l’époque où il était avec eux.
Que leur arrive t-il ?
— Je dois avoir une conversation avec les garçons… ils ne peuvent continuer ainsi. Ils doivent admettre que leur ami est parti. Ça ne sert à rien d’imaginer le contraire, je pense qu’ils se font du mal.
Je leur parlerai demain pour ce soir, c’est un peu tard. »

« – Mes amis, qu’allez-vous retenir de ces vacances ?…
– On s’est bien amusés ! lui répond Alan.

– Et toi Chris ?
– C’est vrai ont s’est bien amusés, mais tu nous as montré tout ce que tu étais capable de faire pour les autres et je pense que c’est une leçon à retenir.
Nous devons, nous aussi, penser à venir en aide aux autres.
— Très juste ! Répondez Flipp et pas seulement aux humains, les animaux, les oiseaux, les arbres, les fleurs, et chaque être vivant sur cette terre peut avoir besoin de vous.
Vous devez apprendre à ouvrir les yeux ainsi que votre cœur.
Faudra vous rappeler tout mon enseignement.
Croyez-moi, ça vous rendra heureux du faire… »

Née à Reims, Claudine Laurent Rousselle a vécu à “La Neuvillette” durant sa jeunesse et son adolescence, depuis elle vie en Haute-Savoie. Dans sa jeunesse, elle a participé à plusieurs concours de poésies.
Depuis quelques années le rêve d’écrire des contes lui vient à l’esprit. Elle se lance, et sort son premier roman Un merveilleux cadeau en 2022.
D’autres romans sont d’ores et déjà en attente…

Émotion, Philosophique, Poésie

Contes des petits mondes d’à coté

de Alain Cadéo
Broché – 13 juin 2025
Éditions : La Trace

Comme Luca Di Fulvio et Christian Bobin qui étaient ses amis, Alain CADEO est parti le 12 juin 2024. Ce recueil posthume paraitra le 12 juin 2025 : un an après sa disparition…

« Il était une fois » faites attention, ça vous paraît léger, fragile, insignifiant… C’est pourtant là que dort tout l’inconscient. Méfiez-vous donc de ces petites histoires C’est le meilleur enfoui déjà dans nos crânes d’enfants. Le terreau et les graines de nos songes seront le plus beau champ de toutes nos actions. Car si le réel n’est qu’un singe se courbant devant les modes et l’immédiat, la rêverie est un lion sans âge, régnant en maître sur l’espace et le temps. »

Quand j’ai appris qu’Alain Cadéo nous avait quittés en juin 2024, j’ai senti un grand vide, une grande tristesse aussi…
Comme si une lumière s’était doucement éteinte. On ne s’était jamais vu, mais nous avions échangé parfois et très vite, j’avais “entrevu” la belle personnalité qui te guidait. Grâce à Martine, ton épouse, qui a ouvert tes nombreux cahiers et billets, j’ai pu découvrir avec plaisir ce nouveau recueil, Contes des petits mondes d’à côté. Un bijou de délicatesse qui m’a redonné, le temps d’une lecture lente, mon regard d’enfant, curieux, éveillé et plein d’émerveillement. L’amoureux des mots que je suis, ayant décidé de ne surtout pas lire ce recueil d’un seul tenant, afin que les émotions, les questionnements se développent à leur rythme, a savouré chaque page, comme s’il marchait dans un paysage familier, mais pourtant qu’il redécouvrait au gré des ombres et des lumières.

Lire Alain, c’est retrouver un souffle oublié. Il me ramène à moi-même, à mes silences, à ce qui compte vraiment. Il écrivait comme on tend la main, avec élégance, avec cœur, plus qu’avec panache. Aujourd’hui ses mots semblent glisser sans bruit, mais ils heurtent là où ça fait sens. Chaque petit conte m’a touché. Profondément. Ils parlent de moi, de vous, les “petits”, ceux qui préfèrent l’écoute à la démonstration, l’humilité au clinquant, au soit-disant “pouvoir”. Alain nous montre que la vraie poésie se cache dans les détails, dans ces riens du quotidien qui, mis bout à bout, finissent par dessiner ce qui est essentiel, la simplicité, la liberté comme un art de vivre afin de se retrouver, loin d’un monde dont l’évolution qui explose s’oublie.

Alain écrivait que “la paix se gagne par paliers”.
Il a raison et je crois que ses textes sont justement ces paliers. Des marches qui nous sont offertes, vers une vérité douce, mais jamais imposée, vers un monde qui s’ouvre uniquement à ceux qui savent regarder, écouter… Je suis chanceux, j’en fait parti.

Merci Alain, pour tes idées, pour tes mots qui résonnent désormais plus que je ne les lis. Ils resteront là, près de moi, à disposition suivant mon bon vouloir, comme une belle musique qui me ravira à chaque nouvelle écoute.
Et aujourd’hui, merci à toi, Martine, de nous les avoir offerts et de les faire perdurer…

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Extraits :

« Les contes n’ont pas d’âge, à peine un paysage et quelques personnages, animaux ou humains. Ils sont un peu comme les nuages, fuyants et aériens, et de bien innocents deviennent terrifiants.
Ils passent, changent, bougent sous les vents, pourtant on s’en souvient. Ils ont peut-être pris racine là où ne reste rien de ce qu’on nous a appris à coups d’explications, preuves, méthodes, lois, bombes, fusils, peur, patrie ou trahisons, logique, réalité, placements, dividendes et mille autres raisons. »

« Chers et doux amis… Je ne sais par où commencer… Mais il faut bien que je vous raconte cette… histoire… enfin ce qui m’est arrivé. Sachez dans tous les cas que, comme face à tout ce qui est un peu extraordinaire, je n’y étais pas préparé. Pardonnez également mon écriture un peu décousue, ces points de suspension qui sont les signes de mon esprit troublé… c’est qu’il est difficile de mettre en mots une aventure aussi… grotesque (là je devrais barrer, ce n’est pas le mot…je m’interroge… fantastique peut-être, effrayante, surprenante, déstabilisante, hors de la réalité…). »

« Je me souviens de ce soir-là, j’avais sept ans, nous remontions la rue où nous habitions avec mon père et il serra ma main à cet instant un peu plus fort que de coutume. L’ombre de l’énorme cathédrale plus bas étouffait, avalait le couchant. Les marronniers en fleurs balançaient leurs feuillages bien au-dessus du mur d’une caserne je crois, dont la crête était hérissée de tessons de bouteilles. Et les les martinets s’en donnaient à cœur joie dans un ciel bleu safran qui est le ciel du grand vent que les pleines lunes ramènent dans leurs cycles de sang. »

« L’écriture est une malédiction. Celui qui s’en approche un tant soit peu, se risquant à ouvrir des bocaux oubliés pleins de mots, ne sait plus comment faire pour s’en débarrasser. Il est pris d’une sorte de danse de Saint-Guy, agitant ses dix doigts, le cerveau envahi par mille insectes noirs qui grouillent, rampent, volent, vermine des grands fonds. Je ne sais pas par où commencer cette histoire. Je suis moi-même tout empêtré et atteint par cette syllogomanie.
J’entasse les mots sans répit et tremble chaque jour de devenir comme ce malheureux ayant été littéralement enseveli sous des monceaux de lettres et d’écrits qu’il n’envoyait jamais à personne par peur d’être incompris. »

« Lorsque vous passerez, frères humains, ne soyez pas désespérés. La paix, l’éternité se gagnent par paliers. Mais les bons compagnons que vous rencontrerez vous aideront à patienter. Douceur, tendresse, absolue gratuité, tout le meilleur des Hommes est là pour vous réconforter dans l’horrible silence précédant la Clarté… »

Alain Cadéo est l’auteur de nombreux ouvrages (nouvelles, romans, textes, pièces de théâtre), dont « Stanislas » (1983), premier prix Marcel Pagnol 1983 ou encore Macadam Epitaphe (1986), Plume d’Or Antibes et Prix Gilbert Dupé.

Il est avant tout un passionné des autres, des humbles, ceux qui lisent les mots, les portent et les défendent… Ses textes sont toujours exigeants, en perpétuelle recherche de chemins différents, à l’image de l’homme, singulier, sincère et altruiste, mais aussi inclassable, comme sa littérature.

Après avoir été notamment publié par Mercure de France, il est depuis 2018 publié par les Éditions La Trace.
Il nous a quittés en juin 2024

Sa bibliographie complète est la suivante :

Émotion, Humour, Philosophique, Poésie

BOB

de Francis Denis
Broché – 25 janvier 2023
Éditions : La Route de la Soie Éditions

BOB c’est une fiction qui nous entraîne dans la féérie et la contemplation lucide sur notre monde. Métaphore de l’œuf mais aussi de notre époque… Faut-il que tout soit identique ou bien pouvons-nous garder nos singularités ou nos aspérités ?
Francis Denis nous entraîne dans ses malices littéraires et poétiques… Suivons le guide…

Après avoir lu Jardin(s) – La Femme trouée, j’avais vraiment envie de retourner dans le monde de Francis Denis. Et bien c’est fait !
Et dès les premières lignes, de nouveau j’entrais dans son univers à part, un mélange audacieux de fantaisie, de satire sociale et d’humanité profonde.
La première nouvelle, avec ce poulet philosophe en quête de sens, m’a fait éclater de rire autant qu’elle m’a fait réfléchir. Ce n’est pas tous les jours qu’on lit une fable moderne aussi bien tournée, qui parvient à mêler humour absurde et critique mordante du monde contemporain.

Les deux autres récits ne sont pas en reste. J’ai été touché par Louis ou la fuite en avant, qui parle à tous ceux qui rêvent de recommencer ailleurs, autrement. Et puis il y a De l’autre côté de la ligne, un texte à la fois poignant et espiègle, où des pensionnaires d’EHPAD décident de reprendre leur destin en main. Un vrai coup de cœur pour cette bande de “vieux résistants” !

Ce que j’ai aimé avant tout, c’est la voix singulière de l’auteur, sa capacité à traiter de sujets graves sans jamais se départir d’un certain éclat de rire. Avec BOB, Francis Denis signe un recueil jubilatoire et profond, à lire comme une bouffée d’air frais dans un monde devenu bien souvent beaucoup trop gris.

Ce modeste ouvrage, d’une grande finesse, révèle une fois de plus que Francis est un véritable artiste. Il joue avec les mots avec une aisance remarquable et nous en offre toute la saveur.

Ce “petit” livre, tout en légèreté et en grâce, murmure que Francis est un artiste des mots. Il les fait danser, il joue avec, les fait vibrer, chanter, et j’en suis l’heureux témoin…

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Extraits :

« À peine sorti de l’œuf, Bob, encore tout innocent mais ne doutant pas un instant du danger qui représentait le monde extérieur pour une créature aussi petite et fragile qu’il était, se mit à courir derrière les jupes de sa mère. Des grands pans de plumes qui balayaient la terre en soulevant de gros nuages de poussière et ça lui piquait aux yeux. C’était le prix à payer pour assurer sa propre sécurité. Il savait instinctivement que son salut se trouvait là, entre les énormes pattes de la créature qui lui avait donné vie et qui, déjà, ne lui prêtait plus la moindre attention. »

« À peine blotti contre le plumage de Georgette, rencontre inopinée, cadeau du ciel, maman retrouvée, Bob n’en demande pas plus et plonge dans les bras de Morphée, abandonnant sa douce rencontre à ses rêves érotiques et la laissant, pauvresse, le bec dans l’eau, comme l’on dit par ailleurs et sans vilain jeu de mots.
Le lendemain, libido insatisfaite pour l’une et mal de crâne et langue pâteuse pour l’autre, les adieux sont bien frileux. »

« Sans en connaître la raison, Bob souffrait déjà.
Il comprit à cet instant que réfléchir n’avait pas que du bon et il se mit à envier tous les autres animaux de la basse-cour et du monde entier. Tous ceux-là qui ne se posaient pas de questions et n’avaient même pas les choses à prendre comme elles venaient puisque c’était les choses qui les prenaient.
Mais il n’avait pas le choix. Aller de l’avant, toujours de l’avant, contre vent et marée, c’était sa destinée. »

« — Les nouvelles du monde sont bien tristes ! Ici, au moins, nous sommes à l’abri pour un certain temps.
Ernest semble dépité.
— J’espère, ajoute-t-il d’un ton grave, que nous, les animaux, ne connaitrons jamais la haine ni la soif de pouvoir. »

Francis Denis est né en 1954. Auteur et artiste peintre autodidacte, il réside à Longuenesse, dans le Pas-de-Calais, près de Saint-Omer, en France. Il a été éducateur de 1973 à 2014. Il fut le co-fondateur de la revue poétique Lieux-d’Être avec le poète Régis LOUCHAËRT puis co-organisateur du festival d’art sacré contemporain Les Regardeurs de Lumière en la cathédrale de Saint-Omer de 2008 à 2013.

La Route de la Soie – Éditions est une maison indépendante dont le but est de faire émerger des passerelles d’humanités, des résistances poétiques.

Amour, Émotion, Poésie

La femme qui ne vieillissait pas

de Grégoire Delacourt
Poche – 30 janvier 2019
Éditions : Le Livre de Poche

« À quarante-sept ans, je n’avais toujours aucune ride du lion, du front, aucune patte d’oie ni ride du sillon nasogénien, d’amertume ou du décolleté ; aucun cheveu blanc, aucun cerne ; j’avais trente ans, désespérément. »

Il y a celle qui ne vieillira pas, car elle a été emportée trop tôt. Celle qui prend de l’âge sans s’en soucier, parce qu’elle a d’autres problèmes. Celle qui cherche à paraître plus jeune pour garder son mari, et qui finit par tout perdre. Et il y a Betty. Ce qui est arrivé à Betty est le rêve de toutes les femmes. Et pourtant.

Un conte qui pourfend joliment la dictature de l’apparence. Véronique Cassarin-Grand,
L’Obs.

Un roman trouble, fascinant avec quelque chose d’étrange qui touche au fantastique. On a rarement vu un écrivain s’attaquer avec autant de singularité au mystère de la beauté éternelle. Du grand Grégoire Delacourt.
Mohammed Aïssaoui, Le Figaro littéraire.

Encore un roman qui m’a touché, mais oserai-je dire que je m’y attendais un peu…

La femme qui ne vieillissait pas, de Grégoire Delacourt, m’a remué, bouleversé.
Ce récit, à la fois limpide et cruel, m’a un peu fait penser au roman d’Oscar Wilde, Le Portrait Dorian Gray, par sa façon d’explorer le vertige d’une jeunesse figée. En effet, une femme découvre que le temps n’a plus de prise sur son corps, figé à l’âge de trente ans. Ce miracle apparent devient très vite une malédiction, creusant peu à peu l’abîme entre elle et les siens. Mais au-delà de l’intrigue, c’est une méditation fine sur le temps, ce lien invisible qui unit ou désunit les âmes. Derrière ce miracle apparent se cache une tragédie lente, insidieuse…

L’écriture, vive, directe, presque haletante, prend ici la forme d’une confession, et ce roman pose une question essentielle dans une société où vieillir devient presque une faute, où les personnes âgées sont montrées du doigt, devenues inutiles, où la recherche absolue de la jeunesse éternelle devient presque une obligation…
Que devient notre lien aux autres quand le temps cesse d’agir sur nous ? L’écart se creuse, l’isolement s’installe.

À chaque nouveau roman de Grégoire Delacourt, je suis au rendez-vous.
Celui-ci n’a fait pas exception, même si l’auteur délaisse ici sa prose coutumière, et s’essaie à une écriture plus poétique, ouverte à l’imprévu.

Je le recommande sans la moindre réserve.

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Extraits :

« Afin de devenir la meilleure version de nous-même et de commencer à vivre avec passion et détermination, il faut faire le tri de notre inventaire émotionnel. Nous, les êtres hypersensibles, sommes très compliqués. Nos sentiments sont une petite, mais importante partie de ce que nous sommes. En fait, il a été largement admis que les émotions étaient l’adversaire numéro un des hypersensibles. Faux ! C’est avant tout l’ignorance ! »

« La colère, la joie, la tristesse, la surprise, le dégoût, l’auto-hostilité, le mépris, la peur, la honte, et la culpabilité ne sont que quelques-unes des émotions qui peuvent affecter notre vie quotidienne et nos relations avec les autres. Les émotions ont le potentiel de dominer nos décisions à des moments critiques. Les émotions jouent un rôle dans tout ce que nous faisons, des décisions que nous prenons à la façon dont nous interprétons le monde qui nous entoure. Il faut donc les distinguer, pas les combattre. »

« Lorsque je me sens submergée de sentiments, il est rare que je trouve la bonne attitude à adopter, à savoir le recul nécessaire à la situation. Nier les conséquences négatives de la surcharge émotionnelle et de la surstimulation est risqué pour une personne hypersensible comme moi, et peut avoir des résultats dévastateurs pour mon bien-être. »

« Malheureusement, ce n’est pas arrivé qu’une seule fois, mais plusieurs. À l’école, on se moquait souvent de moi parce que j’étais trop émotive et que je réagissais de façon excessive. Il y avait des moments, en classe, où j’avais les larmes aux yeux parce que je n’arrivais pas à comprendre ce que le professeur essayait de m’expliquer. Je pleurais si un camarade refusait mon invitation à jouer. Quand quelqu’un me parlait, je disséquais chaque mot. »

Né en 1960 à Valenciennes, Grégoire Delacourt publie à cinquante ans son premier roman, L’Écrivain de la famille, récompensé par cinq prix littéraires dont le prix Marcel Pagnol. La Liste de mes envies, best-seller international publié et traduit dans plus de trente pays, a fait l’objet de nombreuses adaptations théâtrales et d’un film de cinéma. On ne voyait que le bonheur a figuré sur la liste du Goncourt et a été élu roman de l’année par Le Parisien. Mon Père et L’Enfant réparé ont été unanimement salués par la critique.