de Leïla Slimani
Poche – 14 avril 2022
Éditions : Folio

“Écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle”. Comme un écrivain qui pense que “toute audace véritable vient de l’intérieur”, Leïla Slimani préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter cette proposition d’une nuit blanche à la Pointe de la Douane, à Venise, dans les collections d’art de la Fondation Pinault, qui ne lui parlent guère ? Autour de cette “impossibilité” d’un livre, avec un art subtil de digresser dans la nuit vénitienne, Leïla Slimani nous parle d’elle, de l’enfermement, du mouvement, du voyage, de l’intimité, de l’identité, de l’entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, comme Venise à la Pointe de la Douane.

Je ne connais pas l’âge de Leïla Slimani, mais à la lecture de ce “petit roman” on pourrait croire qu’il a été écrit par une personne beaucoup plus âgée, ou alors, Leïla a déjà vécu de nombreuses vies…
“Petit” par son nombre de pages, Le parfum des fleurs la nuit est un très grand livre, érudit, poétique, beau et mélancolique. Dès le début de ma lecture, c’est comme si le temps s’était arrêté ! En quelques pages Leïla a abordé tellement de sujets différents et intelligents qu’il a fallu que je m’attarde sur certains passages. Non pas parce que je ne les avais pas compris, mais ils étaient tellement fondé, et tellement juste que j’ai vraiment pris du plaisir à ces relectures. Après avoir lu il y a quelques mois Chanson douce, je savais que j’allais très vite lire d’autres romans de cette auteure. Elle confirme ici mon premier Ressenti. Cette lecture m’a donné l’impression d’avoir pris une très grande inspiration. Et…
J’ai voyagé, de Rabat à Paris, puis de Paris à Venise où se roule le récit, mais c’est surtout dans l’esprit de Leïla que j’ai voyagé. Leïla se dévoile, se raconte, les doutes sur son métier, son pays, sa langue maternelle, toutes les difficultés à définir son identité, son père, sa mère, sa religion aussi. C’est très émouvant, tout sonne tellement juste, tellement vrai. Je pense que ce n’est pas pour rien qu’à 30 ans à peine, elle ait déjà reçue le Prix Goncourt.
Je vais continuer à la lire, j’aimerais beaucoup la rencontrer, pouvoir discuter avec elle voir si le temps s’arrête de nouveau…
“Le parfum des fleurs la nuit”, c’est la réminiscence de tout les souvenirs enfouis, c’est la mémoire olfactive du passé qui se réveille. Le sien, mais aussi le nôtre…
Merci Leïla, pour ta plume élégante et magnifique qui telle une douce symphonie m’a accompagnée pendant quelques heures, bien trop courtes à mon goût.
Coup de cœur pour Leïla, que je recommande vivement !
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Extraits :
« Si je n’avais rien à raconter sur l’art contemporain, qu’allais-je bien pouvoir dire sur Venise ? Il n’y a rien de plus effrayant, pour un écrivain, que ces sujets sur lesquels il semble que tout a déjà été dit. »
« En trente ans, la population de Venise a été réduite de moitié. Les appartements, ici, sont mis en location pour les voyageurs de passage. Ils sont vingt-huit millions chaque année. Les Vénitiens, eux, sont comme des Indiens dans une réserve, derniers témoins d’un monde en train de mourir sous leurs yeux. »
« Dans quel piège suis-je encore allée me fourrer ? Pourquoi ai-je accepté d’écrire ce texte alors que je suis intimement convaincue que l’écriture doit répondre à une nécessité, à une obsession intime, à une urgence intérieure ? D’ailleurs, quand les journalistes me demandent pourquoi j’ai choisi tel sujet pour mon roman, je me trouve toujours en peine de répondre. J’invente quelque chose, un mensonge crédible. Si je leur disais que ce sont nos sujets qui nous choisissent, et pas l’inverse, ils me prendraient sans doute pour une snob ou une folle. La vérité, c’est que les romans s’imposent à vous, ils vous dévorent. »
« Je n’ai pas peur de la mort. La mort n’est rien d’autre qu’une solitude aboutie, entière, absolue. C’est la fin des conflits et des malentendus. C’est le retour, aussi, à la vérité des choses, au dénuement. Ce que je crains, c’est la résistance du corps. La déchéance. La douleur qui ronge les chairs. »
« L’eau, la neige, le vent ne tiennent pas au creux de la main. Aussi fort qu’on veuille les saisir, ils restent rétifs à notre volonté de les emprisonner. C’est assez semblable à l’expérience que fait tout écrivain lorsqu’il commence un roman. Au fur et à mesure qu’il avance, un monde se crée, mais l’essentiel demeure inaccessible comme si en écrivant, on renonçait en même temps, chaque fois, à ce que l’on voulait écrire. L’écriture est l’expérience d’un continuel échec, d’une frustration indépassable, d’une impossibilité. Et pourtant, on continue. Et on écrit. “Garder courage, en sachant au préalable qu’on sera vaincu et aller au combat : c’est ça la littérature”, disait l’écrivain chilien Roberto Bolaño. »
Leïla Slimani, née le 3 octobre 1981 à Rabat au Maroc, d’une mère franco-algérienne et d’un père marocain, est une journaliste et écrivain franco-marocaine.
Élève du lycée français de Rabat, Leïla Slimani grandit dans une famille d’expression française. Son père, Othman Slimani, est banquier ; sa mère est médecin ORL, mi-alsacienne, mi-algérienne. En 1999, elle vient à Paris pour ses études où elle est diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris. Elle s’essaie au métier de comédienne (Cours Florent), puis décide de compléter ses études à ESCP Europe pour se former aux médias. À cette occasion, elle rencontre Christophe Barbier, alors parrain de sa promotion, qui lui propose un stage à L’Express. Finalement, elle est engagée au magazine Jeune Afrique en 2008 et y traite des sujets touchant à l’Afrique du Nord.
En 2014, elle publie son premier roman aux éditions Gallimard, Dans le jardin de l’ogre. Le sujet (l’addiction sexuelle féminine) et l’écriture sont remarqués par la critique et l’ouvrage est sélectionné pour le prix de Flore 2014.
Son deuxième roman, Chanson douce, obtient le prix Goncourt 2016.
https://leressentidejeanpaul.com/2022/09/02/chanson-douce/




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