Émotion, Drame, Philosophique

1986

de Sioux Berger
Broché – 2 février 2023
Éditions : de Borée

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Suzanne est une jeune fille un peu rêveuse, un peu perdue. Elle semble avoir du mal à trouver sa place aux côtés d’un frère, brillant élève de la rue d’Ulm, qui fait la fierté de ses parents garagistes. En ce jour du 17 septembre 1986, alors qu’elle le rejoint rue de Rennes, leur destin bascule et tout l’univers de Suzanne en est chamboulé. Hantée par des visions qui la renvoient dans un passé lointain, les années de la Grande Guerre s’imposent à elle au détour d’une rue, d’un poème ou d’une rencontre. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, peine à l’interpréter et le refoule. Pourtant, lorsqu’elle parvient à l’accepter en puisant au fond de son être, son avenir s’illumine et un nouvel ordre s’établit, au sein duquel, enfin, elle se sentira à sa place. Riche de son expérience auprès de thérapeutes en mémoire cellulaire et familiale – notamment Myriam Brousse, Sioux Berger a voulu, avec cette fiction, mettre en lumière l’héritage inconscient que nous portons parfois de nos ancêtres. Toutes les lettres auxquelles il est fait référence dans ce roman sont celles de Francis Desboeufs. Personnage clé du récit, ce dernier a laissé une nombreuse correspondance qui retrace sa vie de soldat ainsi que le drame qu’il a vécu avec sa femme.

 

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En lisant ce roman, j’ai eu de nombreuses fois l’impression que Sioux me chuchotait à l’oreille.
Paris, 1986, dans “mon” quartier. La rue Mouffetard, où j’ai vécu et travaillé les premières années de ma vie, la place de la Contrescarpe, le Jardins de Plantes, les rues du Ve et du XIIIe arrondissements qui sentaient si bon Paris, et je me dis… Mais, j’y étais en 1986, alors, j’ai forcément dû croiser Suzanne, dans la rue, sous un porche, sur la terrasse d’un café ? Je ferme les yeux, j’essaie de me rappeler. J’aurais tant aimé lui parler… Lui dire… les attentats, puis la peur aussi… Mais surtout l’amour.

Sioux m’a complètement troublé. La magie de ses mots authentiques, pas de frime ni de blabla… À une époque où les mots étaient plus importants que les images. D’ailleurs les mots naissent naturellement dans l’esprit de Suzanne qui correspond avec François dans un journal qui la suit partout. François est son confident, son ami, sa béquille aussi, sans François, elle est perdue. Mais comment expliquer au gens que François n’est pas vivant ? Ou peut-être beaucoup trop vivant dans sa tête. Suzanne ressent la vie, ressent l’amour, elle voit au-delà de son regard, elle tisse des liens avec les gens qu’elle aime, qu’ils viennent du passé ou qu’ils croisent son quotidien. Mais Suzanne se sent un peu perdue au milieu des vies qui l’entourent, ne se sent pas à sa place dans ce monde qui la déroute. Elle cherche des réponses, mais elle se cherche aussi. Qui est-elle vraiment ?

J’avais beaucoup aimé Les Pentes. 1986 est le second roman de Sioux Berger, et de nouveau, j’ai été transporté dans un roman où la magie s’est glissée un peu partout !
L’auteure déroule un fil à travers son récit qui nous mène à des indices, des symboles. À nous lecteurs de les attraper, de les comprendre et pourquoi pas, les partager.
Sioux aime la vie, elle aime les gens, c’est écrit en toutes lettres à chacune de ses pages à travers la sensibilité de sa belle héroïne, qui se pose énormément de questions…
Sioux, nous donne toutes les réponses. Charge à nous de les prendre et les transmettre. Ne sommes-nous pas à la recherche d’un monde meilleur ?
Ne cherchez pas trop loin… C’est là, juste sous vos yeux…

Nouveau coup de cœur pour ce récit fort et émouvant.
Très bon choix des Éditions de Borée, que je remercie, et qui me transportent de plus en plus par les choix de leurs auteur(e)s.

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Extraits :

« Tout avait commencé par une histoire de rats dans les poubelles. Suzanne avait appelé son frère à la rescousse et, comme d’habitude, elle s’en mordait les doigts. Pourtant, au téléphone, il avait eu plutôt l’air heureux d’aider « sa petite sœur provinciale perdue dans la capitale ». Ils s’étaient donné rendez-vous, rue de Rennes parce que Louis donnait un cours particulier dans le quartier, et il était hors de question qu’il perde un temps précieux à venir la chercher chez elle. Ils avaient décidé qu’ils iraient ensemble consulter un spécialiste en raticide. »

« Vous avez un don, jeune fille.
Suzanne ne répondit pas. Elle but lentement une gorgée de thé, puis se replia sur la banquette. Geneviève repris :
– Vous aimez la vie, je le vois, à votre façon de déguster, cet oolong, à votre style lorsque vous rédigez une dissertation. On perçoit aussitôt chez vous une immense joie de vivre.
Suzanne, se recroquevilla plus encore sur elle-même.
– Cette part que vous trouvez sombre en vous peut devenir lumineuse aussi. Ne la repoussez pas. L’univers vous chuchote un récit à l’oreille. Écoutez-le. Il va vous guider vers le bonheur. »

« Une grosse cloche accueillait les visiteurs et, par-dessus le mur d’enceinte, le gigantesque lilas des Indes inondait la place, c’était un feu d’artifice, éclatant et fuchsia. »

« Lorsque vous rayonnez de joie, vous savez dénicher le bonheur, même sur le périphérique à une heure de pointe. Mais ni la bombe, ni la joie ne croisent délibérément votre chemin. Vous seule ressentez le monde au travers du filtre de vos émotions. Suzanne, vous possédez une immense sensibilité aux vibrations qui vous entourent, aux flux de la vie. Vous êtes dotée d’une capacité toute particulière pour faire parler votre corps. »

« Nous croisons tous un jour ou l’autre des moments douloureux. Le souvenir de la mort de papa est pour moi indélébile, ajouta-t-il en baissant les yeux. »

« Il est ma guérison, mon chemin de vie, celui qui annule le mot « solitude » de mon vocabulaire. »

« Mais pourquoi parles-tu, tout bas ? demanda la jeune fille alors qu’elle connaissait parfaitement la réponse.
Grégoire s’approcha d’elle, et lui murmura à l’oreille :
– Pour ne pas froisser l’instant.
Suzanne rougit et hâta le pas. »

Sioux Berger cultive sa plume tout autant que son jardin et partage avec la terre une relation très intime, dans laquelle elle puise à la fois, son inspiration et sa joie de vivre. Auteure de nombreux ouvrages aux éditions Marabout dans les collections Mes Petites Routines et Les Paresseuses, Les Pentes est son premier roman. Sioux Berger partage son temps entre Paris et le Cantal.

Elle est aussi maman de trois enfants, deux jardins et deux chats.

Elle aime :

– les crayons de papier 2B bien taillés, et les carnets Moleskine.
– la terre fraîche à retourner à pleine mains
– la danse, à la folie et pour toujours. Faire tourner une jolie robe d’été sur une musique que l’on peut chanter à tue-tête.
– la chaleur du soleil, la chaleur d’une couette, la chaleur d’un feu de cheminée.
– le concombre croquant en été, et la potée qui mijote tout doux tout doux en hiver.
– le vent sur les joues quand on pédale vite sur une route libre.
– les feuilles amassées sur le sol en automne parce qu’on peut courir dedans
– une maison qui sent bon le pain chaud
– le silence, il est si rare aujourd’hui.

Elle n’aime pas :

– les gens qui poussent et qui crient
– l’odeur fausse des frites du fast food
– les éclairages au néon
– les embouteillages
– les pistes de ski qui ressemblent à des embouteillages.
– les gens qui disent  » au jour d’aujourd’hui  » et qui enchaînent les critiques sur un ton aigre.

“Je m’appelle Sioux, comme les indiens d’Amérique. Et pourtant je suis issue des montagnes du fin fond de la France, aux confins de la Lozère et de L’Auvergne. Je porte en moi mes racines, et ce sont elles qui m’élèvent. Chaque jour, parce que je suis une grande angoissée (surtout depuis que je vis en ville…), je m’attache aux petits bonheurs quotidiens qui bâtissent mon bien-être.

Dans mon jardin, j’aime faire pousser la vie. J’aime y regarder mes enfants courir, puis grandir.
Dans mes textes, j’aime faire pousser la joie, et… un bon vieux sens pratique rempli d’astuces.

J’ai travaillé dans la presse, sur le net, pour des sites tels que “aufeminin.com”… Je suis aussi formatrice en gestion du stress et des émotions. J’aime le contact avec les autres, leur tendre la main et les aider. Apaiser les douleurs… donner des sourires.

Mes enfants m’appellent “le druide”.
Pour moi, la vie est une tasse de thé, dégustée lentement sur deux marches d’escalier au soleil.
Et lorsque je suis, prise par le tourbillon des transports, des factures, et des tâches ménagères, je cherche toujours le petit moment qui me permettra de me ressourcer.
Je vous invite à venir vous asseoir sur les marches avec moi. On pourra rire ensemble, pleurer, accueillir toutes nos émotions, les partager, et gravir d’autres marches main dans la main.”

Drame, Histoire

Les Amazones***

de Jim Fergus
Poche – 3 septembre 2020
Éditions : Pocket

Elles étaient mille femmes blanches, troquées jadis par le chef Little Wolf contre autant de chevaux. Après la bataille de Little Big Horn, quelques survivantes décident de prendre les armes contre l’État américain, accapareur de terres et massacreur d’une culture séculaire. Cette tribu fantôme d’amazones, guerrières indomptables, insoumises et rebelles, va passer dans la clandestinité pour livrer une bataille implacable, qui se poursuivra de génération en génération…

 

 

Voilà, c’est fini pour la suite et fin de cette trilogie passionnante chez les Indiens d’Amérique du Nord.

C’est triste, c’est beau et passionnant à la fois.
Alors, oui, ce tome est peut-être moins “riche” que les deux précédents, mais personnellement, l’apport de la “magie” dans ce dernier volet m’a beaucoup plu… Encore une fois, j’ai aimé voyager dans ces contrées sauvages et encore vierges de toute civilisation, avant l’arrivée de l’Homme blanc et de sa main mise sur tout !

Jon, nouveau propriétaire et rédacteur en chef de “Chitown », un magazine de Chicago, récupère de nouveaux carnets qui ont été transmis sur plusieurs générations de mères en filles, et ce, jusqu’à nos jours.
Témoignage bouleversant d’une époque révolue, où la lutte était continuelle. Les “Cœur vaillant”, mélange de femmes, blanches et d’Indiennes sont les nouvelles amazones. Des femmes guerrières qui pour le bien du Peuple, ont décidé de se faire justice, n’hésitant pas à tuer pour se venger si nécessaire… à travers les générations…

Jim Fergus clôt sa trilogie.
Il a rendu un superbe hommage à la culture et au mode de vie des Indiens d’Amérique et surtout à toutes ces femmes conquérantes et libres…
May, Molly, Phemie et toutes les autres, allez me manquer.
Mais je sais qu’elles ne sont pas loin.
Elles sont là, elles veillent sur leurs descendants, de leur “monde”, où elles vivent désormais à jamais en paix…

Une magnifique trilogie !

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Extraits :

« – J’aimerais connaître la fin de l’histoire pour la publier intégralement.
Je crains que cela ne soit pas possible, Jon, pour l’instant.
Pourquoi ?
Parce que la suite contient des secrets tribaux, qui sont sacrés, et parce que vous être blanc. Chaque fois que les vôtres ont touché une chose qui nous appartenait, ils l’ont volée ou détruite, alors nous devons protéger ce qui reste. »

« Jadis, bien sûr, les tribus avaient toutes différents noms pour s’appeler elles-mêmes et entre elles – des noms qui ont évolué au fil du temps. Nous autres Cheyennes étions des Tsistsistas, ce qui, dans notre langue, signifie les humains, à distinguer des ours, des bisons, des oiseaux, des poissons, des chevaux, etc. Un nom humble et sans prétention qui sous-entend que nous faisons partie du monde animal, sans pour autant nous estimer meilleurs ni supérieurs – juste différents. »

« Toutes les religions semblent être organisées au bénéfice du sexe masculin, avec pour conséquence que les femmes sont reléguées au second plan : elles accouchent, élèvent les enfants, s’occupent des corvées. Voilà pourquoi je me méfie des religions, celles des Indiens y compris. En outre, ai-je fait remarquer à l’aumônier, aussi chrétien et admirable soit le refus de la violence dont il est partisan, cette attitude s’accorde mal aux réalités de notre existence ici. »

« Ton peuple a massacré les bisons des plaines. Nous entions réduits à manger nos chevaux et le bœuf que l’État expédiait dans les réserves. Bien souvent de la viande pourrie, d’ailleurs. C’est à cette époque que nous avons commencé à tomber malades, physiquement et mentalement. Nous avions coexisté avec les bisons pendant plus d’un millénaire. Nous dépendions d’eux pour tout, c’était un véritable mode de vie. Nous les considérions comme nos frères. Pas seulement des frères : nos frères. Ils faisaient partie de la famille. »

 

 

Né à Chicago en 1950, d’une mère française (aristocrate originaire de Bourgogne) et d’un père américain, Jim Fergus est chroniqueur dans de nombreux journaux américains. Passionné par l’histoire des Indiens d’Amérique, il avait depuis toujours le projet d’écrire une biographie de Little Wolf. Afin de trouver matière à son livre, il s’est beaucoup documenté et a sillonné le Middle West, de l’Oklahoma au Montana, seul pendant plusieurs mois, sur les pistes des Cheyennes. À partir d’un fait authentique, Jim Fergus a imaginé le journal d’une des femmes qui ont été données en mariage aux Indiens en 1875. Mille femmes blanches (2000), qui est son premier roman, a obtenu le prix du premier roman étranger.

Mille femmes blanches – Tome 1
https://leressentidejeanpaul.com/2022/07/29/mille-femmes-blanches/

La vengeance des mères – Tome 2
https://leressentidejeanpaul.com/2022/08/03/la-vengeance-des-meres/