Noir, Polar, Psychologie, Suspense, Thriller

Je ne me souviens plus très bien…

de Yannick Provost
Broché – 8 septembre 2023
Éditions : Éditions Lajouanie

• Bandeau_Intro_1.jpg

Sur une aire de repos, un homme se réveille dans une Mercedes, criblée d’impacts de balles, sans le moindre souvenir… À la radio, on ne parle que d’un braquage récent particulièrement violent. L’amnésique est-il l’un des truands que la police recherche ou une victime collatérale ? Sa quête pour retrouver son identité va bousculer le quotidien d’un bourg de Normandie en pleine révolte sociale.

Un roman noir rural aussi dépaysant que surprenant, par l’auteur d’Il ne rentre pas ce soir… et de Tu joues, tu meurs ! La Normandie comme vous l’avez rarement lue !

 

• Couv_2024-002_Provost Yannick - Je ne me souviens plus très bien…

 

J’ai eu l’énorme plaisir de revoir Yannick Provost fin novembre à Polar’Osny !
Que le temps passe vite, cela faisait déjà près de cinq ans que nous ne nous étions pas croisés. J’étais par ailleurs passer à coté de ses deux premières parutions, mais cette fois-là pas question !

Très vite, son roman particulièrement noir et violent m’a embarqué dans la tête de celui qui ne sait plus qui il est. Notre héros est amnésique. Il cherche par tous les moyens de se retrouver. C’est une traque plus qu’une enquête qu’il décide de mener. Une traque où la peur n’est jamais loin, car à son réveil, il y avait du sang partout dans une Mercedes qu’il ne connaît pas, avec une arme de poing posé à ses côtés… Est-il un meurtrier, un criminel ? Dans le petit village où il se trouve en Normandie, dernièrement il y a eu un braquage terriblement sanglant.

Yannick a essayé de nous perdre avec des personnages particulièrement haut en couleur, de nombreux paysans, des agriculteurs, des vaches bien sûr, des tueurs polonais, là, c’est moins courant, mais tout s’imbrique particulièrement bien.
Il est fort ce Yannick !
C’est captivant et sans temps morts. Je serai incapable de vous dire combien il y a d’histoires dans son récit, une chose est sûre, vous n’êtes pas prêt de vous ennuyer.

Et pourquoi tous ces titres à chaque chapitre ?
Un mot. Un seul. Un verbe à l’infinitif, repris dès le début du chapitre dans la première phrase ! Un mot qui à chaque fois m’a pris la tête, me demandant le pourquoi, le lien ?

J’ai lu le roman entre lâcher-prise et tension extrême.

D’ailleurs, qui est cette jeune femme rousse qui va entrer dans la destinée de notre héros !

Un récit gigogne sous forme de tourne-pages, sans un instant de repos, adressé à tous ceux qui n’ont pas froid aux yeux et ont l’estomac accroché.
Je valide !!!

÷÷÷÷÷÷÷

Extraits :

« La jeune femme se composait d’un mètre soixante-six d’insouciance et de gaîté. Un fantasme celte perdu à la frontière de la forêt d’Écouves avec des yeux gourmands et verts, une tignasse rebelle de cheveux roux et une paire de seins ensorcelants. Derrière son comptoir, elle rêvait de flirts et d’évasions parisiennes, en carbonisant le moindre mâle gravitant aux alentours. »

« – Arrête ! Pardon. Je suis désolé. Ne fais pas ça.
– Arrêter ? Non, mais tu rigoles. Tu as arrêté toi quand tu m’as pénétrée ? Je t’ai supplié. J’ai hurlé.
Après, tu as filé comme le porc que tu es. Tu t’es barré faire le beau.
– Faire le beau ? Qu’est-ce que tu crois ? Je suis soldat. Mon métier, c’est la guerre. Et en ce moment, c’est loin, à l’Est.
– Et pas une seconde, le petit soldat que tu es, n’a pensé à revenir élever sa gamine ? »

« – Tu étais fier quand j’avais ton ventre contre moi. Regarde-toi, tu n’es plus rien. Rien qu’un amas de viande. Et cette viande ne mérite aucune pitié.
Prise de frénésie, elle ne s’aperçut de rien quand l’homme cessa de l’insulter. La folie avait gagné Sybille. Elle ne voyait plus le géniteur de sa fille, mais un boucher à punir. Chaque coup la libérerait d’un poids. À chaque impact, la lourde pince labourait ce corps qui l’avait souillé. Elle s’attaqua au visage de son violeur qui ne ressemblait plus à rien. »

« Bordel ! C’est quoi mon nom ? Comment je m’appelle ? beugla-t-il.
Un vertige absolu. Il frappa son front contre le volant avec pour résultat un nouveau signal à l’orchestre qui recommença à jouer. Une sérénade pour trolls frappant l’enclume qui lui servait de cerveau. Putain de mal de crâne. Soudain, il gravit un échelon sur l’échelle de l’effroi : Mais qu’est-ce que je fous là ?
Il n’avait plus aucun souvenir. Ni nom, ni adresse, ni proche. Il était dans une voiture sur un parking enneigé. D’ailleurs était-ce la sienne ? Il examina la boîte à gant. Rien. Aucun papier, ni dans l’habitacle ni sur lui. Rien que les clés sur le contact et un bonnet. Il l’enfila. Au moins, l’air gelé ne lui lécherait plus le crâne. Il fixa le rétroviseur. Ce visage était le sien. Ses doigts parcouraient ses pommettes, l’arête de son nez, sa mâchoire. Le contact physique. L’index et le pouce. Palpable. Il ne rêvait pas. T’es qui mec ? Putain, je suis qui ? Sa barbe devait avoir deux jours. Sa tempe portait un hématome. OK ! Au moins je sais d’où vient mon mal de crâne.
Il mit le contact. Le moteur démarra. »

 

Né pour voir Niel Armstrong poser le pied sur la lune et écouter Abbey Road, amateur de romans noirs et de musique et de whiskys, Yannick Provost aime partager ses penchants à travers ses écrits. Voyageur passionné, il oscille entre la région parisienne et la Sarthe. À ce jour, Yannick Provost est l’auteur de 3 romans parus aux éditions Lajouanie :
Tu joues tu meurs ! (2021),
Il ne rentre pas ce soir… (2022) et
Je ne me souviens plus très bien… (2023).

Yannick Provost est d’une génération pré-chatGPT, pour qui le papier est essentiel. Il a plongé dans la littérature noire pour y trouver des sources de réflexions mais aussi de plaisir. « Le roman noir, qu’il se fasse polar illustrant les revers et les maux de notre société, ou qu’il se fasse thriller filtrant la vision de notre présent, voire de notre futur, recueille nos travers et nos craintes en filigrane. »

Émotion, Roman

L’homme qui veille dans la pierre

de Alain Cadeo
Relié – 13 septembre 2022
Éditions : La Trace

Plus qu’un roman, ceci est un journal tenu par un artiste peintre casanier tiré de son cocon pour retrouver, il l’a promis, traces de son frère Théo disparu dans une coulée de lave à l’autre bout du Monde, vingt ans auparavant.
Ce journal, entièrement dédié à une petite fille vivant dans ce hameau d’âmes perdues sous la tutelle d’un volcan, est le récit d’un être qui se découvre un amour fou pour l’innocence et la beauté, l’universel de tout instant vécu loin de la glu des peurs, du bruit et de la convoitise.

 

 

L’homme qui veille dans la pierre est le prolongement de Mayacumbra.
Il peut se lire indépendamment, mais ce serait vraiment dommage de passer à côté des tribulations de Théo… En effet autant Théo était un personnage très curieux, qui se projetait vers l’extérieur, qui avait besoin de s’exprimer, de voyager et qui d’ailleurs est parti un jour en laissant toute sa famille et ses amis.
Dans ce nouveau récit, c’est Augustin, son frère qui est à “l’honneur”.
Augustin, c’est… En fait il est tout le contraire de Théo ! Il est calme, réservé et les voyages sont pour lui, tout ce qu’il y a de plus abstrait ! Il est heureux chez lui, passant des heures a peindre auprès de sa famille, qui d’ailleurs ne s’est jamais vraiment remise du départ de son frère… Les années passent. Un jour, vingt après le départ de son ainé, il décide de partir à sa recherche, suite à une promesse faite à sa mère avant de décéder. Il se met donc en route… Et là, commencera un voyage qui bouleversera sa vie, il fera des connaissances qu’il n’imaginait pas. Arrivé dans le village de Mayacumbra, il apprend le décès de son frère figé à jamais dans une coulée de lave refroidie, d’un volcan rugissant et devient soudain, le “grand-père” d’une adorable petite fille de cinq ans, Lina, sa petite-nièce.

À partir de là, Augustin va vivre l’essentiel, très vite oublier le superflu, il va adopter un nouveau mode de vie porté sur la transmission et l’échange. Il va découvrir dans ce village des habitants plus étonnants les uns que les autres et ce sera surtout le manque de sa nièce, partit étudier en “ville”, qui le poussera par écrit, à créer un lien transgénérationnel et intemporel.

Avec cette histoire belle et émouvante, Alain Cadéo, m’a emporté par ses métaphores qu’il a semées tout le long de son récit telles de petites pierres gonflées de magie. C’est le quatrième roman d’Alain que je lis et à chaque fois, j’ai cette impression d’être transporté ailleurs. Un ailleurs où les secondes, les minutes ne s’égrainent pas de la même façon, comme dans un rêve merveilleux que l’on ne voudrait pas quitter, peuplé de personnages extraordinaires…

Vous en dire davantage ne serait d’aucune utilité.
Il vous suffira juste de vous laisser aller, de suivre la poésie d’Alain au fil des pages…
Alain est un conteur, un magicien des mots, et lire ses romans, c’est accepter avant tout de se laisser aller dans un monde bienveillant et merveilleux.

Un grand merci aux Éditions La Trace…

÷÷÷÷÷÷÷

Extraits :

« À l’origine, dans l’aube bleue mouvante, quelques troncs noirs étranglent encore la lumière fade de la vallée. Ils sont la trame d’une immense forêt pourrissante.
Là, beaucoup plus haut, dans les rides du ciel, moi, Théo, je suis derrière une fenêtre glacée, au niveau du menton d’un volcan. La corne de Dieu.
Paisible enfin, assis, au chaud, à deux mille mètres d’altitude, dans une sacrée cabane construite de mes mains, plantée sur un plateau de pierres, “Je te rêve” Lita, comme un ado qui étreint les nuages.
Je vis ici avec un âne, Ferdinand. Depuis deux ans, je contemple le Monde, comme seuls peut-être, le firent les premiers Incas.
Je n’ai rien d’un ermite et pourtant, je ne vois pratiquement personne. Lorsque j’ai vraiment besoin de compagnie, je dégringole en vrai capricorne le sentier sommaire que j’ai tracé de mes pas répétés sur un des flancs de la montagne. Une demi-heure après, je déboule à Mayacumbra qui est le seul village à plus de cent kilomètres à la ronde… »

« J’étais bien, là, entre le ciel et les dieux qui me rendaient souvent visite, le soir, au crépuscule, et la nuit, par les fenêtres et les lucarnes de feu. Le feu des nuits sous les étoiles, cette liqueur d’ambre, cet hydromel des lents nuages violacés qui passent sous les lunes. Et moi le vermisseau, je devenais luciole et je peignais, avec comme une couronne fluorescente qui irradiait et dirigeait ma main, le tout dans des vertiges de béatitudes. »

« Tu sais au fond, une vie, ça se résume vite. Ce sont souvent quelques images… Diaporama, manège, lanterne magique… un peu toujours les mêmes. C’est chaud, c’est lourd, ça se glisse au hasard. Gros plan sur l’expression d’un visage, loupe sur un détail devenu important, sans qu’on sache pourquoi. Ce qui prédomine, c’est la puissance de certaines formes imbibées de parfum. Mémoire de nos doigts, de nos mains, du toucher… avec, en toile de fond, des mots, des notes, des timbres de voix. De l’émotion sur un buvard, de la couleur sur la grisaille de nos mémoires… Tout est important bien sûr, mais tu ne choisis pas toujours ce que tu vas retenir. Ce peut être aussi bête qu’un moucheron se débattant sur une tartine de confiture. »

 

 

Alain Cadéo est l’auteur de nombreux ouvrages (nouvelles, romans, textes, pièces de théâtre), dont « Stanislas » (1983), premier prix Marcel Pagnol 1983 ou encore Macadam Epitaphe (1986), Plume d’Or Antibes et Prix Gilbert Dupé.

Après avoir été notamment publié par Mercure de France, il est depuis 2018 publié par les Éditions La Trace.

Il vit à Évenos, en Provence.

Sa bibliographie complète est la suivante :

  • Les Voix de Brume (1982, nouvelles)
  • Stanislas (1983, roman)
  • La Corne de Dieu (1983, roman)
  • L’Océan vertical (1983, roman)
  • Le Mangeur de Peur (1984, roman)
  • Macadam Epitaphe (1986, texte)
  • Le Ciel au ventre (1993, texte)
  • Les Anges disparaissent (1998, roman)
  • Fin (1999, texte)
  • Et votre éternité sera la somme de vos rêves (2008, roman)
  • L’Ombre d’un doute (2008, théâtre)
  • Les Réveillés de l’ombre (2013, théâtre)
  • Zoé (2013, roman)
  • Chaque seconde est un murmure (2016, roman)
  • Des Mots de contrebande (Aux inconnus qui comme moi…) (2018, texte)
  • Comme un enfant qui joue tout seul (2019, roman)
  • Mayacumbra (2019, roman)
  • Lettres en Vie (2020, texte illustré)
  • Confessions (2021, roman)
  • Arsenic et Eczéma (2022, théâtre)
  • L’Homme qui veille dans la pierre (2022, roman)