Amour, Émotion, Drame, Humour, Poésie, Roman

Requiem pour une apache

de Gilles Marchand
Poche – 14 janvier 2022
Éditions : Points

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Jésus tient une petite pension, un refuge pour les réprouvés de la société. Un couple d’anciens taulards qui n’a de cesse de ruminer ses exploits. Un ancien catcheur qui n’a plus toute sa tête. Un jeune homme simplet. Une VRP qui pense que les encyclopédies sauveront le monde et un chanteur qui a glissé sur la voie savonneuse de la ringardisation. Lorsque Jolene s’y installe à son tour, plus question de baisser la tête, la pension devient le centre de l’attention et le quartier général d’une révolte poétique.

« Ce roman, c’est La vie mode d’emploi de Perec réorchestré
par A day in the life des Beatles. Ce roman,
c’est Despentes filmé par Fellini. »

Antoine Jarrige, librairie Le Tumulte

 

• Couv_2023-096_Marchand Gilles - Requiem pour une apache

 

Ils vivaient en paix, soit, avec leurs difficultés, mais ils vivaient en paix…
Il aura fallu, un “petit grain de sable”, un “Releveur” de gaz qui refuse de dire bonjour et tout à commencé à ce moment-là !

Si vous connaissez déjà Gilles Marchand, alors vous connaissez sa poésie entre les mots.
Si vous connaissez déjà Gilles Marchand, alors vous que vous allez découvrir des personnages extrêmement attachants.
Si vous connaissez déjà Gilles Marchand, alors vous savez que vous allez sourire parfois, trouver son texte intéressant, toujours, voire un peu fou, un peu fantastique.
Si vous connaissez déjà Gilles Marchand, alors vous vous attendez forcément à prendre beaucoup de plaisir à cette nouvelle lecture.

Et bien, vous êtes au bon endroit, vous ne vous êtes pas trompé.
On y va ?

Bienvenue dans cette grande fable poétique, politique et aussi dramatique, même si Gilles a le don de nous faire sourire entre les lignes.
Jésus tient une petite pension, où il reçoit de drôles d’individus. Les cassés de la vie, les fragiles, les pas beaux, les laids aussi, un chanteur oublié, un catcheur qu’on a trop frappé, des gens en colère, d’autres qui sourient tout le temps. Jésus ne fait pas ça pour l’argent. Il s’est donné une mission. Aider. Même si Mario, le “chef” de la cuisine, se met à penser, au bout d’un moment, que cela commence à faire beaucoup de monde tout ça !
Et puis un jour… Jolene arrive silencieuse, intriguée. Alors qu’elle-même peine à s’éveiller dans un monde qu’elle ne comprend décidément plus, elle va transformer le “refuge” en un symbole de liberté !

Voilà, vous savez tout… Ou presque !
Bah oui !
Il en faudra quand même un peu plus pour partager la vie de cette “bande d’ignorés” et verser quelques larmes… mais c’est tellement beau !

Dans un style qui me ravit à chaque fois, un doux moment de lecture où la musique est omniprésente…

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Extraits :

« Il aurait fallu commencer par le début, mais le début, on l’a oublié. Ça a démarré bien avant nous. Et bien avant elle.
Rome ne s’est pas faite en un jour, la légende de Jolene non plus. On la présente aujourd’hui comme la meneuse d’une troupe d’insurgés. Plutôt que d’insurgés, ça tenait davantage d’une cour des Miracles contemporaine accueillant les trop maigres, les trop gros, les trop petits ou trop grands, les trop ceci ou trop cela, les roux, les Arabes, les Noirs et les Chinois. »

« Jolene s’est retournée et lui a fait signe d’arrêter.
Elle a fait un nouveau pas.
Elle s’est plantée à un mètre de monsieur Gaz, a posé son verre sur le comptoir et lui a expliqué qu’ici, on disait bonjour. Tous les jours, on disait bonjour. Que l’on soit patron, employé, client ou représentant, on disait bonjour. C’était une règle un peu vieillotte, légèrement surannée, mais on y tenait. Bon-jour. »

« C’est ce soir-là que Jésus a inventé le “velours des Carpates”. Il désirait quelque chose de fort et de doux, un cocktail qui ressemblerait à Jolene. Un truc qu’on n’aurait pas vu venir. Il a pressé des citrons verts, sorti une bouteille de sirop de gingembre dont il n’avait jamais su que faire et ajouté une bonne dose de vodka. »

« Et, même s’il avait acheté leurs terrains au prix fort, une promesse est une promesse, surtout si elle est signée, paraphée en bas à droite sur chaque page, lue et approuvée contractuellement.
Il a eu des procès. Il a perdu des procès.
Reconnu coupable, il a culpabilisé.
Il a eu des amendes, il s’est amendé.
Il a payé des dommages et des intérêts, des préjudices. Il n’a rien négocié, il a tout payé.
Mais la société ne pardonne pas si vite. Il était devenu l’escroc mégalo. Il resterait l’escroc mégalo. »

« Jamais je n’avais vu Jésus aussi heureux et jamais il n’avait aussi bien porté son nom. Au milieu des déshérités, il ne prêchait pas la bonne parole, il se contentait d’accueillir et de faire au mieux. “Faire au mieux” était devenu sa spécialité. Lorsque Mario lui expliquait qu’il ne pourrait nourrir autant de monde, il lui demandait simplement et calmement de faire au mieux. Lorsqu’il y avait un problème de couverture, de courant d’air, de chasse d’eau, il nous demandait de faire au mieux. Il dégageait une étonnante sérénité. Et cette sérénité, il la devait à Jolene. »

« Le jour débutait et, pour marquer le coup, le soleil envoya trois rayons dans ma direction. Je parvins à éviter les deux premiers, me pris le troisième en plein visage. Ne voulant pas avoir de problème avec le soleil, je ne lui adressai aucun reproche et continuai ma route. J’avais marché toute la nuit. Il avait fait doux, léger vent d’ouest, faibles risques de pluie. »

 

Gilles Marchand est né en 1976 à Bordeaux. Il a notamment écrit Dans l’attente d’une réponse favorable (24 lettres de motivation) et coécrit Le Roman de Bolaño avec Éric Bonnargent. Son premier roman solo, Une bouche sans personne en 2016, attire l’attention des libraires (il est notamment sélectionné parmi les “Talents à suivre” par les libraires de Cultura, finaliste du prix Hors Concours, et remporte le prix des libraires indépendants “Libr’à Nous” en 2017) et de la presse, en proposant le curieux récit, le soir dans un café, d’un comptable le jour expliquant à ses amis pourquoi il porte en permanence une écharpe pour cacher une certaine cicatrice.

Il a été batteur dans plusieurs groupes de rock et a écrit des paroles de chansons.

Des mirages plein les poches
https://leressentidejeanpaul.com/2019/01/05/des-mirages-plein-les-poches-de-gilles-marchand/

Un funambule sur le sable
https://leressentidejeanpaul.com/2019/01/14/un-funambule-sur-le-sable-de-gilles-marchand/

Une bouche sans personne
https://leressentidejeanpaul.com/2020/04/26/une-bouche-sans-personne/

Une bouche sans personne
https://leressentidejeanpaul.com/2020/04/26/une-bouche-sans-personne/

Le soldat désaccordé
https://leressentidejeanpaul.com/2022/12/12/le-soldat-desaccorde/

Émotion, Philosophique

Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler

de Luis Sepulveda
Poche – 22 janvier 2021
Éditions : Métailié

Zorbas le chat a promis à la mouette qui est venue mourir sur son balcon de couver son dernier œuf, de protéger le poussin et de lui apprendre à voler. À travers leurs aventures, on découvre la solidarité, la tendresse, la nature et la poésie.

 

 

En voilà un joli conte rempli de tendresse, de tolérance et beaucoup de courage !

Cela faisait plusieurs années que je voulais lire du “Sepulveda” !
Beaucoup de gens m’en parlaient, toujours en bien, je vois maintenant pourquoi.

C’est un conte qui peut s’adresser aux grands comme aux petits. C’est drôle, vivant et très actuel. Les personnages à ma grande surprise sont très réalistes, dit celui qui a cinq chats à la maison !!!
C’est un récit qui parle avant tout d’amitié et de tolérance. Zorbas, un bon gros chat noir se prélassait au soleil en ronronnant. Soudain surgissant de nulle part, une mouette engluée de pétrole fonce sur lui à grande vitesse. Il a juste le temps de s’esquiver quand elle s’écrase là où il se trouvait quelques secondes plus tôt ! Il s’approche du volatile et cherche tout de suite à le relever.
Se sentant mourir, la mouette fait jurer à Zorbas, de s’occuper de l’œuf qu’elle va pondre, de s’en occuper jusqu’à la naissance du poussin, puis de lui apprendre à voler…

Luis Sepulveda développe dans son récit une belle notion d’entraide, et il le fait très bien !
Je n’ai pu m’empêcher de vivre plusieurs rôles à la fois. Et qu’aurais-je fait à sa place ? Et pourquoi pas ci, et pourquoi pas ça ?
Il est aussi question de pollution, d’environnement, de compassion pour les plus faibles et d’acceptation des différences.
Le talent et la sensibilité de l’auteur, par les images qu’il nous envoie, nous transmettent une vérité plus simple à comprendre pour les enfants, plus abordable psychologiquement, sans éviter les sujets graves et importants permettant ainsi d’éveiller la conscience écologique au plus tôt.
Luis est un magicien, les chats miaulent plusieurs langues, les singes et les chats se comprennent, les mouettes et les chats aussi. Luis, m’a fait retourner en enfance durant ma lecture.

L’amitié
La transmission
La bienveillance
Mais c’est bien sûr, beaucoup plus que cela !

Une très belle histoire…

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Extraits :

« – J’ai beaucoup de peine de te laisser tout seul, dit l’enfant en caressant le dos du chat grand noir et gros.
…/…
Le chat grand noir et gros le regardait avec attention, assis sur le bord de la fenêtre, son endroit préféré.

J’ai pris mes lunettes pour nager ? Zorbas, t’as pas vu mes lunettes ? Non, tu ne les connais pas, toi, tu n’aimes pas l’eau. Tu ne sais pas ce que tu perds. La natation est un des sports les plus amusants. Des croquettes ? proposa l’enfant en prenant une boîte de croquettes pour chat. »

« – Maman ! Maman ! cria le poussin qui avait quitté son œuf.
Il était blanc comme du lait et des plumes minces, clairsemées et courtes couvraient à moitié son corps. Il essaya de faire quelques pas et s’écroula contre le ventre de Zorbas
.
Maman ! J’ai faim ! piailla-t-il en lui picorant la peau.
Qu’est-ce qu’il allait lui donner à manger ? Jesaitout n’avait rien miaulé à ce sujet. Il savait que les mouettes se nourrissaient de poissons, mais d’où est-ce que, lui, il allait sortir un morceau de poisson ? Zorbas courut à la cuisine et revint en faisant rouler une pomme. »

« Les humains sont imprévisibles ! Souvent, avec les meilleures intentions du monde, ils causent les pires malheurs, déclara Colonello.
C’est bien vrai. Prenons Harry, par exemple, c’est un brave homme, il a bon cœur, mais, comme il a une grande affection pour le chimpanzé et qu’il sait qu’il aime la bière, chaque fois que le singe a soif, il lui en donne une bouteille. Ce pauvre Matias est un alcoolique qui a perdu toute honte, et quand il se soûle, il se met à glapir des chansons terribles. Terribles ! miaula Jesaitout. »

 

 

Luis Sepulveda (1949-2020) est l’auteur, entre autres, du “Vieux qui lisait des romans d’amour”, de “Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis” et de “Histoire d’une baleine blanche”. Ses livres sont traduits dans 50 pays.