Amour, Émotion, Drame, Historique

Du domaine des murmures

de Carole Martinez
Poche – 10 février 2013
Éditions : Folio

En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui ». Contre la décision de son père, le seigneur du domaine des Murmures, elle s’offre à Dieu et exige de vivre emmurée jusqu’à sa mort. Elle ne se doute pas de ce qu’elle entraîne dans sa tombe, ni du voyage que sera sa réclusion… Loin de gagner la solitude, la voici bientôt témoin et actrice de son siècle, inspirant pèlerins et croisés jusqu’en Terre sainte.Aujourd’hui encore, son fantôme murmure son fabuleux destin à qui sait tendre l’oreille.Après Le coeur cousu, Carole Martinez nous offre un conte sensuel et cruel, encensé par la critique et les lecteurs. Elle y dessine l’inoubliable portrait d’une femme insoumise, vivant à la lisière du songe.

Lorsque j’ai ouvert Du domaine des murmures, je ne savais pas encore que Carole Martinez allait, une nouvelle fois, me saisir par la main pour m’entraîner là où je n’aurais jamais pensé aller.
Le XIIᵉ siècle, Dieu, la foi, une jeune mystique emmurée… tout cela, à première vue, aurait pu me rebuter.
Mais j’avais adoré Le cœur cousu, et j’ai choisi de lui faire confiance. J’ai bien fait.

Dès les premières pages, Esclarmonde m’a bouleversé. Cette jeune fille de quinze ans refuse le destin imposé aux femmes de son époque. Un mariage arrangé avec Lothaire, connu pour sa brutalité. Le jour des noces, elle dit non. Un non fou, un non courageux. Elle se coupe une oreille et demande à se consacrer à Dieu. Son père, furieux mais impuissant devant sa détermination, l’emmure dans une minuscule cellule attenante à la chapelle.
Ce qu’Esclarmonde ignore, c’est qu’elle n’entre pas seule dans ce tombeau de pierre…

Enfermée, elle devient pourtant plus libre que jamais.
Son corps est captif, mais son esprit voyage.
Elle suit les pèlerins sur les routes, accompagne son père parti en croisade, sent battre les vies de ceux qu’elle aime. À travers ce recoin d’ombre, c’est tout le Moyen Âge qui murmure, sa foi aveugle, sa brutalité, son ignorance, mais aussi ses élans d’amour, de miracle et de grâce.

Carole parvient à mêler la cruauté du réel à la douceur d’une poésie surnaturelle. Son écriture, fine et lumineuse, transforme chaque scène en vision. Elle fait surgir un monde où les légendes frôlent les pierres, où la voix des femmes, même enfermée derrière des murs épais, continue de traverser les siècles.

J’ai adoré l’originalité de l’histoire, la force de cette héroïne qui s’affirme envers et contre tous, et la manière dont l’autrice rend palpable l’époque sans jamais alourdir le récit. La fin m’a bouleversé.
Ce roman est doux et cruel, sensuel et mystique, d’une beauté rare.
Un livre qui laisse une trace durable, un bruissement dans le cœur.

Je le recommande à tous, mais surtout à celles et ceux qui aiment être emportés, déracinés, chavirés.
Une fois encore, Carole Martinez m’a ensorcelé.

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Extraits :

« On gagne le château des Murmures par le nord.
Il faut connaître le pays pour s’engager dans le chemin qui perce la forêt épaisse depuis le pré de la Dame Verte. Cette plaie entre les arbres, des générations d’hommes l’ont entretenue comme feu, coupant les branches à mesure qu’elles repoussaient, luttant sans cesse pour empêcher que la masse des bois ne se refermât. »

« Je suis Esclarmonde, la sacrifiée, la colombe, la chair offerte à Dieu, sa part.
J’étais belle, tu n’imagines pas, aussi belle qu’une fille peut l’être à quinze ans, si belle et si fine que mon père, ne se lassant pas de me contempler, ne parvenait pas à se décider à me céder à un autre. J’avais hérité de ma mère une lumière sur la peau qui n’était pas commune. Derrière mon visage d’albâtre et mes yeux trop clairs, une flamme semblait vaciller, insaisissable. »

« Lothaire venait souvent en visite aux Murmures pour faire sa cour à la recluse. Il écrivait désormais des poèmes qu’il me récitait à mi-voix, il apprenait même à chanter pour mieux charmer mon oreille.
Je ressentais beaucoup de pitié pour ce méchant garçon qui disait ne plus dormir par ma faute et me quémandait des sourires, comme s’il s’en nourrissait. »

« Durant ce siège d’Acre, famine et maladies se sont révélées bien plus meurtrières que les batailles, et j’ai frémi d’horreur le jour où celui dont je partageais le sang, le nom et le regard a dû, à quelques heures d’intervalle, fermer les yeux de Jean, son deuxième fils, et ceux de Frédéric de Souabe, emportés tous les deux par le même mal. J’ai vu ses doigts maigres se poser sur leurs paupières tièdes avec la même tendresse paternelle. Plus rien ne l’animait que cette tendresse, ce sentiment doux dont il n’avait jamais pris conscience avant cet écroulement final. Sans révolte, sans orgueil et sans force, absolument démuni de ce qu’il avait longtemps cru essentiel à un homme de sa trempe, mon père a compris que son sentiment dernier serait cette tendresse, qu’elle seule avait pu résister à cette horrible guerre qu’on disait sainte, qu’elle seule le tenait encore en vie, alors même qu’il avait passé la plus grande partie de son existence à l’ignorer ou à la combattre. »

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Née en novembre 1966 à Créhange, Carole Martinez est romancière et professeure de français. Elle a notamment signé Le Cœur cousu (2007), auréolé de nombreux prix, et Du domaine des murmures, couronné par le Prix Goncourt des Lycéens en 2011. En 2015, elle publie La terre qui penche (Gallimard). Tentée par la littérature jeunesse – elle est l’auteure de Le Cri du livre, en 1998 – Carole Martinez se lance pour la première fois dans la bande dessinée en scénarisant Bouche d’ombre pour Maud Begon. Deux albums sont parus chez Casterman en 2014 et 2015.

Le Cœur cousu (2007)
https://leressentidejeanpaul.com/2025/02/19/le-coeur-cousu/

La Terre qui penche (2017)
https://leressentidejeanpaul.com/2025/08/10/la-terre-qui-penche/

Les roses fauves (2022)
https://leressentidejeanpaul.com/2025/10/13/les-roses-fauves/

Dors ton sommeil de brute (2024)
https://leressentidejeanpaul.com/2024/10/14/dors-ton-sommeil-de-brute/

Drame, Historique, Psychologie, Thriller ésotérique

La crypte du Diable

Les mystères de Burdigala
de Dominique Faget
Broché – 13 mai 2016
Éditeur : Soleil Noir

Quel lien y a-t-il entre :
Le tableau d’une Madone peint durant l’épidémie de peste de 1628 et dissimulé dans l’église Saint-Pierre ?
Des cadavres repêchés dans la Garonne avec des symboles religieux fichés dans les chairs ?
Une crypte inexplorée qui plonge sous le quartier Saint-Pierre ?
Une longue et difficile enquête commence pour la P.J. de Bordeaux qui se retrouve face à l’incompréhensible.

Il y a quelques jours, Dominique Faget, est entrée en contact avec moi, pour me proposer de découvrir son roman La crypte du diable. J’ai accepté sans hésiter, et aujourd’hui, je peux dire que je n’ai pas regretté une seule seconde ce choix.

Dès les premières pages, je me suis retrouvé happé par cette double intrigue qui navigue entre deux époques : Bordeaux en 1628, en pleine peste noire, et notre monde contemporain. Deux récits qui semblent éloignés, mais qui se rejoignent autour de thèmes universels, la religion, l’amour, la mort, la sorcellerie, et même un mystérieux tableau disparu.

Dans le présent, j’ai suivi l’enquête haletante de Mathieu et Camil, deux policiers chargés de comprendre pourquoi des cadavres atrocement mutilés sont retrouvés dans la Garonne, ornés d’objets religieux. Dans le passé, j’ai plongé au cœur d’une ville rongée par la peur, où les femmes étaient la proie des accusations de sorcellerie, soumises à la toute-puissance des prêtres et des hommes. Les passages consacrés à ces chasses aux sorcières sont durs, mais terriblement réalistes, et m’ont glacé le sang.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est la manière dont Dominique Faget redonne vie au Bordeaux du XVIIe siècle. Elle excelle. Son vocabulaire précis, ses dialogues crédibles, ses citations latines et bibliques, tout concourt à rendre le récit vibrant et authentique. J’imaginais sans peine les ruelles, les églises, les cris et la peur qui parcouraient la ville. Mon côté passionné d’histoire a trouvé là un immense plaisir de lecture.

Et puis, retour brutal au présent. Un thriller contemporain, dur, crédible, mené tambour battant. J’ai adoré ce contraste. La plume alterne sans relâche entre passé et présent, maintenant le suspense jusqu’au bout. À mesure que les fils se tissent, les deux intrigues finissent par se rejoindre, révélant une vengeance patiemment construite et redoutablement efficace.

La crypte du diable est un roman sans fioritures, dense et captivant. Je l’ai lu presque d’une traite, incapable de poser le livre tant je voulais connaître le dénouement. Dominique Faget a réussi le pari de mêler polar historique et thriller contemporain avec brio, et elle nous offre en prime une réflexion sur la condition des femmes, hier comme aujourd’hui.

Un polar historique et contemporain qui m’a captivé d’un bout à l’autre, un récit sombre et passionnant, que je ne peux que recommander à tous ceux qui aiment les voyages dans le temps, les énigmes bien ficelées et l’Histoire servie par une plume inspirée.

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Extraits :

« Les cheveux défaits et les yeux exorbités de terreur, la fille était tiraillée de toutes parts. Son pauvre corps meurtri passait de mains en mains. La foule vindicative hurlait et attirait d’autres paroissiens en colère qui prenaient la relève pour la rosser énergiquement.
Elle avait eu la mauvaise idée de vouloir sortir de la maison en empruntant une brèche, derrière la niche du chien, un passage qui avait été obstrué pour que l’animal ne puisse plus s’échapper. Elle avait enlevé les moellons à mains nues pour dégager la trouée. Avec force contorsions, elle s’y était faufilée et avait réussi à s’enfuir dans le but de rejoindre l’église. »

« La jeune fille gardait les yeux baissés. Fabrice eut le souffle coupé. C’était là le modèle dont il avait rêvé depuis si longtemps. Un teint nacré de porcelaine, de longs cils recourbés, un nez fin, une bouche rose et gourmande, et une silhouette qui aurait pu être enfantine si elle n’avait possédé de jolis seins qui pointaient sous le tissu fin de son corsage en satin. Quand elle releva les yeux vers les siens, Fabrizzio eut l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Le bleu de ses iris était indicible. Il se sentit transpercé jusqu’au fond de son âme. »

« Janus se sentit gêné d’avoir surpris la nudité de son invitée.
Il posa rapidement le récipient sur le coin de la table et se retourna en cherchant ce qu’il pouvait trouver pour l’envelopper. Il attrapa un manteau accroché à la patère.
S’approchant de Marie, il en recouvrit son impudeur.
Quand il l’entoura de ses bras, il put sentir les mouvements de son corps fébrile et fut honteux d’en être perturbé.
– Voyons, Marie, tu vas attraper la mort. Ce n’est pas sérieux, va t’habiller de suite.
– Il y a longtemps que je suis morte, mon Père, lui répondit-elle en se dégageant pour se diriger vers la salle de bain. »

« Élise Chantecaille enroulait soigneusement autour de ses doigts les boucles blondes de la chevelure soyeuse de sa fille pour former des anglaises qui encadreraient son joli visage. Catherine, assise devant sa coiffeuse, semblait regarder au loin dans le miroir à facettes. Son esprit ne pouvait se défaire de la pensée du jeune peintre. Elle ne pensait plus qu’à ces heures prochaines, quand elle le rejoindrait à nouveau dans le sous-sol de l’église en fin de journée et qu’il entreprendrait des caresses de plus en plus audacieuses. Elle savait qu’elle commettait un péché et risquait l’enfer en enfreignant un tabou, mais son corps ne pouvait plus se passer de ces interdits. »

Dominique Faget est une écrivaine. Après avoir passé son enfance en Afrique, elle a été diplômée à l’École de Management de Bordeaux. Elle est titulaire d’un DESS de Commerce International et d’un DECPF comptable. Outre l’écriture, elle s’adonne aussi à la peinture.
Elle est membre de l’A.E.G. (Association d’Égyptologie de l’Université de Bordeaux 3).
Elle écrit également sous le pseudonyme de Nicky d’Yvrea

Passionnée d’Histoire et de civilisations anciennes, Dominique est allée à la rencontre d’autres cultures lors de ses nombreux séjours à l’étranger.
Elle a reçu le prix VSD du polar en 2014 et le prix Leclerc Obscur en 2018.

Bibliographie :

  • Celui qui ne meurt jamais, Prisma 2014.
  • La crypte du diable, Vents salés 2016.
  • Les sanglots de pierre, City Hachette, 2018.
  • Hier est pour demain, BOD 2020.
  • La femme sans visage, Cairn 2023.
  • Joyeux Noël Alice, Cairn 2024.
  • Le secret de la maison Lanaverre, Cairn 2025.
Conte, Fantastique, Historique

La compagnie des menteurs

de Karen Maitland
Poche – 1 septembre 2011
Éditeur : Pocket

1348. La peste s’abat sur l’Angleterre. Rites païens, sacrifices rituels et religieux : tous les moyens sont bons pour tenter de conjurer le sort. Dans le pays en proie à la panique et à l’anarchie, un petit groupe de neuf personnes réunies par le plus grand des hasards essaie de gagner le Nord, afin d’échapper à la contagion. Bientôt, l’un d’eux est retrouvé pendu…
Alors que la mort rôde, les survivants vont devoir résoudre l’énigme de ce décès avant qu’il ne soit trop tard…

    « Il vous sera difficile de vous interrompre dans la lecture de ce roman très noir. »
    Psychologies

    Je viens de refermer La Compagnie des menteurs, de Karen Maitland, et je dois dire que ce roman m’a laissé une impression étrange, entre admiration et légère frustration.

    L’histoire se déroule dans une Angleterre médiévale d’un réalisme saisissant, en pleine épidémie de peste. Un groupe de neuf voyageurs se forme, chacun avec ses raisons, mais tous mus par un même but, fuir la maladie. Je fais ici la connaissance du narrateur, un marchand de reliques, et de ses compagnons, une galerie particulièrement étonnante où se mêlent un peintre et sa femme enceinte, un musicien et son élève, un magicien, une sage-femme, une enfant qui lit les runes, et un mystérieux conteur.

    Au début, le roman prend son temps. Je me suis doucement imprègné du décor, j’ai découvert peu à peu les personnages et les routes qu’ils empruntaient. Mais c’est dans la seconde moitié que les choses s’accélèrent : les morts s’enchaînent, et les secrets se dévoilent. L’ambiance de huis clos, cette impression que le danger rôde parmi eux, m’a rappelé Dix petits nègres d’Agatha Christie. Même si j’ai deviné certaines révélations avant la fin, cela n’a pas gâché mon plaisir. Ce n’est pas tant l’intrigue qui m’a captivé, mais l’atmosphère, le mystère, le mélange réussi entre histoire et surnaturel.

    Le côté fantastique est, à mes yeux, la grande réussite du livre. Il s’insère naturellement dans cet univers médiéval où les croyances tenaient lieu de vérité. C’est sans doute ce qui m’a le plus accroché, bien plus que l’aspect « thriller ». J’ai refermé le livre avec l’envie de le relire, de retrouver les indices disséminés au fil du récit. Et cette fin… j’ai hésité, mais finalement je ne lui ai pas donné mes 5 étoiles, il m’a manqué un soupçon d’émotion, une profondeur dans les sentiments qui aurait pu en faire un coup de cœur absolu.

    Cela restera une très belle découverte, et une belle porte ouverte vers l’univers de Karen Maitland, que je compte bien explorer davantage !

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    Extraits :

    « “C’est donc entendu, nous l’enterrerons vivante avec la bride de fer. Ça lui fera tenir sa langue.” L’aubergiste croisa les bras, soulagé qu’ils soient au moins parvenus à s’entendre sur cela.
    “Le fer contiendra tous ses blasphèmes. Il peut tout arrêter. C’est l’une des matières les plus puissantes pour résister au diable, après l’hostie et l’eau bénite. Bien sûr, ce serait mieux si nous en avions, hélas, nous n’en avons pas par les temps qui courent. Mais le fer fera tout aussi bon usage”. »

    « Il faisait nuit à mon réveil, c’était l’heure la plus sombre, juste avant l’aube, lorsque les chandelles se sont consumées et que les premiers rayons de soleil n’ont pas encore percé les fentes des volets. Mais ce n’est pas la froideur de la nuit qui me fit frissonner. Nous étions bien trop entassés les uns contre les autres dans la grange pour que quiconque sentît le moindre courant d’air. »

    « Nous devons tous gagner notre vie, dans ce monde et il y a autant de manières de le faire qu’il y a de gens. Comparé à d’autres, mon commerce pourrait être considéré comme respectable, et il ne fait aucun mal. Vous pourriez dire qu’il fait même du bien, car je vends de l’espoir, et c’est le plus précieux de tous les trésors. L’espoir est peut-être une illusion, mais c’est ce qui vous retient de sauter dans une rivière ou de boire la ciguë. L’espoir est un mensonge magnifique et il faut du talent pour le donner aux autres. Et à l’époque, en ce jour où soi-disant tout commença, je croyais sincèrement que la création de l’espoir était le plus grand de tous les arts, le plus noble de tous les mensonges. Je me trompais. »

    « Rien d’inhabituel à ce qu’un enfant reçoive une correction ; j’en avais déjà vu au moins une demi-douzaine ce jour-là – un coup de baguette sur des jambes nues pour avoir négligemment laissé tomber un panier d’œufs, un postérieur rougi pour s’être éloigné sans permission, une claque sur l’oreille sans raison valable sinon que le gamin s’était trouvé au milieu du chemin. Tous les jeunes pécheurs tentaient d’esquiver les coups en hurlant assez fort pour convaincre leur tourmenteur que la punition avait été pleinement comprise, tous, sauf elle. Elle ne hurlait pas ni ne se débattait, et demeurait aussi silencieuse que si les coups sur son dos avaient été assénés avec une plume et non une ceinture, ce qui ne semblait qu’accroître la fureur de la personne qui la battait. Je crus qu’il allait la tuer à force de la frapper, mais finalement, vaincu, il la laissa partir. »

    Karen Maitland est née en 1956. Elle vit en Angleterre, dans le Norfolk.
    Elle a publié trois romans en France, parus chez Sonatine Éditions :

    • La Compagnie des menteurs (2010),
    • Les Âges sombres (2012)
    • La Malédiction de Norfolk (2014).

    Historique, Roman, Violence

    Les Romains

    Spartacus : La Révolte des esclaves
    de Max Gallo
    Broché – 1 janvier 2006
    Éditions : Fayard

    Spartacus : ce nom a traversé les millénaires. Max Gallo le fait vivre à nouveau en suivant le destin de ce Thrace qui refuse la domination romaine. Il y a d’un côté l’ordre des légions, la puissance et la richesse de Rome, de l’autre la soif de liberté, la sauvagerie, l’anarchie d’hommes qui ont brisé leurs chaînes et qui pillent, saccagent, suivant Spartacus sans lui obéir. Toute une époque cruelle s’anime sous la plume de Max Gallo : l’histoire devient chair palpitante, visage, pleurs et passions, voix qui racontent !

    Attiré depuis toujours par l’histoire antique, je me suis plongé avec enthousiasme dans Les Romains – Tome 1 de Max Gallo, centré sur la figure emblématique de Spartacus. Le nom de l’auteur, souvent cité comme référence dans le domaine historique, promettait un voyage riche et instructif au cœur de la Rome antique. Mais très vite, mon enthousiasme s’est quelque peu refroidi. Le style m’a paru froid, presque clinique. Tout va très vite, trop vite. Trop de personnages qui défilent sans qu’on ait le temps de les saisir, encore moins de s’y attacher. L’émotion reste à distance, comme tenue en respect.

    Cela dit, le récit de la révolte de Spartacus est traité avec une précision frappante. Les scènes sanglantes sont nombreuses, parfois à la limite du supportable, mais elles rendent compte de la brutalité d’un monde sans pitié. J’ai été pris, malgré moi, par la tension du récit.

    Cependant, une question persiste. S’agit-il d’un roman historique ou d’une fiction inspirée de faits réels ? Le livre oscille entre les deux, sans vraiment trancher. Les répétitions et l’omniprésence de la violence finissent par alourdir la lecture.

    Un roman qui, malgré ses limites, peut séduire les amateurs de cette époque. Pour ma part, j’en attendais un souffle plus épique.

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    Extraits :

    « Sur un plateau étroit qui domine et protège une falaise, deux troncs d’arbres posés l’un sur l’autre se consomment.
    Près de ce foyer, un homme, debout, bras croisés, dit :
    – Moi, Spartacus, prince des esclaves, je vais livrer bataille aux dix légions romaines du proconsul Licinius Crassus ! »

    « – Soyez libres comme ces flammes sacrées qui brûlent pour Dionysos ! Il est venu en Thrace, il y a allumé ce feu de liberté pour qu’aucun homme, aucune femme de ce pays n’accepte la soumission, la servitude. Soyez fidèles à la volonté de Dionysos! Que jamais aucune chaîne n’enserre vos poignets! Toi, Apollonia, tu es fille d’Apollon, tes cheveux ont la couleur du soleil. Toi, Spartacus, tu as la force des torrents de tes montagnes, tu es fils de roi. »

    « Castricus lui avait alors lancé :
    – Rentre dans le rang, Thrace ! Et n’oublie jamais qu’un citoyen de Rome a droit de vie ou de mort sur les peuples qu’il a soumis. Un citoyen de Rome ne se bat pas contre un esclave ou un Barbare. Il punit. Il égorge. Mais il sait aussi récompenser.
    Puis, se retournant, il avait crié :
    – Baisse les yeux, Spartacus, ou je te les fais crever ! »

    « Il saisit son glaive, essaya de les désarmer, mais les hommes nus se débattirent et l’écartèrent cependant que la faute hurlait, comme prise de folie. Des femmes s’enfuyaient, d’autres se tordaient les bras, s’abattaient sur le sol. »

    « De sa main gauche, il serre la nue de Jaïr, l’oblige à se pencher davantage.
    – Quand j’ai vu ce Numide lever sa hache, reprend-il, je me suis jeté en avant, l’épée au poing. Je l’ai enfoncée dans son ventre, jusqu’à la garde. Il a lâché son arme.
    Il pose sa main droite sur sa poitrine.
    – Son chantait une giclé, m’a recouvert. Son chantait s’est mêlé au mien. C’était mon frère, Jaïr, et je l’ai tué. Je n’ai pas eu le courage de Galvix le Dace.
    Il secoue la tête. On pourrait croire qu’il sanglote, mais ses yeux restent secs. »

    Max Gallo est un écrivain, historien et homme politique français, membre de l’Académie française depuis le 31 mai 2007.

    Fils d’immigrés italiens, son père, originaire du Piémont, a quitté l’école après son certificat d’études, sa mère est originaire de la région de Parme, il vit en famille à Nice. Pendant la seconde guerre mondiale, son père rejoint la résistance. L’occupation et la libération vont marquer Max Gallo et lui donner le goût pour l’Histoire ; cependant son père l’oriente vers des études techniques. Il obtient d’abord un CAP de mécanicien-ajusteur, puis un baccalauréat mathématiques et technique au lycée du Parc-Impérial. À 20 ans, il entre dans la fonction publique comme technicien à la RTF, puis il part à Paris pour suivre des cours afin de devenir contrôleur technique.

    En parallèle, il suit des études d’histoire. En 1957, en pleine guerre d’Algérie, il fait son service militaire comme météorologiste au Bourget où, avec Jean-Pierre Coffe, il fonde un journal antimilitariste.

    Reçu à Propédeutique lettres, il est maître auxiliaire à Chambéry et après l’agrégation d’histoire, en 1960, professeur au lycée Masséna. Docteur en histoire, il devient maître-assistant à l’université de Nice et en 1968, enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris.

    Écrivain à succès fécond, il a publié un grand nombre d’ouvrages, souvent à fort tirage. Ses premiers romans, qu’il qualifie de « politique-fiction », seront publiés sous pseudonyme : Max Laugham. Dans un style littéraire qu’il appelle lui même « romans-Histoire », qui consiste à s’appuyer sur les ressources historiques en y ajoutant son expérience personnelle et son ressenti par rapport aux événements, il fait de l’histoire un roman.

    Émotion, Drame, Frisson horreur, Histoire vraie, Historique

    La chasse aux âmes

    de Sophie Blandinieres
    Broché – 27 août 2020
    Éditeur : Plon

    L’Histoire bouscule les âmes, la perversité de l’occupant nazi qui veut corrompre, voir ses victimes s’autodétruire et met en place un jeu ignoble dont l’objectif est de survivre, à n’importe quel prix : vendre son âme en dénonçant les siens ou ses voisins, abandonner ses enfants affamés, ou sauver son enfant, lui apprendre à ne plus être juif, céder son âme au catholicisme pour un temps ou pour toujours en échange de sa vie. Pour survivre, il faut sortir du ghetto. Par tous les moyens.
    Trois femmes, une Polonaise, Janina, et deux juives, Bela et Chana, vont les leur donner. Elles ont organisé un réseau clandestin qui fait passer le mur aux enfants et leur donne, pour se cacher en zone aryenne, une nouvelle identité, un nouveau foyer, une nouvelle foi. Parce qu’ils sont l’avenir, parce qu’ils seront les premiers à mourrir…

    Dans ce récit poignant et lumineux, Sophie Blandinières m’a entraîné dans l’univers brisé du ghetto de Varsovie, en novembre 1940. À travers les destins croisés de deux familles juives, elle raconte l’impensable : l’étau qui se resserre jour après jour, l’humiliation, la faim, la peur omniprésente, jusqu’à l’effacement presque total de ce qui faisait leur vie, leur humanité.

    Et pourtant, sous cette chape de désespoir, l’auteure fait jaillir une lumière fragile mais tenace : celle du courage et de l’espoir. Trois femmes d’exception, portées par une foi inébranlable en la vie, organisent l’évasion d’enfants condamnés. Elles défient l’horreur par leur détermination et leur amour, arrachant à la barbarie quelques âmes innocentes.

    L’écriture est belle, dense, parfois presque poétique, ce qui rend la violence des faits encore plus saisissante. Encore une fois, une lecture dont je ne sors pas indemne. Ce livre marque, il bouscule, il rappelle combien il est vital et nécessaire de ne jamais oublier. C’est un hommage vibrant à ceux qui ont lutté, aimé, résisté, même quand tout semblait perdu.
    Un roman nécessaire, bouleversant, qui met des mots puissants sur une tragédie souvent tue ou mal connue.

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    Extraits :

    « L’homme était nu. La barbe en feu, les pieds dans la neige, il exécutait des mouvements de gymnastique ineptes, levant le bras gauche et la jambe droite ensemble, tournant sur lui-même de plus en plus vite pour tenter d’éteindre le brasier qu’était son menton.
    Dès qu’il ralentissait, épuisé par le vertige, les efforts, et ses blessures, il recevait un coup de gourdin, alors il se réanimait, il se remettait à danser, disgracieux et pathé-tique, sous les yeux noirs des bouleaux décharnés par l’hiver. Le désarticulé chantait aussi, puisqu’on le lui avait demandé, puisqu’il consentait à laisser l’humanité le quitter pour ne pas mourir. »

    « Officiellement, elle était demeurée Maria, qu’elle devienne juive, en cette année 1968, n’était pas approprié: en mars, la Pologne avait renoué avec son vice, avec ses mauvais gestes, son vilain réflexe, sa vieille pulsion de déjudaïsation, odzydzanie. De nouveau, on refusait aux Juifs le droit d’être polonais et, pour être bien certains qu’ils s’en iraient, habilement, on les avait destitués, on les avait privés de leur métier, de leurs revenus. On comptait sur l’humiliation, l’appauvrissement et la terreur. Comme ils n’avaient eu d’autre choix, pour survivre, que d’avoir une mémoire, ils avaient eu peur, effroyablement peur, car ça commençait toujours par de petites et grandes vexations, par des restrictions sérieuses de la citoyenneté, plus le droit d’exercer sa profession, plus le droit d’entrer ici ou là, ni de sortir, plus le droit de se fondre dans la foule, plus le droit d’être la foule. »

    « Encouragés par la politique antisémite de leurs chefs et incités concrètement à réquisitionner, c’est-à-dire à piller les biens juifs, les soldats allemands entraient de force pour voler les draps, les meubles, le nécessaire à leur installation, et les objets de valeur qu’ils soupçonnaient toujours leurs victimes d’avoir planqués. Parfois, voler les Juifs ne calmait pas leur appétit, alors ils violaient les Juives. »

    « Les parents de Joachim avaient donné des consignes de prudence à leurs quatre enfants, et surtout aux deux aînés, plus autonomes, parce que, dans les rues, des scènes ignobles se déroulaient, une femme enceinte qui trébuche, tombe, qu’on empêche de se relever, qui reçoit une balle dans la tête et dans le ventre, trois enfants dégommés comme des bouteilles de bière devant un hôpital, il ne fallait pas tenter le hasard ; la roulette russe n’était pas un jeu acceptable pour un Juif. »

    Sophie Blandinières a été professeur et journaliste avant de devenir nègre littéraire. Elle consacre maintenant sa vie à l’écriture.

    Elle a prêté sa plume à des personnes aussi diverses que Patricia Kaas, Yves Rénier, Charles Berling, Roselyne Bachelot – et à d’autres encore, dont elle s’est engagée par contrat à ne jamais divulguer les noms.

    Elle a obtenu le prix Françoise Sagan pour son premier livre Le sort tomba sur le plus jeune, paru chez Flammarion.

    Amour, Émotion, Historique, Roman de terroir

    Un ardent désir de peindre

    de Louis Mercadié
    Broché – 13 mars 2025
    Éditions : de Borée

    Florine grandit dans les montagnes du Gévaudan et aide aux travaux de la ferme, vouée à perpétuer les traditions rurales et familiales. Animée d’un fort sentiment de liberté et d’une réelle volonté de peindre, tout bascule pour elle lorsque ses parents lui imposent un mariage, qu’elle refuse. Elle est alors envoyée dans un couvent mais n’a pas la vocation et supporte mal l’enfermement. Sa rencontre avec le peintre Charles Grandon pourrait bien lui ouvrir les voies d’une nouvelle vie…

    Je viens de refermer Un ardent désir de peindre, et je sens encore vibrer en moi la voix de Florine, cette jeune femme habitée, presque consumée, par l’art. Ce roman de Louis Mercadié m’a profondément ému. Il ne raconte pas simplement l’histoire d’une peintre : il donne corps à une passion brûlante, à une urgence intérieure que rien ne semble pouvoir apaiser.

    Florine m’a touchée par sa sensibilité à fleur de peau, par ce besoin presque douloureux de peindre, de traduire le monde avec ses pinceaux quand les mots lui échappent. À travers elle, j’ai ressenti l’ivresse de la création, mais aussi ses vertiges : la solitude, l’incompréhension des autres, la lutte constante entre le réel et le désir de beauté.

    La plume de l’auteur est sobre, précise, presque picturale. Il brosse Florine avec tendresse et vérité, sans jamais forcer le trait. J’ai eu le sentiment d’accompagner une âme libre, indocile, qui cherche sa place dans un monde trop étroit pour son feu intérieur.

    Un ardent désir de peindre n’est pas un roman que l’on se contente de lire : je l’ai ressenti profondément. Il rend justice, avec justesse, à ces femmes que l’Histoire a trop souvent reléguées dans l’ombre. Et lorsque j’ai refermé le livre, je suis resté un moment figé, comme face à une toile encore vibrante, longtemps après que le pinceau ait quitté sa toile…

    Un très grand MERCI encore une fois à Virginie des Éditions de Borée

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    Extraits :

    « Florine, petite fille de six ans, vivait chez ses parents, Blaise et Marguerite Aubuzac, dans leur ferme accrochée aux pentes du Gévaudan. Espiègle, toujours souriante, elle faisait claquer ses sabots dans la cour qui jouxtait la maison. Chaque jour, comme dans toutes les fermes, les enfants devaient s’occuper d’une multitude de corvées. Mais la petite, toute à sa tâche, rêvait cependant, sensible à la beauté de la nature, aux saisons, aux odeurs des champs. »

    « Elle guettait d’un air gourmet les larmes de sirop épais qui parfois glissaient le long du pot de terre. Alors, elle les interceptait du bout du doigt, qu’elle tétait avec bonheur. En de trop rares moments, après les petites tâches qu’elle effectuait, elle s’évadait vers ses dessins de fleurs ou d’oiseaux, s’éparpillant dans un monde de liberté. Très fière, elle les montrait en cachette à son aïeule. Toutes les deux s’entendaient comme larrons en foire et profitaient des petites parcelles de vie qui s’offraient. Leurs dialogues, leur connivence, fréquemment émaillés de petits sourires, échappaient aux autres. »

    « Quoique bien jeune, Florine détenait un joli coup de crayon. C’était inné chez elle ! Dessiner lui permettait de s’évader d’un univers dont elle percevait trop la rusticité et où elle ne pouvait prétendre changer de condition. Pourtant, malgré son état de fille de paysan, elle ne rêvait qu’à son indépendance. »

    « Le visage de sa grand-mère se rembrunit légèrement, mais assez pour que Florine le remarque.
    – Croyez-vous, grand-mère, que je puisse un jour être libre de dessiner ?
    – Si tu en as la volonté, ce sera possible, mais ce sera difficile, très difficile, car tu es une femme…
    Florine croisa les bras comme pour réprimer un frisson.
    – Femme ou homme, qu’est-ce que ça change ? »

    « – Non, père, je ne veux pas être paysanne. Je veux dessiner et peindre !
    – Mais tu es folle, ma fille ! reprit Marguerite. Crois-tu que la vie, c’est ça : dessiner et peindre ? Il te faut un bon mari, solide et besogneux, et tu l’aideras dans sa ferme comme moi j’aide ton père. Au moins, tu pourras manger ! Bon, assez de ces jérémiades ! Il est temps de commencer le repas ! Allez, sers tout le monde ! »

    Originaire du Nord-Aveyron, au pied des monts d’Aubrac, et fils d’un tonnelier dont il a conservé le savoir-faire, Louis Mercadié est un amoureux du temps passé. C’est aussi un passionné.

    Auteur de plusieurs monographies historiques et d’une thèse de troisième cycle (Histoire, Géographie, Sciences humaines, Université de Jussieu), il a obtenu deux prix littéraires pour une biographie sur Marie Talabot, une Aveyronnaise dans le tourbillon du XIXe siècle.

    Chevalier des Arts et Lettres, conférencier, membre de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, il n’a de cesse de parcourir l’histoire du département, notamment celle de ces femmes qui ont vécu un destin remarquable.

    Amour, Émotion, Drame, Historique

    Le Tout-Paris et lui

    de Bénédicte Rousset
    Broché – 13 mars 2025
    Éditions : LA TRACE

    Trois Vies, un siècle : l’épopée d’un homme et deux femmes dans le tumulte de la grande histoire…

    1918 : Deux jeunes cousines, Pauline et Clémence, sont de retour de la Grande Guerre, meurtries après leurs engagements au plus près du front. Le pays est dévasté, les tensions sont encore vives, Pauline garde le secret sur les origines allemandes de son fils et entreprend d’aider son père à la cordonnerie. Et si le passé la rattrapait ?
    Clémence de son coté, reçoit un accueil glacial de ses proches, son frère resté prisonnier en Allemagne sans nouvelles, ses parents rudes et acariâtres ne la laisseront pas épouser Pierre, son compagnon rencontré au front.
    Mais elle est accompagnée d’Émile un jeune garçon déclaré « attardé » et banni par sa famille qui trouve refuge auprès de la jeune femme.
    Il s’épanouit, observe et dessine… À l’ère industrielle, son génie singulier ne pourrait il pas tout faire basculer ?

    Après l’émouvant Promets-moi, Émile, quel bonheur de retrouver Pauline et Clémence, ces deux cousines marquées par les blessures invisibles de la Première Guerre mondiale et le petit Émile, bien sûr, qui se révèle particulièrement talentueux… Revenues d’un enfer qu’elles n’avaient pas imaginé, elles tentent de reconstruire leur vie dans un monde qui peine à panser ses propres plaies. Cette suite prend une nouvelle envergure, portée par le regard singulier d’Émile, ce garçon à part dont le talent éclot comme une lueur dans l’obscurité. Avec Le Tout-Paris et lui, Bénédicte Rousset réussit un second tome magistral, entre ombre et lumière.

    Pauline et Clémence, deux cousines profondément marquées par la Première Guerre mondiale, tentent de se reconstruire dans un pays dévasté.

    Bénédicte Rousset dépeint avec sensibilité la résilience de ces deux femmes face aux épreuves de l’époque, de l’amour interdit, de l’acceptation de la différence, ainsi que l’évolution de personnages, profondément humains, qui évoluent dans un contexte historique richement dépeint. Elle signe une nouvelle fois, une fresque émouvante où les destins individuels se mêlent aux soubresauts de la grande Histoire. Un roman enrichissant pour tous ceux qui s’intéressent aux destins de femmes fortes dans cette période historique tumultueuse, dont les parcours résonneront, je pense, encore longtemps après avoir tourné la dernière page.

    “Variation picturale.
    Autoportrait en pire.
    Innombrables éléments, esprit envahi par saint Glinglin”…
    lecture sublimée !
    J’ai explosé de rire 😂 dans le train !
    Sacré Émile…

    Vivement le troisième tome !

    Un immense merci aux Éditions La Trace et à Bénédicte pour ce merveilleux moment de lecture.

    Date nationale de sortie : 13 mars 2025

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    Extraits :

    « Pierre, le tanneur.
    Dans le couloir de l’hôpital, Clémence ralentit et se mordit les lèvres jusqu’à la douleur.
    Pierre, le tanneur de boches.
    Comme il lui manquait ! Ses camarades l’appelaient comme ça parce qu’en roulant à tombeau ouvert pour ravitailler le front, il avait écrasé un homme et constaté en sautant du camion : “Tiens, une peau !” Il en avait ri avec les autres mais le soir, dans les bras de Clémence, sa voix avait vrillé. Le bruit… Le bruit sous les roues.
    S’il avait pu, il l’aurait évité. “Je n’arrive pas à détester cet ennemi qui patauge comme les nôtres dans la boue gluante des boyaux”. »

    « Dans une brusque secousse, le train s’arrêta. Un soldat, dans la vigueur de sa jeunesse, tout beau dans son uniforme, monta, envoyant un dernier baiser à sa femme et aux deux enfants qui cherchaient ses bras. Une lassitude l’envahit. Trois ans, qu’on envoyait les hommes à l’abattoir. La machine noire emporterait celui-là aussi. Les roues grincèrent. Un coup de sifflet couvrit à peine leurs cris. Papa! Mais le train fuyait, sans souci des petits êtres qui se tordaient et trépignaient ; sans souci pour la vie humaine. »

    « Mais alors… Pierre, Honoré… Clémence laissa les larmes couler. L’humanité retrouvait le contrôle de sa destinée! L’odeur de la poudre laissait place au parfum de la liberté. Un monde finissait, un autre naissait. La roue tournait, l’acte de leur vie au front était terminé. »

    Bénédicte Rousset a grandi dans le Vaucluse entre le petit atelier d’imprimerie de son père et une mère institutrice. Professeur de Lettres Modernes, l’écriture lui permet d’explorer des recoins jusqu’alors ignorés d’elle-même, dans une tradition familiale qu’elle découvre à travers les pièces de théâtre, poèmes et romans qu’ont écrit ses aïeux.

    https://www.facebook.com/benedicte.rousset.auteur/

    « Ecrire, c’est vivre plusieurs vies à la fois. Il y a de moi dans chacun de mes personnages, même les plus noirs : ce sont peut-être eux qui me révèlent en miroir ! Ils sont un moyen d’évacuer les traumatismes vécus dans l’enfance. Deux éléments me semblent essentiels dans mes romans : la quête de l’identité, et celle de la vérité. La première nous concerne tous : qui sommes-nous ? Comment nous comportons-nous face à l’image que nous renvoyons ? Sommes-nous conformes à cette image ? La deuxième entre dans la structure du roman policier : pourquoi tuer ? Comment arrive-t-on à franchir le pas ? Je crois qu’il y a un assassin en chacun de nous, mais, la plupart du temps, il ne rencontre jamais sa victime (heureusement, non ?) »

    Amour, Émotion, Historique, Magique, Roman de terroir

    Les Mains d’argile

    de Michel Lacombe
    Broché – 6 février 2025
    Éditions : de Borée

    Début du XXe siècle. Louise, jeune femme très indépendante et fille d’un riche bourgeois propriétaire d’une fabrique de vases à Anduze, se passionne pour la sculpture. Très talentueuse, elle parvient peu à peu à vivre correctement de son art, et partage volontiers ses gains avec les ouvriers de l’usine de son père. Mais ses parents, qui n’ont d’autre projet pour elle que celui de la marier à un fils de bonne famille, voient cette activité d’un très mauvais oeil. Lorsqu’elle rencontre Marcelin, fondeur de cloches à Lodève, c’est secrètement qu’ils décident de s’aimer. Louise parviendra-t-elle à imposer le jeune artisan à sa famille ?

    J’ai plongé avec fascination dans l’univers de Michel Lacombe et découvert sa plume envoûtante à travers Les Mains d’argile, un roman qui m’a véritablement transporté au cœur du sud de la France, au début du XXᵉ siècle, dans la ville d’Anduze. Le destin de Louise, une jeune femme libre et passionnée de sculpture, fille unique d’un riche industriel, propriétaire d’une fabrique de vases, qui développe un talent artistique remarquable et parvient à vivre de son art, tout en partageant généreusement ses revenus avec les ouvriers de l’usine familiale.

    Mais ses aspirations artistiques se heurtent aux attentes rigides de ses parents, qui la destinent à un mariage convenable er surtout dans une “bonne famille”. Louise, portée par son désir d’indépendance, défie leur volonté en s’éprenant de Marcelin, un fondeur de cloches à Lodève, un homme simple et profondément amoureux. Leur relation clandestine illustre les tensions entre aspirations personnelles et pressions sociales, soulevant avec finesse la question du choix et de la liberté que les femmes ont eut de tout temps.

    Ce roman m’a plongé avec intensité dans une époque où les conventions dictaient le destin des femmes. À travers le parcours de Louise, Michel Lacombe brosse un portrait puissant de l’émancipation féminine et de la lutte contre les préjugés. Son écriture délicate rend un vibrant hommage à l’art de la sculpture, tout en explorant avec sensibilité les combats d’une femme qui refuse de renoncer à ses rêves. Une lecture envoûtante qui invite à réfléchir sur la quête d’identité et de liberté qui résonne encore aujourd’hui.

    Au fil des pages, cette lecture, qui m’a profondément ému, s’est révélée être un véritable coup de cœur. Une œuvre que je conseille sans hésitation à tous les amoureux de l’art et de la littérature.

    Ma rencontre avec les éditions de Borée a transformé ma façon de lire. J’y ai découvert des auteurs mettant en lumière les beautés des régions françaises, mais surtout des récits empreints de bonté, d’amour et de personnages féminins forts, inspirants et inoubliables. Ces romans occupent désormais une place privilégiée dans ma bibliothèque déjà bien fournie. Ils me font un bien fou, nourrissent ma curiosité littéraire et linguistique, et portent des valeurs profondément humaines et authentiques.
    Un grand merci à toi Virginie…

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    Extraits :

    « leur ventre noir la crête des collines crépues hérissées de garrigue. Peu à peu, une nuit précoce étendait son emprise sur un paysage immobile qui paraissait retenir son souffle. Dans le silence subitement incongru, l’air lui-même se faisait plus lourd à respirer. Au fil des minutes, l’ombre avalait la vallée, crue d’obscurité qui se répandait en larges vagues, jusqu’à engloutir le village blotti entre les versants abrupts au creux desquels il se nichait. La terre elle-même semblait exhaler son angoisse larvée, avec cette odeur indéfinissable qui précède les orages d’été. »

    « Une fois de nouveau dans la tranquillité de sa chambre, la jeune fille se livra à une de ses distractions favorites, le dessin… À force de s’y entraîner, elle s’estimait chaque jour plus satisfaite de ce que sa mère ne considérait avec mépris que comme des gribouillages de gamine. Gribouillages ? Certes pas ! En se référant à ses premiers croquis, elle voyait bien la différence : les proportions plus justes, la perspective maîtrisée, le trait de crayon plus sûr, les gommages de plus en plus rares. Et, surtout, c’était le seul exercice qui la détendait vraiment. »

    « — Ce que je sais, c’est que personne ne me comprendra, à Anduze ou ailleurs, si j’arrive un jour à parler latin ! Je préférerais apprendre le patois des paysans de chez nous, l’occitan, ce qui me permettrait sans aucun doute de mieux connaître notre région…
    — Le patois! J’aurai tout entendu! Le parler du bas peuple…
    — Un bas peuple qui travaille quand même pour vous, Père, et qui assure l’opulence de notre famille, non ?
    Exactement le genre de propos qui avaient l’art d’exaspérer Armand.
    – Mais qui te permet, à ton âge, de juger ainsi de choses dont tu ignores tout ? Nous ne sommes pas de la même classe, c’est tout ! Il ne faut pas confondre les chiffons avec les serviettes de table… »

    « – Non, je ne me rendrai plus ni au temple ni à l’église ! avait-elle déclaré un dimanche matin.
    – Comment ? s’étaient indignés tant son père que sa mère. Mais pourquoi ?
    – Pourquoi ? Parce que je ne sais plus où j’en suis, à vous suivre à ces cérémonies hebdomadaires! À admettre l’autorité du pape d’un côté et à ne reconnaître que celle de la Bible de l’autre… Vouer un culte à Marie d’un côté, le réfuter de l’autre… Considérer que tous les chrétiens sont des prêtres dans la religion réformée, mais pas chez les catholiques… Prier les saints à l’église et les ignorer au temple… Sans compter les différences de sacrement et de célibat ! Vous avez voulu me partager en deux, mais je ne suis qu’une, sans savoir quelle foi adopter. Raison pour laquelle je préfère m’abstenir !
    — Mais tu vas passer pour une païenne ! avait protesté sa mère. Que va-t-on penser de nous, au village ? »

    Michel Lacombe est né en 1952 à Saint-Etienne dans la Loire.
    Il a toujours écrit, et le succès lui vient dès son premier roman, Le Retour au mas, couronné par le prix des Automnales en 2004. Depuis, ce passionné d’histoire, de nature et de sciences a publié plus d’une cinquantaine de livres. Ces « romans de vie », comme il les appelle, où il s’attache à faire ressentir au plus près ce que vivent ses personnages, lui ont valu la reconnaissance d’un lectorat fidèle. Ambiance régionale, paysages et sa­veurs de la nature vraie, personnages attachants et intrigues rurales, émaillent ses récits dans une œuvre de plus en plus étoffée. Michel Lacombe vit en Ardèche (07).

    Amour, Émotion, Drame, Historique, Roman

    De sang et d’encre

    de Jacquie Béal
    Broché – 2 janvier 2019
    Éditions : Terres de l’Ouest

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    Dans le Périgord du XVIe siècle, les conflits entre catholiques et protestants font rage. Dans cette lutte sanglante, Landry et sa petite soeur voient leurs parents mourir sous leurs yeux. Les deux orphelins s’enfuient et trouvent refuge chez un imprimeur qui les prend sous sa protection. Landry devient colporteur et, au péril de sa vie, diffuse des livres emplis d’idées neuves et d’appels à la résistance. En chemin, le jeune homme découvre le goût de la liberté de vivre et de penser. Au milieu du chaos, Landry fait également une rencontre qui change sa vie : Mathilie, fille de gentilhomme et catholique. À ses côtés, il apprend que l’amour ne connaît pas de barrières sociales. Mais, dans la tourmente de l’Histoire, la conquête du bonheur a forcément un prix…

     

    • Couv_2024-061_Béal Jacquie - De sang et d'encre

     

    Je découvre la plume fluide et très élégante de Jacquie Béal, sa passion pour l’histoire est évidente, mais surtout sa passion pour les mots. Les dialogues sont superbes, au point de m’avoir fait traverser de temps, et permis de vivre au côté de Landry durant quelques pages.

    Landry, c’est le personnage “phare” du roman. Un jeune homme qui dès le début du roman perd ses parents et se retrouve tout seul avec sa petite sœur Francette devenu aphasique suite au drame. Landry, va grandir et évoluer tout le long du récit. D’abord protecteur de sa sœur, il deviendra colporteur pour l’imprimeur qui les a recueillis dans sa famille d’obédience protestante. C’est un jeune homme bien, qui fait toujours son possible pour aider et faire ce qui est juste autour de lui. Il hait la guerre et refuse de choisir un camp en cette période si sombre et si troublée des guerres de religion.

    L’auteure de par son analyse très subtile, nous montre la vie et les tourments que vivaient la plupart des gens qui par peur, n’avaient pas d’autres choix que d’adhérer à la religion imposée par leur seigneur. Landry arrive par ses doutes, ses interrogations, à passer outre. Il sait qu’il y a du mauvais partout, et que les bons aussi se cachent, qu’elle que soit leur religion, de crainte de mourir. Puis, un jour Landry, pendant l’une de ses expéditions, rencontre une jeune fille de “bonne famille”, orpheline aussi, mais de religion catholique, Mathilie.
    Pour lui, c’est un coup de foudre !
    Mais comment une fille bien née, pourrait-elle s’intéresser à lui, alors qu’ils n’ont même pas la même Religion ?

    Jacquie m’a agréablement surpris durant toute ma lecture, mais surtout à deux niveaux. Tout d’abord pour sa remarquable érudition sur les sujets traités, et aussi pour avoir choisi un homme pour personnage principal, lui offrant ainsi toutes les pensées féminines qui sont en elle, faisant de Landry un personnage auquel on s’attache très vite…
    Par contre j’espère qu’une suite sera prévue, car le lecteur que je suis est resté sur sa faim !

    Cet excellent roman décrivant avec précision les horreurs de la guerre, la famine, les maladies, les fléaux de l’époque, les mentalités et les coutumes de la noblesse, les persécutions qu’ils faisaient endurer à ceux qui n’étaient pas bien “nés”, s’adressera plus particulièrement aux passionnés d’Histoire, et du Moyen Âge…

    Personnellement, je Valide !!!

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    Extraits :

    « De cachette en cachette, il s’était tenu à l’écart des maisons, car les paysans, excédés, étaient devenus des meurtriers. Ils tuaient sans même chercher à savoir si vous étiez papiste ou parpaillot. Ils tuaient parce qu’ils avaient pris goût au sang.
    Mariotte pleura son homme. Parfois, elle imaginait qu’il pourrissait dans une fosse commune. Avait-on séparé les catholiques et les protestants ? Un trou pour les uns, un trou pour les autres ? »

    « – Te mets pas en peine, Ricou. La mère en veut au monde entier depuis que mon père est mort.
    – Je sais bien. Remarque, elle a raison de dire que la guerre, c’est pas tant beau que ça. La guerre, c’est beaucoup de sang et de souffrance, sauf quand on la fait comme les seigneurs : la piétaille devant comme chair à canon et la cavalerie derrière, dans ses plus beaux habits. Ceux qui commandent observent bien à l’abri, et ils empochent la victoire et les honneurs. »

    « Ils se mirent en route. Au-delà du bois, c’était l’inconnu. Landry avait déjà fait la route jusqu’à Villamblard, et il savait que Bergerac se trouvait à quelques lieues de marche seulement, mais Francette se fatiguait vite et ne pourrait pas supporter de trop longues étapes. »

    « – Après la bataille de Moncontour, la Double était parsemée de cadavres : des soldats, des femmes, des enfants…
    – Crois-tu vraiment que ces femmes et ces enfants ont été tués au nom de Dieu ? Pour de nobles raisons ?
    C’était le chaos. On avait l’impression de traverser l’Enfer. »

    « Quand la haine s’allie au désordre, la violence l’emporte toujours sur la raison. »

    Agrégée de Lettres et enseignante, Jacquie Béal se consacre à l’écriture. Elle vit en Périgord où se situe l’action de ses romans, notamment La dame d’Aquitaine et Le Temps de l’insoumise. Amoureuse du langage et de l’Histoire, grande et petite, elle fait vivre ses personnages dans l’atmosphère des siècles passés.

    Amour, Émotion, Drame, Historique

    L’Enfant trouvée

    de Louis Mercadié
    Broché – Grand livre, 14 mars 2024
    Éditions : de Borée

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    Années 1820-1900. Tout comme son amie Marie, future madame Talabot, Noëlle n’a jamais rien connu d’autre que l’orphelinat. S’accrochant uniquement à l’idée de retrouver sa mère, elle affronte un quotidien harassant et surmonte dignement les difficultés qui jalonnent son chemin. Sa quête la conduira dans un Paris en pleine tourmente. Modifiant profondément sa façon de voir la vie, cette période agitée la mènera là où tout a commencé, au village de son enfance…

     

    • Couv_2024-043_Mercadié Louis - L'enfant trouvée

     

    Malgré le vécu incroyablement triste de Noëlle en ce début de 19e siècle, je referme tout de même mon livre heureux de cette histoire et éblouis par le parcours qu’elle a vécu sans jamais baisser les bras devant l’adversité.
    Après un abandon, hors de la volonté de sa mère en 1822, nous suivons le parcours de la petite Noëlle qui va grandir dans un orphelinat, dans une France où il ne fait pas bon vivre lorsque l’on est tout seul, sans famille. C’est l’obligation de travailler très tôt dans les mines ou les fermes avoisinantes, l’exploitation des enfants, la prostitution, des conditions de travail opprimantes et dégradantes…

    Noêlle est une belle fille au caractère facile, bienveillante, ayant une bonté d’âme exceptionnelle. Elle va très vite nouer de belles amitiés avec celles et ceux qui partagent sa condition.
    Puis viendront les premiers amours… Adulte, elle décidera de quitter l’Aveyron à la recherche de ses origines, connaître aussi le “pourquoi” de son abandon. Commencera alors un périple à travers la France jusqu’à son arrivée à Paris, où la pauvreté est omniprésente dans tous les quartiers plus sordides les uns que les autres.

    Louis Mercadié, originaire du Nord-Aveyron, c’est très bien documenté sur cette période de l’histoire. Nous seulement le récit est un vrai livre d’histoire, mais il possède une plume très agréable avec un style propre, assez rare de nos jours.
    Il y a quelques jours, je parlais d’un roman écris par une femme, racontant des vies de femmes, dans un lieu où je n’avais pas l’habitude de les rencontrer, en étant ému aux larmes…
    L’Enfant trouvée est un excellent roman écris par un homme, qui raconte des vies de femmes très très dures, dans des lieux où je n’imaginais même pas qu’elles puissent y travailler. Et que d’émotions…

    Plus qu’une simple lecture, elle est devenue au fil des pages une lecture très enrichissante, avec en plus, quelques annotations par-ci, par-là, avec lesquelles je suis allé au-delà, grâce à Internet, j’ai même assimilé cette lecture à une sorte de leçon de vie. Car Noëlle, oui, est une femme, oui, elle est courageuse et bonne avec les gens qu’elle côtoie, mais c’est aussi une révolutionnaire au fond de son cœur. Alors, oui, la société à évoluée depuis quant au droit des femmes, mais Noëlle voulait croire en un avenir ou les femmes et les hommes seraient égaux…

    Un roman qui devrait vous procurer un véritable plaisir de lecture, hors du temps !
    Un très grand MERCI encore une fois à Virginie des Éditions de Borée…

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    Extraits :

    « Chaque jour que Dieu faisait, Suzanne visitait Mme Castanié. À présent que ses jambes ne la portaient presque plus, la jeune fille assurait ses courses et lui révélait les nouvelles de la cité auxquelles la vieille dame continuait de s’intéresser. »

    « Dans le calme de l’aurore, les deux femmes, qui traversaient le pont, crurent entendre les plaintes d’un agneau. Cependant, au fur et à mesure de leur progression, elles reconnurent les pleurs d’un bébé. Elles se hâtèrent en direction des cris et gravirent les marches du grand escalier de l’église. Tout en haut, une corbeille recouverte d’un linge reposait au sol. À l’intérieur, un bébé, pourtant bien emmailloté, tremblait de froid et s’agitait en hurlant. Enveloppé d’une sorte de pèlerine épaisse sur laquelle on avait grossièrement cousu des poches, elles-mêmes emplies de châtaignes grillées, il portait autour du cou une chaîne de métal retenant un médaillon étoilé gravé d’entrelacs. »

    « – Tu as raison, mon Mathieu, elle est magique ta forêt !
    On ne se lasserait pas de l’écouter.
    – Et puis chaque saison apporte sa ritournelle, son murmure. C’est toujours différent, toujours nouveau. Allez, faut y aller maintenant, on continue ! »

    « Ton bonheur me rend heureuse, chère Marina. Tu le mérites amplement et tu sauras le répandre autour de toi ! Tu es une fille formidable qui a su sortir de l’ornière profonde où tu te trouvais. Vois-tu, la vie, c’est comme un chemin, tantôt courant tout droit dans la plaine, tantôt montant péniblement les pentes sinueuses d’une montagne. Les jours viennent… et s’en vont. Ils sont des inconnus qui nous surprennent. Regarde ces guerres que nous venons de vivre, ces violences, cette souffrance ! »

     

    Originaire du Nord-Aveyron, au pied des monts d’Aubrac, et fils d’un tonnelier dont il a conservé le savoir-faire, Louis Mercadié est un amoureux du temps passé. C’est aussi un passionné.

    Auteur de plusieurs monographies historiques et d’une thèse de troisième cycle (Histoire, Géographie, Sciences humaines, Université de Jussieu), il a obtenu deux prix littéraires pour une biographie sur Marie Talabot, une Aveyronnaise dans le tourbillon du XIXe siècle.

    Chevalier des Arts et Lettres, conférencier, membre de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, il n’a de cesse de parcourir l’histoire du département, notamment celle de ces femmes qui ont vécu un destin remarquable.