Drame, Folie, Thriller, Violence

Bloody Glove

de Bob Slasher
Broché – 26 mai 2016
Éditeur : L’atelier Mosésu

« Tous des enflures. Coupables désignés. Cibles idéales de ta colère. Pourquoi essayer de mourir alors que des salauds vivent ? Pourquoi se punir soi-même quand tant d’autres le méritent ? »
Cinéphile averti, révolté contre le monde, Fred a enfin trouvé sa voie. Elle sera aussi tarée que sanglante. Et rendra hommage au septième art, le vrai. Le grand. Celui qui tache.

Bloody Glove fait partie de ces livres que j’aurais pu ne jamais lire… et rien que d’y penser, ça m’a filé un frisson.
Tout commence par la couverture. Rouge, sanglante, frontale. Elle m’a immédiatement replongé dans mon univers VHS d’adolescent. Halloween, Vendredi 13, Les Griffes de la nuit. Et ce nom d’auteur, Bob Slasher… plus qu’un clin d’œil, un véritable coup de poing, un doigt d’honneur ? Mais non, je ne l’ai pas dit !

Je savais à quoi m’attendre. Une écriture sombre, glauque, brutale. Certains diront sordide. Moi, j’y vois une cohérence totale avec l’univers revendiqué. Ici, pas de dentelle ni de phrases policées. Si vous cherchez la délicatesse de métaphores fleuries et de proses parfumées, passez votre chemin, mais tant pis pour vous.
Slasher écrit comme il découpe : droit au but, sans anesthésie. Il s’amuse avec tous les codes du genre. C’est référencé à outrance, bourré d’allusions savoureuses, Freddy Krueger, bien sûr, mais aussi Les Tontons flingueurs, Le Père Noël est une ordure, Gainsbourg se transforme en Gainsbarre, et les répliques sentent bon le zinc et la mauvaise foi.

J’ai ri. Oui, vraiment. Jaune, évidemment. Ce livre est cru, direct, sans filtre. Ça cogne, ça grogne, ça dit les choses sans demander pardon. Polar, thriller, roman d’humour noir ? Un peu tout à la fois… et bien plus encore.

Derrière la violence, si l’on accepte de lire entre les lignes, se cache surtout la souffrance d’un homme. Fred Parmentier, écorché vif, abandonné par sa femme, vidé de toute joie. Je n’ai jamais cautionné sa vengeance, mais je l’ai comprise.
Dans l’ombre, il façonne un gant hérissé de lames, prolongement de sa rage. Et il passe à l’acte.

Bloody Glove est une boucherie stylisée, un hommage furieux et jubilatoire au cinéma d’horreur des années glorieuses. Une écriture brute, sèche, percutante, une explosion de mauvais goût parfaitement assumée.
Ça tranche. Ça claque. C’est sale. C’est drôle. C’est excessif et ça marque.

Pour sortir des sentiers battus ? Oui.
Mais attention… vous pourriez bien en redemander.

Merci Marc.

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Extraits :

« T’es qu’un con.
Voilà. C’est à peu près tout ce qu’on pourrait dire. Oh, bien sûr, on pourrait broder, délayer un peu comme les journaleux ou les scribouillards savent si bien faire, trouver des façons plus élégantes de dire que t’es un con, mais au final, hein…
Ci-git Frédéric Parmentier.
1977 – 2016
Citoyen aimable, gentil, discret, avenant, effacé.
Un con.
Qui aimait rendre service. Bon voisin et ami fidèle.
Un…
Compagnon aimant, un…
Loser. »

« Tu fredonnes.
Je suis venu te dire que je m’en vais…
Tu respires profond. Tu fixes l’intérieur de ton poignet gauche.
Y appliques la lame du couteau et tu tranches d’un coup sec.
Le sang gicle.
La douleur pulse. Tu fixes le sang qui se mêle à l’eau chaude. C’est beau. Arabesques rouges dans le liquide trans-parent. Mais tu te dépêches aussi, pour pas perdre le rythme.
Le couteau change de main. Tu grimaces. Putain, ça fait mal.
D’un autre coup sec, tu tranches l’autre poignet.
La lame dévie sur l’os. Grince. Le sang coule quand même.
Pour la jouer un brin poétique, tu regardes la vie en train de s’écouler par tes poignets béants, sinon en vérité ça pisse et ça fait mal, ouais putain. Ça pisse foutrement vite.
Mais l’eau chaude te soulage.
Tu fermes les yeux.
Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais… »

« Minuit, l’heure du crime…
Ton garage éclairé au néon. Le métal crie. Crache ses étincelles. T’y mets tout ton cœur et un paquet d’huile de coude, tu t’es jamais senti si vivant depuis des lustres. Des mois. Des années. Plutôt fier de toi, aussi. C’est pas le premier pékin venu qui pourrait inventer ce que toi, t’es en train d’inventer.
Concevoir ce que tu conçois. À la fois l’instrument de ta vengeance et un vibrant hommage au héros de ta jeunesse. »

« Tes yeux sont ouverts.
Dans l’obscurité de la nuit, de la chambre aux murs dépouillés – Tina est aussi partie avec la déco -, tu fixes le plafond que tu connais si bien. Pour l’avoir longtemps fixé. Ton sport national à une époque. Fixer ce foutu plafond et imaginer des choses… Horribles, de préférence. Visions de mort et de maladies. De solitude. Visions d’un bonheur impossible, car le malheur est partout. Il bouffe tout, attend son heure. Et à force de penser au pire, celui-ci finit par arriver… T’as déjà pensé à ça ? Au fait que ça puisse être ta faute ?
Non, bien sûr, toi tu blâmes les autres. Tu leur donnes à tous le mauvais rôle. Tu te réserves l’habit de lumière. T’es pas du genre à te remettre en question, comme type. »

Ni ange ni démon, Robert « Bob » Slasher n’est qu’un homme. Ce qui explique beaucoup de choses.
Enfant, il n’a pas torturé d’animaux mais toujours ressenti une attirance pour les films d’horreur. Le sang et l’angoisse. La catharsis de nos mauvaises pulsions. Après avoir hésité entre séminaire et armée, il choisit l’écriture. Par vocation et surtout refus de l’autorité, qu’elle soit divine ou militaire. Bob travaille seul. Il vivrait dans le nord de la France.

Bloody Glove est son premier roman.

Drame, Magique, Polar historique, Suspense, Violence

Le cabinet des illusions

Enquête à Vienne, 1902
de Jean-Luc Bizien
Broché – Grand livre, 24 septembre 2025
Éditeur : Maison Pop

Pour devenir le plus grand magicien du monde, il a dû disparaître : aujourd’hui, William Ellsworth Robinson est Chung Ling Soo, « le merveilleux magicien chinois ».

Sur scène, il fascine. En coulisses, il ment.

Car pour incarner son personnage, il a tout sacrifié : ses origines, son nom, sa vie…

Hélas, quand une riche famille viennoise l’engage pour une représentation privée et que le spectacle vire au drame, tous les regards se tournent vers lui et l’accusent.

Pris au piège, l’illusionniste va devoir briser le sort qu’il a lui-même lancé : lever le masque, affronter ses démons et élucider un crime dont il est le premier suspect.

Bienvenue dans le Cabinet des illusions !
Là où les apparences règnent…
Et où la vérité peut tuer.

Préface de Franck Thilliez : « Apprêtez-vous à vivre le plus extraordinaire des voyages »

Depuis quelque temps, une rumeur persistante circulait, Jean-Luc Bizien préparait un nouveau roman… et ce ne serait pas le tome 4 de L’Aliéniste. Lorsque la couverture est apparue, j’ai été immédiatement captivé. Un magicien chinois, auréolé de mystère, et ce titre intrigant : Le cabinet des illusions. J’ai su aussitôt que je voulais m’y plonger.

Dès les premières pages, la plume envoûtante de l’auteur m’a transporté dans la Vienne de 1902, une ville tiraillée entre le bouillonnement intellectuel de Freud et la montée, encore vacillante mais bien réelle, d’une idéologie nationaliste et antisémite. Au cœur de ce décor troublé, j’ai rencontré William Ellsworth Robinson, illusionniste talentueux, qui se présente sous le nom de scène de Chung Ling Soo, « le merveilleux magicien chinois ». Entouré de sa famille et de son équipe, il prépare une série de représentations prestigieuses dans un théâtre viennois très en vue. Avant cela, la troupe s’installe dans un manoir isolé pour répéter ses numéros. Mais une famille influente, les Lueger, insiste pour une représentation privée dans leur demeure, espérant impressionner leurs invités et peut-être trouver un mari à leur fille Katharina. Après quelques réticences, Chung Ling Soo accepte. Le spectacle est un triomphe… pourtant l’émerveillement sera de courte durée.

Le lendemain, la police surgit. Katharina a été retrouvée morte dans l’incendie qui a ravagé les écuries du domaine. Accident ? Crime ? Rapidement, les soupçons se tournent vers le magicien et les siens. Inquiet mais déterminé, Will parvient à convaincre l’inspecteur Mayer de l’associer à l’enquête. Leur duo improbable, l’un observant le monde comme un scientifique, l’autre comme un maître de l’illusion, devient étonnamment complémentaire. Toujours sur le qui vive, entre “américain” et “chinois”, Will essayera, comme il le peut, d’aider la police à dénouer cette enquête troublante. Entre fausses pistes, fausses évidences et vraie réalité, Jean-Luc orchestre son intrigue avec soin, l’intrigue est rusée, construite et maîtrisée, il m’a baladé dans cette atmosphère pleine de magie.
J’ai appris beaucoup de choses durant cette lecture très documentées, dans cette atmosphère

Mais là où la magie demeure, bien après avoir refermé le livre, c’est que Chung Ling Soo est un personnage réel. Jean-Luc lui offre ici une aventure fictive mais profondément crédible, plongeant le lecteur dans une Vienne sombre, dangereuse, pleine de faux-semblants et de coupe-jarrets plus nombreux qu’on ne le pense dans des ruelles inquiétantes. Entre pistes trompeuses, détails invisibles au profane et vérités bien dissimulées, l’intrigue se déploie avec une maîtrise remarquable.

J’ai été emporté par ce récit foisonnant, documenté, construit comme une machination savamment huilée. Les rebondissements s’enchaînent, les mensonges se dérobent, et la révélation finale m’a littéralement soufflé. Le cabinet des illusions est un thriller historique aussi sombre que captivant, un véritable tour de magie littéraire.
Une lecture brillante… et que je recommande sans réserve.

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Extraits :

« Je m’appelle William Ellsworth Robinson… et je suis mort il y a quelques années.
Sans doute tous ceux qui m’ont connu naguère – j’étais alors Robinson, The Man of Mystery – en sont-ils persuadés aujourd’hui. Je n’ai nulle intention de les détromper. Ainsi ai-je réalisé ma première grande illusion : j’ai disparu, corps et âme. »

« Je m’appelle Chung Ling Soo. Je suis « le merveilleux magicien chinois » et je suis né à Londres, il y a quelques années.
Comme tous mes confrères, je suis un escroc. Le plus brillant, le plus impérial des escrocs. Je porte des robes traditionnelles, mon crâne est rasé et mes cheveux sont réunis sur ma nuque en une très longue tresse. On m’observe, on m’étudie, on tente de comprendre comment un simple mortel peut réaliser de tels prodiges… »

« Autrefois, avant de mourir… j’étais magicien à New York, sans jamais avoir rencontré le succès dont je rêvais. Il fallait, pour se démarquer, faire montre d’une originalité criante. Las, n’est pas Harry Houdini qui veut !
Loin des prouesses du maître de l’évasion et totalement étranger à sa science des effets d’annonce et de l’utilisation de la presse, je me contentais de survivre dans des théâtres new-yorkais. »

« Will souriait, Will grimaçait, Will proférait des mots tendres, Will hurlait soudain comme un possédé. Will était beau, séduisant, monstrueux, grotesque, Will s’était multiplié. Il n’était plus unique, il était tous ces visages et ces silhouettes à la fois. Regroupés en meute, tous les Will se ruaient dans un tonnerre de vociférations à la poursuite d’Olive, tandis que la jeune femme fuyait à en perdre haleine, au milieu de nulle part. »

Né en 1963 à Phnom-Penh (Cambodge), Jean-Luc Bizien a vécu une grande partie de son enfance à l’étranger. Il a exercé pendant une quinzaine d’années la double profession d’auteur et d’enseignant avant de se consacrer totalement à l’écriture. Jean-Luc Bizien s’épanouit d’abord dans les jeux de rôles et les littératures de l’imaginaire : il a obtenu en 1994 le prix Casus Belli du meilleur jeu de rôles pour Chimères et a publié de nombreux livres pour la jeunesse.
En 2002, il a obtenu le prix du roman d’aventures pour La Mort en prime time et le prix Fantastic’Arts pour WonderlandZ. Passant avec bonheur d’un genre à l’autre, il est l’auteur aux éditions Gründ de Vivez l’Aventure, une série de livres-jeux illustrés qui rencontre un grand succès et de la “Trilogie des ténèbres”, des thrillers contemporains aux éditions du Toucan.
Les œuvres dont il est le plus fier sont cependant ses deux fils, Elric et Adriel, respectivement parus en 1990 et 2005.

La chambre mortuaire
https://leressentidejeanpaul.com/2020/08/17/la-chambre-mortuaire/

La main de gloire
https://leressentidejeanpaul.com/2020/09/04/la-main-de-gloire/

Vienne la nuit, sonne l’heure
https://leressentidejeanpaul.com/2020/09/08/vienne-la-nuit-sonne-lheure/

La chambre mortuaire – Les enquêtes de L’Alieniste*
https://leressentidejeanpaul.com/2024/10/19/la-chambre-mortuaire-2/

Émotion, Drame, Psychologie, Violence

L’Île des chasseurs d’oiseaux

de Peter May
Poche – 3 novembre 2011
Éditeur : Babel

Chargé de l’enquête sur un assassinat commis à Édimbourg, Fin Macleod est envoyé sur son île natale de Lewis, en Écosse, quand un second cadavre apparemment exécuté selon le même modus operandi y est découvert. Persuadé que les deux affaires ne sont pas liées, Fin doit composer avec un décor et des gens qu’il a quittés dix-huit ans auparavant… Sur fond de traditions ancestrales d’une cruauté absolue, Peter May compose un roman palpitant parsemé de fausses pistes, de scènes glaçantes et de personnages aussi frustes que menaçants.

Il y a longtemps que je n’avais pas lu un roman aussi original.

Il y a longtemps que je n’avais pas été happé par un roman aussi original.
L’Île des chasseurs d’oiseaux m’a transporté sur l’île de Lewis, au nord de l’Écosse, là où le vent sculpte la lande et où la mer rugit sans relâche. C’est une terre rude, presque sauvage, que Peter May dépeint avec une intensité telle que j’avais l’impression d’y marcher, le visage fouetté par la pluie et le vent.

Tout commence par un meurtre, mais très vite, je comprends que l’enquête n’est qu’un fil parmi d’autres… une excuse à un roman très audacieux…
L’inspecteur Fin Macleod, envoyé sur place, retrouve son île natale qu’il avait fuie depuis des années. Il y revient contraint, lesté du deuil de son fils et d’un mariage à bout de souffle. Cette enquête le replonge dans un passé qu’il pensait loin derrière et enterré.

J’ai été fasciné par la façon dont les souvenirs de Fin se mêlent au présent, comme des nappes de brume qui se dissipent lentement. À mesure que l’histoire avance, ce ne sont pas seulement les faits qui se révèlent, mais les hommes, leurs blessures, leurs silences. L’île devient un personnage à part entière, à la fois refuge et piège.

Et puis, il y a cette expédition sur An Sgeir, cet îlot battu par les vents où, chaque année, des hommes partent chasser les « gugas », les jeunes fous de Bassan. Une tradition à la fois fascinante et terrible, presque mythique. C’est là que tout se noue, que le passé rejoint le présent, que la mémoire se fissure.

L’écriture de Peter est sobre, fluide, profondément visuelle. Elle m’a plongé dans une atmosphère crépusculaire, dense, empreinte d’émotion. Ce roman est plus qu’un polar : c’est une exploration de l’âme humaine, de la culpabilité et de la rédemption.

J’ai refermé le livre avec cette sensation étrange qu’il me manquait quelque chose, comme si je quittais moi aussi cette île rude et magnifique. Mais, je sais d’ores et déjà que je reviendrai, avec le deuxième tome de cette trilogie écossaise…

Un roman à lire absolument !
Un grand merci à David Fréchou pour cette très belle idée de lecture…

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Extraits :

« Contrairement à d’habitude, la brise est légère et, pour une fois, tiède, comme un souffle sur la peau, doux et attirant. Dans le ciel d’août, une fine brume masque les étoiles mais la lune, aux trois quarts pleine, parvient tout de même à projeter sa lumière fantomatique sur le sable laissé humide par la marée descendante. Avec douceur, la mer va et vient sur la plage. L’écume phosphorescente libère des bulles argentées qui restent accrochées au sable doré. Ils dévalent la route qui descend du village. Le sang leur bat les tempes avec force, comme des vagues s’écrasant au pied d’une falaise. »

« Nous vivions dans ce que l’on appelle une whitehouse, à un peu moins d’un kilomètre du village de Crobost. Ce village faisait partie de la commune de Ness, située sur la pointe la plus au nord de l’île de Lewis, qui était elle-même l’île la plus au nord de l’archipel écossais des Hébrides extérieures. Les whitehouses dataient des années vingt. Les murs étaient faits avec de la pierre et de la chaux, ou avec des blocs de béton, et les toits étaient couverts d’ardoise, de tôle ondulée ou de feutre bitumé. Elles avaient été construites pour remplacer les anciennes blackhouses, qui étaient constituées de murs de pierres sèches et d’un toit de chaume, et dans lesquelles s’abritaient hommes et bêtes. Un feu de tourbe brûlait nuit et jour dans la pièce principale. Il n’y avait pas de cheminée et la fumée était censée s’évacuer par un trou pratiqué dans le plafond.
Bien sûr, ce n’était pas très efficace. Les maisons étaient toujours enfumées et l’espérance de vie assez courte. »

« Parce que ce n’est que le début. Le visage de Fionnlagh s’empourpra sous l’effet de l’excitation. « Les prémices d’un Etat policier. On va tous finir dans un fichier, quelque part, référencés grâce à notre ADN, et on pourra plus rien faire ni aller où que ce soit sans que quelqu’un sache pour-quoi, d’où on vient et où on va. Et ensuite on nous refusera un emprunt, ou une assurance-vie, parce que la compagnie d’assurances estimera qu’on représente un risque.
Tout sera là, dans le fichier ADN. Ton grand-père mort d’un cancer, ou peut-être un problème d’antécédent cardiaque du côté de ta mère. On te refusera un boulot parce que celui qui voulait t’embaucher découvrira que ton arrière-grand-mère a été internée dans un asile psychiatrique et que ton ADN ressemble furieusement au sien. »

Écrivain écossais, Peter May habite depuis une dizaine d’années dans le Lot.
Il a d’abord été journaliste avant de devenir l’un des plus brillants et prolifiques scénaristes de la télévision écossaise. Il y a quelques années, Peter May a décidé de quitter le monde de la télévision pour se consacrer à l’écriture de ses romans. Le Rouergue a publié sa série chinoise avant d’éditer la trilogie écossaise (parue d’abord dans sa traduction française avant d’être publiée, avec un immense succès, en anglais).

Noir, Polar, Suspense, Violence

La plaine

de Pascal Escobar
Broché – 3 octobre 2025
Éditeur : Le mot et le reste

La Plaine, Marseille. Un individu sème a terreur en attaquant les camions de pizza des environs à la grenade lacrymogène. Parallèlement, Esmeraldo Platinium, rappeur n° 1 en France et originaire de ce quartier, reçoit des menaces de mort pour le dissuader de donner son concert événement au stade Vélodrome. Stanislas Carrera, enquêteur social et détective privé se voit confier ces affaires. Flanqué de son inaltérable cousin et associé Fruits Légumes, ses investigations vont lui faire découvrir que les relations entre le milieu du rap marseillais et le banditisme ne sont pas toujours celles qu’on croit et que les motivations profondes de l’être humain sont parfois insondables.

Après avoir découvert Belle de mai, le premier roman de Pascal Escobar, j’avais hâte de retrouver Stanislas Carrera dans de nouvelles aventures. Avec La Plaine, l’auteur nous entraîne une fois encore dans les bas-fonds d’un Marseille bien loin des clichés de carte postale. Ici, tout est froid, sombre, oppressant, et l’hiver n’arrange rien.

J’ai pris plaisir à retrouver Stanislas, enquêteur privé et ancien éducateur, un personnage cabossé mais terriblement attachant. Cette fois encore, il plonge au cœur d’une enquête où menaces de mort, règlements de comptes, drogues et trahisons se mêlent dans une atmosphère électrique. On y croise le milieu du rap marseillais, le banditisme, mais aussi les fantômes du passé qui ne cessent de resurgir.
Pascal Escobar a ce talent rare, faire sentir le pouls d’une ville avec une écriture brute, tranchante, mais toujours juste. Ses personnages parlent vrai, vivent vrai, dans une langue rugueuse qui claque comme un coup de mistral. J’ai été frappé par la véracité des détails, les accents, les ambiances, les modes de vie… Tout sonne juste, même quand ça fait peur.

Je l’avoue, Marseille n’est pas ma ville de cœur et le rap n’est pas ma musique de prédilection, mais la plume de Pascal a su m’accrocher, me captiver, me bousculer et aussi le plaisir de trouver ça et là, le long de ma lecture, des groupes de Rock ou de Punk qui me parlaient beaucoup plus !
Son réalisme cru, parfois brutal, donne une force incroyable au récit. J’ai aussi été touché par sa capacité à mêler roman noir et chronique sociale. Où s’arrête l’un ? Où commence l’autre ? Peut-être les deux ne font-ils qu’un…

Dans cette histoire, un rappeur menacé de mort et une série d’attaques de camions à pizza finissent par s’entremêler dans une intrigue tendue, haletante, où Stanislas tente de recoller les morceaux de son passé tout en cherchant la vérité. Et croyez-moi, rien n’est simple dans ces rues où chaque pas peut être le dernier.

Avec La Plaine, Pascal signe un deuxième tome puissant, à la fois noir et profondément humain. Je lirai sans hésiter le troisième volet de cette trilogie qui s’annonce déjà incontournable. Car, malgré ses horreurs et ses dangers, Marseille a ce charme brut et indomptable… et je crois bien que Pascal a réussi à ensorceler ma sensibilité.

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Extraits :

« C’est l’hiver. Il fait nuit. La vallée du Rhône crache un mistral à couper le sang. Le vent s’engouffre dans Marseille en arrachant les branches des arbres statufiés par le froid et la pollu-tion. Un homme avance d’un pas décidé le long de la terrasse du Petit Nice, place Jean-Jaurès. Le vent soulève la visière de sa casquette noire. Arrivé à l’extrémité de la place, il stoppe sa progression. Immobile, il avise le camion de pizza Chez Tonton parqué au coin de la rue des Trois-Mages. Ses yeux sont fixes, indifférents au chahut provoqué par les groupes de jeunes qui vont au bar. Le camion est de dos. Sa carrosserie blanche dévoile une fresque présentant une pizza à l’anchois entourée de feuilles de basilic, de laurier et d’origan.
Au-dessus de la pizza est inscrit en lettres de feu orange et rouge Pizza Tonton, le goût authentique de Marseille depuis 1989. L’homme à la casquette ne bouge pas. Son regard se pose sur une plaque de métal bleu et blanc vissée sur la porte arrière du fourgon. Il cille. Plusieurs fois. »

    « Il pleut. Carrera regarde ses chaussures. Des Caterpillar qu’il porte depuis un moment. Il regarde la rue de Rome qui file vers la place Castellane. Un sentiment de vide l’étreint. Le détective est saisi d’une impulsion. Il se rend à pas rapides vers la rue Saint-Férréol, jusqu’à la boutique Dr Martens où il achète une paire de bottes noires, classiques. Il les garde aux pieds.
    En sortant il s’observe dans une vitrine. Docs noires, jean, manteau sombre, cheveux poivre et sel. Tu es le Nestor Burma des temps modernes, Stani, que la lumière soit. L’enquêteur fait le geste de dégainer un pistolet. Une cagole le voit et dit à sa copine, Zarma, le gadjo y croit qu’il est dans un film, j’te jure y sont trop bizarres des fois. »

    « Le monde extérieur est une illusion qui brouille ton monde intérieur. Tu vis sur Terre en une époque ténébreuse et démoniaque. Tu vis dans un monde où il est possible de louer des trottinettes électriques et où les magasins affichent en devanture des photos géantes de ce qu’ils vendent à l’intérieur. Le détective sent le dégoût prendre possession de son monde intérieur. C’est ça la vie? C’est ça qui rend heureux? Non, mon ami. Seule la paix intérieure peut te rendre heureux. N’attends pas après les autres. L’autre n’a de cesse de te montrer qu’il est autre. »

    « Un chanteur new-yorkais a dit que le rock était une arène à l’intérieur de laquelle chacun pouvait se réinventer. La Plaine est une arène à l’intérieur de laquelle chacun peut acheter des bières à l’épicerie de nuit. Les bars et les lumières de ce quartier sont devenus les bouées de sauvetage auxquelles on s’accroche parce que de toute manière, il n’y en a pas d’autres. »

    Pascal Escobar naît à St-Henri en 1974. Il est l’avant-centre de l’équipe de football du quartier durant dix ans, puis devient punk, dynamiteur, projectionniste de cinéma et pour finir, travailleur social. Son parcours professionnel l’amène à travailler dans le secteur de la Belle de Mai, dans le troisième arrondissement de Marseille. Il écrit depuis 2017. Belle de Mai est son quatrième livre, son premier roman et le premier opus d’une série de trois romans sur Marseille.

    Drame, Folie, Polar, Psychologie, Violence

    Adieu

    de Jacques Expert
    Poche – 27 mars 2013
    Éditeur : Sonatine éditions

    2001, Châtenay-Malabry. Une mère, son fils et sa fille sont retrouvés assassinés à leur domicile. Le père est porté disparu. Est-il lui aussi victime ou bien coupable ? Les recherches s’organisent, sous la direction du commissaire Langelier. Un mois plus tard jour pour jour, c’est au tour d’une seconde famille, tout aussi ordinaire, d’être abattue dans des circonstances identiques. Là aussi le père est introuvable. Presse, politiques, police, les avis sont unanimes, un tueur en série est à l’œuvre. Seul Langelier s’entête à concentrer tous ses efforts sur la piste des pères, qu’il soupçonne d’être à l’origine des massacres. Devant son obstination et son manque de résultats, son supérieur, le commissaire Ferracci, est obligé de lui retirer l’affaire. Commence alors entre les deux hommes une guerre froide, chacun s’efforçant de démontrer sa propre vérité, qui ne prendra fin que dix ans plus tard avec la révélation d’une incroyable réalité.

    J’ai lu Adieu de Jacques Expert d’une traite, en une seule soirée. Impossible de le lâcher. Les pages se tournaient d’elles-mêmes, portées par un suspense qui me tenait en haleine jusqu’au bout, jusqu’à un dénouement que je n’avais absolument pas vu venir.

    Tout commence en 2001. Une famille est retrouvée massacrée. Le père, lui, a disparu. Un mois plus tard, jour pour jour, une autre famille subit le même sort. Cette fois encore, le père s’évapore. Le commissaire Hervé Langelier est dépêché sur l’affaire. Très vite, il s’accroche à une hypothèse, et si ce carnage portait la signature des pères eux-mêmes ? Mais son supérieur et ami, le commissaire Ferracci, le met en garde, le pousse à abandonner cette piste jugée absurde.

    24 mars 2011. Le jour de son départ à la retraite, Langelier prend la parole. Au lieu d’un discours classique, il décide de revenir sur “son” enquête, celle qui a brisé sa carrière, celle qui l’a isolé et discrédité, mais qu’il n’a jamais pu abandonner. Dix ans d’obsession, dix ans de lutte, seul contre tous. Car pour lui, il n’y avait pas de doute, la vérité se cachait forcément derrière cette hypothèse dérangeante.

    À mesure que je lisais, l’ambiance devenait de plus en plus lourde, presque suffocante. Des femmes, des enfants, des familles entières disparaissaient dans un climat d’horreur insoutenable. Quant à Langelier, je l’ai trouvé froid, dur, antipathique même… et pourtant, il était le seul à ne rien lâcher, le seul à oser affronter ce dossier maudit. Je n’avais pas le choix, il fallait que je le suive.

    Jacques Expert orchestre cette intrigue d’une main de maître. Chaque fois que je croyais anticiper, il me prenait de vitesse. Chaque certitude volait en éclats. Et cette fin… quelle claque ! Brutale, inattendue, glaçante. Même si le récit comporte quelques longueurs, il s’impose largement au-dessus de la moyenne des polars que j’ai lus.

    Avec Adieu, Jacques Expert m’a montré à quel point l’obsession d’un homme, sa folie ou peut-être son génie, pouvait le mener au bout du possible. Et moi, lecteur, je suis resté scotché, jusqu’au dernier mot.

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    Extraits :

    « Je n’aime pas beaucoup parler de moi, aussi je serai bref. En toute franchise, si, à cette heure, je me penchais sur mon cas (ce que je répugne à faire), je dirais que ma vie est très facile à résumer : flic, divorcé, comme beaucoup d’entre nous, et la retraite comme avenir immédiat.
    Je m’appelle Hervé Langelier. Je suis né le 3 mars 1956 à Caen. Mes parents, René Langelier, serrurier, et Raymonde Génier, sans emploi, sont tous deux décédés.
    J’ai un frère aîné, Michel, dont je suis sans nouvelles depuis longtemps.
    Mon ex-femme s’appelle Stéphanie. Nous sommes séparés depuis huit ans et c’est beaucoup mieux comme cela. J’ai trois enfants. Ils sont grands, maintenant. Je ne les vois plus. »

    « Les dossiers importants, ceux qui m’occupent depuis plus de dix ans, je ne tenais pas à les garder au commissariat: Je les conserve à l’abri de la curiosité des autres dans mon appartement du Plessis-Robinson.
    Seul le chat noir se promène librement parmi eux. »

    « Jamais autant qu’en ce 19 mai 2001 la tension n’a été aussi palpable dans les commissariats des Hauts-de-Seine. À lui seul, Jean-Louis Ferracci a mis une telle pression que la nervosité a fini par gagner tout le monde. Même les plus aguerris ont été touchés. »

    Jacques Expert est un écrivain et journaliste français.
    Il débute sa carrière professionnelle sur les ondes, à France Info et France Inter, stations pour lesquelles il couvre, pendant près de quinze ans, de nombreux faits divers qui vont inspirer l’écriture de ses premiers ouvrages.
    Publié en 2007, La Femme du monstre résulte d’une longue enquête de terrain et lui vaudra d’être rapidement remarqué par la presse. Parallèlement il poursuit une carrière dans les médias, en occupant successivement les postes de directeur des magazines M6 puis de directeur des programmes de la chaîne Paris Première avant de prendre la direction des programmes de RTL en 2013.
    Son roman, Ce soir je vais tuer l’assassin de mon fils, est adapté en téléfilm sur TF1 par Pierre Aknine en 2014. D’abord publiés aux éditions Anne Carrière, les romans de Jacques Expert paraissent chez Sonatine depuis Adieu (2012).

    Émotion, Polar, Psychologie, Thriller, Violence

    Quand ils viendront

    de René Manzor
    Broché – 3 septembre 2025
    Éditeur : Calmann-Lévy

    « QUAND ILS VIENDRONT, TU DEVRAS ÊTRE PRÊT. »

    Peter a 11 ans. Son père a quitté sa famille pour vivre seul dans un lieu qu’il tient secret. Pour toute explication, il a dit à sa femme que leur sécurité à tous les trois en dépendait. Mais, une nuit de tempête, il surgit chez eux, blessé, et les embarque dans un minivan, direction la Pennsylvanie.

    Confusément, Peter a toujours su que ce jour arriverait. Chaque weekend depuis deux ans, son père l’entraîne au tir sur cible, à l’endurance, au combat à mains nues… Et entre deux exercices physiques, il l’initie aux échecs, lui fait apprendre par cœur des stratégies, des numéros de téléphone, des codes…

    Menacé par des ennemis dont Peter ignore tout, son père a prévu jusqu’au moindre détail de leur exil. Malheureusement, le destin s’en mêle sous la forme d’un terrible accident. Peter et sa mère se retrouvent seuls pour affronter l’avenir, isolés dans une ferme en plein territoire amish, un monde hors de toute modernité.

    Dans cette région inconnue, dans cette maison inconnue, Peter ne sait qu’une chose : « Ils viendront », comme lui a dit son père. Mais qui ? Quand et pourquoi ? Et que peut faire un garçon de 11 ans pour protéger sa mère ?
    Un thriller émouvant et féroce

    Vous l’avez déjà lu ce roman qui vous prend à la tête et aux tripes ?
    Celui qui vous fait tourner les pages de plus en plus vite ?
    Celui qui fait « tic-tac, tic-tac » dans la tête, sans cesse, qui vous empêche de prendre une pause, qui vous incite à lire le chapitre suivant et le suivant, et le suivant encore. Je me suis retrouvé piégé dans un engrenage infernal, obsédant, qui m’empêchait de poser mon livre. Et quand enfin j’ai vu apparaître ce mot tant redouté : FIN.
    Il était 3 h 39 du matin et je l’ai détesté. Les heures à réfléchir à ce que je venais de lire en regardant mon plafond m’ont paru bien longues…

    Il y a des romans qui vous happent dès la première page et qui ne vous lâchent plus, pas même au cœur de la nuit. Quand ils viendront, de René Manzor, fait partie de ceux-là.

    L’histoire m’a immédiatement pris à la gorge. Secrets, révélations, tensions… tout s’accélère, tout devient étouffant, et l’envie irrépressible de tourner les pages prend le dessus. René sait parfaitement manier le suspense, mais ici il frappe encore plus fort, il nous met face au mal absolu. Ce mal, ce n’est pas un monstre venu d’ailleurs, mais le pouvoir. Ce pouvoir froid, implacable, qui broie sans état d’âme et qui ne laisse derrière lui que des ruines.

    Et face à cette machine infernale, il y a Peter, un garçon de onze ans bouleversant, qui m’a profondément marqué. Avec son innocence et sa force mêlées, il choisit de ne pas baisser les yeux, de ne pas céder. En mémoire de son père qui l’aimait plus que tout, il se dresse contre l’injustice, contre la peur, contre le pire. Son courage m’a serré le cœur.

    René m’a entraîné dans un récit où s’entremêlent action, tension, émotions et une troublante résonance avec notre actualité. Chaque page transpire l’urgence, chaque mot semble forgé dans la colère et la passion. J’imaginais l’auteur jubilant derrière sa plume, conscient de la bombe qu’il tenait entre les mains, impatient de la livrer à ses lecteurs.

    Dans cette histoire, une mère, Emma, et son fils affrontent un combat impossible, contre un État tout-puissant, contre la CIA, contre une vérité qu’on veut réduire au silence à tout prix. Mais il y a aussi Patty, Cameron, Franc, le tonton et bien d’autres. Ils doivent fuir, résister, survivre. Et moi, lecteur, je courais avec eux, le souffle court, les tripes nouées.

    Quand ils viendront est un thriller brillant, haletant, bouleversant, qui m’a laissé groggy mais admiratif.
    Un véritable coup de cœur que je vous recommande sans la moindre hésitation.
    Merci aussi René, pour cette “ouverture” sur le monde des amish particulièrement agréable. Au revoir Peter, au revoir Lovina et profitez de la vie, vous le méritez amplement !

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    Extraits :

    « La pluie tombait à verse. Elle tambourinait sans relâche sur les pentes abruptes et rocheuses de la forêt. L’humidité et la chaleur engourdissaient la course de l’enfant. L’eau aveuglante lui dégoulinait dans les yeux, mais il s’efforçait de garder le rythme pour ne pas se laisser distancer.
    Devant lui, son père semblait survoler le terrain, sans donner le moindre signe de fatigue.
    Poussé par l’amour-propre de ses onze ans, Peter mobilisa ses dernières réserves pour le rattraper.
    Mais, à force d’allonger les foulées, il glissa. Ses mains tentèrent désespérément de s’agripper à quelque chose…
    en vain.
    Il s’affaissa dans le fossé boueux. »

    « Deux semaines s’étaient écoulées depuis cette horrible catastrophe, mais c’était comme si le temps s’était arrêté.
    En hommage aux victimes, les parades de Columbus Day du 13 octobre avaient été annulées. D’après les experts, la destruction du pont était due à une micro-tempête.
    Son énergie s’était transférée à la structure et les oscillations avaient provoqué la rupture des câbles. Les hommes parlaient de reconstruire le pont Benjamin-Franklin, mais personne ne pourrait jamais rebâtir la famille Lee. »

    « — Tu sais pas ce que j’ai appris, guapo ? Le terme « complotiste » a été inventé par la CIA en 67 pour décrédibiliser ceux qui contestaient les conclusions de l’enquête sur l’assassinat de Kennedy. Les mêmes qui pourraient très bien être responsables de l’explosion du pont.
    Peter haussa les épaules en souriant, ce que sa copine
    ne pouvait voir.
    — Y a pas eu « explosion », Lupe. J’étais sur place, je te rappelle. »

    « Emma ne sait rien, Teddy. Et, en ce moment, elle risque sa vie et celle de son fils pour rien. D’où mon engagement à leurs côtés.
    Le problème, par rapport à cet « engagement », c’est que l’Agence a quinze milliards de budget à sa disposition pour faire de ta vie un enfer et toi, tu as quoi ?
    La vérité.
    Certaines vérités sont trop vraies pour être dites, ma belle.
    « Trop vraies pour être dites » ? s’insurgea-t-elle. »
    Depuis quand tu penses comme ça, Teddy ?
    »

    Né avec le goût de construire des histoires, René Manzor a d’abord donné corps à cette envie au cinéma. Ses deux premiers films, Le Passage et 3615 Code Père Noël, le font remarquer par Steven Spielberg qui l’invite à Hollywood. Voilà le jeune Français lancé à Los Angeles, scénariste et réalisateur, ghost writer pour les grandes productions. Dans les années 2000, René Manzor quitte les États-Unis et renoue avec le cinéma français (Dédales).
    En 2012, son premier roman, Les Âmes rivales, a révélé une plume au rythme vif et un univers mystérieux.

    En cinq romans seulement, il s’est imposé comme une des références du thriller français.

    Pour Celui dont le nom n’est plus il a reçu le Prix Cognac du polar Francophone.
    https://leressentidejeanpaul.com/2020/07/15/celui-dont-le-nom-nest-plus/

    Pour Apocryphe, le Prix Polar Les Petits Mots des Libraires,
    https://leressentidejeanpaul.com/2018/10/31/apocryphe-de-rene-manzor/

    Pour À Vif, le Grand Prix Iris Noir Bruxelles 2021 et le Prix de l’Embouchure 2022.

    Du fond des âges
    https://leressentidejeanpaul.com/2022/11/16/du-fond-des-ages/

    L’ombre des innocents
    https://leressentidejeanpaul.com/2024/04/29/lombre-des-innocents/

    En 2020, quand le covid frappe et que les tournages s’arrêtent, il a une idée folle : donner vie à ce prof d’écriture qu’il cherchait désespérément étant môme, quelqu’un qui vous apprendrait les secrets de l’écriture comme un prof de guitare vous montre les accords.
    Grâce à son « coaching », des débutants de tous âges donnent vie à leur histoire.
    SEPT d’entre elles sont publiées dans ce recueil.
    Elles révèlent SEPT nouveaux talents…

    SEPT
    https://leressentidejeanpaul.com/2023/07/01/sept/

    SEPT SAISON 2
    https://leressentidejeanpaul.com/2025/06/18/sept-saison-2/

    Folie, Polar, Suspense, Thriller, Violence

    Carnets noirs

    de Stephen King
    Poche – 27 septembre 2017
    Éditeur : Le Livre de Poche

    En prenant sa retraite, John Rothstein a plongé dans le désespoir les millions de lecteurs des aventures de Jimmy Gold. Devenu fou de rage depuis la disparition de son héros favori, Morris Bellamy assassine le vieil écrivain pour s’emparer de sa fortune et, surtout, de ses précieux carnets de notes. Le bonheur dans le crime ? C’était compter sans les mauvais tours du destin… et la perspicacité du détective Bill Hodges.
    Trente ans après Misery, Stephen King renoue avec l’un de ses thèmes de prédilection : l’obsession d’un fan. Dans ce formidable roman noir, où l’on retrouve les protagonistes de Mr Mercedes (prix Edgar 2015), il rend un superbe hommage au pouvoir de la fiction, capable de susciter chez le lecteur le meilleur… comme le pire.

    Un suspense de très haut niveau et une intrigue au déroulé parfait qui vont faire passer au lecteur de belles nuits blanches.
    Renaud Baronian, Le Parisien.

    Stephen King nous a concocté une très bonne suite pour Mr Mercedes, mais ce roman est bien plus que ça…
    Vous pouvez le lire indépendamment du premier, mais je conseillerai quand même la lecture de Mr Mercedes pour commencer.
    J’ai retrouvé avec plaisir Bill Hodges et ses compagnons, mais c’est surtout Morris Bellamy qui s’impose ici, un personnage aussi fascinant que détestable, prisonnier de son obsession pour un écrivain et ses carnets. J’ai suivi son délire avec intérêt, parfois avec effroi, même si j’ai pu comprendre sa colère, mais j’étais surtout pressé de connaître la fin. Je me souviens de Misery, et de cette fan qui kidnappe son auteur préféré, Stephen King se sert encore de son thème de prédilection : L’obsession d’un fan.

    L’intrigue est menée de main de maître, je n’en doutais même pas, alternant entre tension extrême et pur plaisir de lecture. Pete, ce jeune garçon qui découvre une malle pleine de billets et de carnets de notes, m’a profondément ému. J’ai tremblé pour lui, pour sa sœur aussi, et j’ai adoré la manière dont l’auteur les met au cœur d’une histoire qui dépasse leur monde.

    Difficile de lâcher ce roman !
    Fluide, détaillé, parfois un peu trop (comme toujours avec King), il m’a happé dès les premières pages. Les digressions qui font parfois lever les yeux au ciel sont compensées par une montée en tension incroyable et un final asphyxiant, particulièrement réussi. J’ai dévoré le roman en quelques heure seulement !

    Stephen King n’oublie pas sa mission.
    Distraire, captiver et surprendre ses lecteurs. Carnets noirs est à la fois un hommage aux grands auteurs américains et une réflexion sur le pouvoir de la fiction, sur ce que l’obsession peut déclencher. Ce n’est pas son plus grand roman, mais il reste lecture marquante, intelligente et captivante.
    Le “King” arrive encore et toujours à me surprendre, il m’émeut aussi… il détient AD VITAM, le pouvoir suprême de la fiction.

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    Extraits :

    « “Hé, le génie, on s’réveille.”
    Rothstein ne voulait pas se réveiller. Son rêve était trop bien. Il y avait sa première épouse, des mois avant qu’elle devienne sa première épouse : dix-sept ans, parfaite de la tête aux pieds. Nue, corps scintillant. Nus tous les deux. Lui, dix-neuf ans, du cambouis sous les ongles, mais elle s’en balançait, du moins à l’époque, parce qu’il avait la tête pleine de rêves et que c’était ça qui comptait pour elle. Elle croyait à ces rêves bien plus que lui, et elle avait raison d’y croire. Dans ce rêve, elle riait en essayant d’attraper la partie de lui la plus facile à attraper.

    Il chercha à s’enfoncer plus profondément dans son rêve mais une main se mit à lui secouer l’épaule et le rêve éclata comme une bulle de savon. »

    « “Vous êtes un imbécile”, dit Rothstein. Tout à coup, il éprouvait une sorte d’extase. “Vous vous croyez plus intelligent que les deux autres, mais vous l’êtes pas. Eux au moins comprennent que l’argent, ça se dépense.” Il se pencha en avant, fixant du regard ce visage pâle éclaboussé de taches de rousseur.
    – Tu sais quoi, gamin ? C’est les types comme toi qui font une mauvaise réputation à la lecture.
    – Dernier avertissement, dit Morrie.
    – J’emmerde tes avertissements. Et j’emmerde ta mère. Flingue-moi ou dégage de chez moi.
    Morris Bellamy le flingua. »

    « Morris attrapa une couverture sur l’étagère du haut dans le placard de la chambre et en couvrit Rothstein, maintenant affalé en biais dans le fauteuil, le sommet du crâne en moins. La cervelle qui avait conçu Jimmy Gold, sa sœur Emma, leurs parents narcissiques et semi-alcooliques – tellement semblables à ceux de Morris – séchait maintenant sur le papier peint. C’était pas un choc pour Morris, pas exactement, mais c’était assurément une surprise. Il s’attendait à du sang, et un trou entre les yeux, mais pas à cette expectoration écœurante de cartilage et d’os. Manque d’imagination, supposa-t-il, la raison pour laquelle il pouvait lire les géants de la littérature américaine contemporaine – les lire et les apprécier – mais n’en serait jamais un. »

    « Les parents de Pete Saubers se disputaient beaucoup maintenant. Tina appelait ces disputes les ouafis-ouafis. Pete trouvait que sa petite sœur avait de l’idée, parce que ça donnait exactement ça quand ils s’y mettaient : ouaf-ouaf, ouaf-ouaf-ouaf. Des fois, Pete avait envie de s’avancer sur le palier, en haut de l’escalier, et de leur hurler d’arrêter, bon sang, d’arrêter. Vous faites peur aux enfants, il avait envie de gueuler. Y a des enfants dans cette maison, des enfants, vous l’avez oublié, bande de patates ? »

    Stephen King a écrit plus de 60 romans, autant de best-sellers, et plus de 200 nouvelles. Couronné de nombreux prix littéraires, il est devenu un mythe vivant de la littérature américaine (médaille de la National Book Foundation en 2003 pour sa contribution aux lettres américaines, Grand Master Award en 2007 pour l’ensemble de son œuvre).
    En février 2018, il a reçu un PEN award d’honneur pour service rendu à la littérature et pour son engagement pour la liberté d’expression.

    Humour, Noir, Polar, Suspense, Violence

    Sans pitié ni remords

    de Nicolas Lebel
    Poche – 10 mai 2017
    Éditeur : Le Livre de Poche

    9 novembre. Le capitaine Mehrlicht assiste aux obsèques de son ami Jacques Morel. Quelques heures plus tard, un notaire parisien lui remet une enveloppe contenant un diamant brut : l’œil d’une statue dérobée au musée des Arts d’Afrique et d’Océanie dix ans plus tôt.
    De leur côté, les lieutenants Latour et Dossantos sont appelés pour constater un suicide, puis assistent à la défenestration d’une femme qui avait réclamé la protection de la police. Les deux victimes avaient un point commun : elles travaillaient ensemble au musée.
    La chasse au trésor organisée par Jacques vire alors au cauchemar. Que cherchent ces anciens légionnaires, qui apportent la guerre à Paris dans un jeu de piste sanglant jalonné de cadavres ? Mehrlicht et son équipe ont quarante-huit heures pour boucler cette enquête sous haute tension, dans laquelle bouillonnent la fureur et les échos des conflits qui bouleversent le monde en ce début de XXIe siècle.

    Retrouver le capitaine Mehrlicht dans Sans pitié ni remords de Nicolas Lebel, c’est comme retrouver un vieil ami qui parle cash, qui grogne, mais qui vous fait rire à chaque réplique. Ce flic atypique, cultivé et grinçant, me donne toujours l’impression de sortir d’un film d’Audiard. Et autour de lui, son équipe prend de l’épaisseur, s’affine, se bonifie au fil des enquêtes.

    Ce que j’aime chez Nicolas Lebel, ce n’est pas seulement ses intrigues tordues et captivantes, mais surtout son style, cette plume pleine de verve et de malice, où chaque page réserve une phrase qui arrache un sourire. Derrière l’humour et les dialogues savoureux, il y a aussi une passion réelle pour la France, pour son Histoire, pour ses mots. Et ça, je le ressens à chaque lecture.

    L’affaire qui nous entraîne ici démarre avec une statuette africaine volée, “Le Gardien des Esprits”. Une disparition vieille de plusieurs années qui resurgit quand Mehrlicht, tout juste endeuillé par la mort de son meilleur ami, hérite de ses biens… et découvre un diamant lié directement à ce vol. Très vite, le voilà suspecté, arrêté même, et au cœur d’une enquête qui croise suicides douteux, vols d’art, manipulations et mercenaires sans scrupules.

    À côté de ce puzzle haletant, Nicolas s’amuse à glisser de la poésie, de la cryptographie, des références à Baudelaire, et même un message caché page 377, comme un clin d’œil complice à ses lecteurs attentifs. J’adore ces détails qui font toute la richesse de ses romans.

    Lire Sans pitié ni remords, c’est plonger dans une intrigue palpitante, foisonnante, où l’intelligence du texte se mêle à un suspense implacable. C’est aussi retrouver un univers familier, des personnages attachants, et surtout un auteur qui, une fois de plus, me bluffe par son talent.

    Nicolas Lebel est décidément trop fort. Et moi, je me suis régalé, sans pitié… mais avec beaucoup de plaisir.

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    Extraits :

    « Mehrlicht exhala la fumée de sa Gitane. Il la sentit filer sur sa joue et s’évanouir derrière lui. Son pouls battait fort dans sa gorge au rythme de ses pas sur l’allée de gravier. Son téléphone collé à l’oreille, il parvint enfin à l’arc de triomphe du Carrousel. Il examina l’ouvrage massif à la gloire de Napoléon Bonaparte, l’empereur qui avait mis l’Europe à genoux. Un monument de plus pour célébrer la guerre. Au-delà, le Louvre resplendissait sous la lumière crue d’un soleil pâle qui jouait avec les angles de la pyramide de verre.
    Le capitaine s’arrêta et tourna sur lui-même ; l’automne avait dépouillé les arbres et les buissons du jardin des Tuileries ; rien ne bloquait véritablement la vue. »

    « — Je lui annonce « Police nationale», elle me raccroche au nez… Police nationale ! Ça ne veut plus rien dire pour personne ! Aberrant ! Alors qu’on est là pour les aider ! se lamentait Dossantos en observant l’écran noir du téléphone de Ghislaini.
    Cuvier l’approuva.
    — Parce que tous les gens ont un truc à se reprocher, aujourd’hui. Ils sont pas clairs…
    Carrel les ignora et rejoignit son assistant. Latour regarda Dossantos. Il semblait sincèrement dépité. »

    « Émilie Monchant travaillait aujourd’hui dans une société française, Négoce-Afrique, dont la spécialité était l’import-export avec la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Gabon et le Sénégal. À quarante et un ans, la jeune femme blonde et élancée pouvait sincèrement affirmer qu’elle avait consacré toute sa vie à l’Afrique. Et une grande partie à l’art bakongo. »

    Nicolas Lebel est un auteur français.

    Il est également enseignant et traducteur.

    Il a fait des études de Lettres et d’anglais puis il s’est orienté vers la traduction. Il est parti en Irlande quelque temps avant de devenir professeur d’anglais.

    Passionné de littérature et de linguistique, il publie en 2006 une première fiction, une épopée lyrique en alexandrins : « Les Frères du serment« .

    En 2013, il publie aux Éditions Marabout « L’Heure des fous » (Prix des lecteurs polar du Livre de Poche 2019), en 2014, « Le Jour des morts« , en 2015, « Sans pitié, ni remords » (Prix Anguille-sous-Roche), en 2017, « De cauchemar et de feu«  (Prix du Festival Sans Nom), puis, en 2019, « Dans la brume écarlate » (Prix Coquelicot Noir du Salon du Livre de Nemours), cinq romans policiers caustiques où histoire, littérature et actualités se mêlent. Des romans noirs qui interrogent et dépeignent la société française contemporaine avec humour et cynisme, dont le ton est souvent engagé, et le propos toujours humaniste. Ces cinq romans mettent en scène le capitaine Mehrlicht.

    En 2021, il reçoit le Prix Griffe Noire du meilleur roman policier français de l’année pour « Le gibier ».
    En 2023, il se met en disponibilité de l’Éducation nationale pour se consacrer à l’écriture de romans et de scénarios.

    Facebook : https://www.facebook.com/pages/Nicolas-Lebel-Polars/485293481534883

    Émotion, Drame, Histoire vraie, Polar, Violence

    Une saison de colère

    de Sébastien Vidal
    Broché – 22 août 2025
    Éditeur : Le mot et le reste

    À Lamonédat, commune de Corrèze de cinq mille âmes, le printemps est de retour. La nature s’éveille et se déploie en une beauté qui subjugue. Pourtant, la colère gronde. Tenaillés entre la fermeture du site de VentureMétal, principal employeur de la ville, et un projet touristique qui menace la Coulée verte, poumon vert auquel tous sont attachés, les habitants doivent s’organiser pour protéger leur cadre de vie face à des enjeux économiques qui leur échappent. Entre grève générale et création d’une ZAD, les esprits s’échauffent. Meurtres, secrets, révolte relient Julius, Gregor, Jolène, Jarod et les autres, tous en proie aux doutes. Ensemble, ils traversent les épreuves et expérimentent la convergence des luttes et la force de la solidarité.

    Je viens de tourner la dernière page d’Une saison de colère et je peux le dire, je l’ai lu d’une traite, le souffle court, les dents serrées. Dès les premières pages, la colère a jailli. Celle des personnages, mais aussi la mienne. Une colère sourde, enfouie, que Sébastien Vidal fait remonter à la surface avec une intensité rare.

    J’avais découvert l’auteur avec De neige et de vent, un polar en huis clos, qui n’en était pas vraiment un, où la nature et l’humanité se répondaient. Avec son nouveau roman, il va encore plus loin. Ce polar est un prétexte pour mettre en avant la voix collective, celle des habitants de Lamonédat, qui pris au piège d’un système injuste, broyés par les décisions d’une multinationale toute-puissante, se doivent de réagir.

    VentureMétal ferme ses portes. Derrière les licenciements, les mensonges, les manœuvres politiques, se cache une vérité bien plus sombre. Et quand les plus riches imposent leurs règles, que reste-t-il aux autres, sinon la colère et la révolte ?

    Sébastien est un écrivain courageux. Il ose pointer du doigt ce qui dérange. L’argent-roi, l’injustice sociale, le mépris des puissants pour les plus fragiles. Mais il ne s’arrête pas à la noirceur, il y met aussi de la tendresse, de la solidarité, de l’amour. Ses personnages, profondément humains, malgré certaines faiblesses, portent chacun une étincelle de lumière dans ce récit où tout pourrait basculer vers le chaos.

    C’est ce mélange qui m’a bouleversé, la dureté du réel, mais aussi la poésie, l’émotion, la beauté. Un roman fort, engagé, terriblement actuel, qui serre le cœur et le réchauffe à la fois.

    Oui, Une saison de colère est un grand livre. Et je ne peux qu’inviter chacun d’entre vous à le lire. Parce que nous devons rester unis et solidaires. Parce que la littérature, parfois, nous aide à transformer notre colère en force.

    👉 Sortie le 22 août.
    Un livre à lire absolument.

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    Extraits :

    « Des gens crient de plusieurs endroits. Des voix d’hommes et de femmes qui appellent et demandent du matériel. Il fait nuit et les lueurs des gyrophares glissent sur la pluie qui tombe. Ça sent les produits chimiques, l’acide qu’on met dans les batteries. Il y a des relents d’hydrocarbures qui se mêlent aux gouttes d’eau. L’odeur âcre du caoutchouc qui brûle râpe la gorge de Julius Sinclair. Il est à plat ventre sur le goudron luisant et trempé, son uniforme imbibé lui colle à la peau. La nuit est là depuis deux heures et la lune afflige de sa blêmeur banale une scène d’épouvante. »

    « La jeune femme ne répond pas et sa main reste inerte. Les ultimes phrases qu’elle a dites reviennent à son esprit. Il entend sa propre voix, comme un esprit qui s’adresse à lui de l’au-delà. Il ne saurait l’expliquer, mais ce qu’elle lui a confié est très important, il doit s’en souvenir. Il le lui a promis. Maintenant la chaleur est intenable, Julius grimace et ferme les yeux pour éviter de paniquer. Il se demande ce que font les pompiers. Les gouttes de pluie sur son front sont remplacées par une abondante transpiration. »

    « Raisons de mourir : la bêtise humaine, la bourse, les hérissons écrasés sur les routes, les fast-foods, les fachos, tous les intégristes religieux, et ce putain de don.
    Raisons de vivre : les crépuscules, les grillons au mois de mai, le rire des femmes, Guillevic, le vin, l’odeur du pain grillé, le parfum du jasmin et ce putain de don.
    Julius était encore sonné de sa nuit au sommeil erratique. Il repensa au carambolage, à Isabelle. Dix années s’étaient écoulées et c’était toujours une blessure qui suppurait. Il posa son stylo et relut ce qu’il venait d’écrire. Il sourit. Les deux listes lui convenaient. »

    « Pour lui, cet endroit était un site de production comme un autre, mais insuffisamment rentable. Une fois délocalisé en Roumanie ou en Hongrie, il pourrait rapporter trois fois plus. »

    Sébastien Vidal a partagé ses brèves études entre Cantal et Corrèze et vit à Saint Jal (Corrèze). Passionné d’histoire, il a entamé une saga romanesque en hommage à la Résistance avec un diptyque Les Fantômes rebelles puis Les clandestins de la liberté en 2011 et 2012.

    Né en Corrèze, c’est un romancier qui sévit dans le polar. Il affectionne les ambiances dans lesquelles la nature prend toute sa place et installe ses histoires en milieu rural, territoire où il y a beaucoup de choses à dire et à montrer, tant du point de vue sociétal que social. Gros amateur de lecture, il avoue une préférence pour les auteurs d’Outre-Atlantique tels que Cormac Mc Carthy, Louise Erdrich, John Irving et Ron Rash, Stephen King ou encore Jim Harrison et Jack London. En France, ses goûts se portent sur Franck Bouysse, Antoine de Saint-Exupéry, Claude Michelet ou encore Laurent Gaudé, Sandrine Collette ou Hervé Le Corre. Pour lui, un roman c’est d’abord des personnages et un style travaillés.

    Émotion, Noir, Polar, Violence

    La mort selon Turner

    de Tim Willocks
    Broché – 11 octobre 2018
    Éditeur : Sonatine

    Après La Religion et Les Douze Enfants de Paris, le nouvel opéra noir de Tim Willocks.

    Lors d’un week-end arrosé au Cap, un jeune et riche Afrikaner renverse en voiture une jeune Noire sans logis qui erre dans la rue. Ni lui ni ses amis ne préviennent les secours alors que la victime agonise. La mère du chauffeur, Margot Le Roux, femme puissante qui règne sur les mines du Northern Cape, décide de couvrir son fils. Pourquoi compromettre une carrière qui s’annonce brillante à cause d’une pauvresse ? Dans un pays où la corruption règne à tous les étages, tout le monde s’en fout. Tout le monde, sauf Turner, un flic noir des Homicides. Lorsqu’il arrive sur le territoire des Le Roux, une région aride et désertique, la confrontation va être terrible, entre cet homme déterminé à faire la justice, à tout prix, et cette femme décidée à protéger son fils, à tout prix.

    Le fauve Willocks est à nouveau lâché ! Délaissant le roman historique, il nous donne ici un véritable opéra noir, aussi puissant qu’hypnotique. On retrouve dans ce tableau au couteau de l’Afrique du Sud tout le souffle et l’ampleur du romancier, allié à une exceptionnelle force d’empathie. Loin de tout manichéisme, il nous fait profiter d’une rare proximité avec ses personnages, illustrant de la sorte la fameuse phrase de Jean Renoir : « Sur cette Terre, il y a quelque chose d’effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons. »

    La mort selon Turner de Tim Willocks est un polar noir comme je les aime, d’une violence brute, parfois dérangeante, mais traversé par de fulgurantes émotions. Un livre qui vous secoue comme peu savent le faire. Après La Religion, un thriller historique monumental, j’étais curieux de retrouver l’auteur dans un autre registre, et je n’ai pas été déçu.

    Ici, il change de décor, mais pas d’exigence. Nous sommes en Afrique du Sud, dans une société toujours marquée par l’ombre de l’apartheid : les riches, arrogants et intouchables, ne vivent que pour le profit, les pauvres, invisibles et sacrifiables, et au milieu, ceux qui tentent de survivre. Au milieu de ce chaos, un homme : Turner.
    Flic incorruptible, il va se heurter de plein fouet à cette hiérarchie implacable.

    Droiture morale, principes intangibles, et une capacité à plonger dans la violence la plus extrême quand la justice l’exige. Turner est un personnage fascinant, presque mythique. Tim Willocks le place au cœur d’un récit implacable, rythmé, où chaque mort pèse lourd et où la vengeance se mêle à la survie.

    Ce roman m’a happé par sa précision, son élégance, et cette écriture qui ne ménage jamais le lecteur. La traduction est impeccable, le rythme parfait, et l’histoire réserve une surprise de taille. C’est un coup de poing narratif autant qu’un bijou de construction.
    la vie d’un jeune fortuné vaut-elle plus que celle d’une jeune fille noire sans-abri ? Turner, lui, n’hésite pas une seconde. Sa réponse est absolue, glaciale, implacable. Quitte à embrasser l’extrême violence pour la faire respecter. Très cinématographique, haletant, le récit ne vous lâche jamais. On avance dans une Afrique du Sud rongée par la corruption, où la brutalité est devenue une monnaie courante, presque banale. Tim ne juge pas, il montre. Et c’est glaçant.

    La mort selon Turner est un roman hypnotique, épique, un drame haletant et dénonciation politique, porté par un souffle puissant et une tension constante.
    Un grand roman noir, un énorme coup de cœur.

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    Extraits :

    « La vision de Turner était pleine de petits points, floue par moments, ses globes oculaires trop petits pour leurs orbites. Un battement sourd martelait son crâne, remplacé par une douleur soudaine quand les pneus rencontraient une bosse. Il avait l’impression que son cerveau remuait à l’intérieur, faisant pression sur chacun de ses vaisseaux sanguins. La douleur avait empiré. Tout comme dans le reste de son corps, ses reins, sa colonne vertébrale, ses chevilles. Peut-être qu’il récupérait et que ses nerfs, en se réveillant, évaluaient l’étendue des dégâts. Peut-être qu’il avait bu trop d’eau… »

    « La fille semblait aussi morte que n’importe quel cadavre. Elle était noire, dans les quinze, seize ans, et allongée
    face contre terre, sa joue gauche reposant sur la terre craquelée du parking. Des mouches rampaient sur ses yeux et ses lèvres desséchées. Un hématome s’épanouissait sur sa pommette. Apparemment, elle ne respirait plus. Mais de meilleurs diagnosticiens que lui avaient déjà emballé des vivants dans des housses mortuaires, et il était le premier sur le terrain. Il fallait qu’il soit sûr.
    Il s’accroupit et, de ses doigts gantés, chercha une pulsation dans la carotide.
    Au bout d’un moment, il retira sa main. »

    « Turner conduisait sur la route déserte, revenant vers la ville. Ses yeux le piquaient. Son dos le lançait. Il ne s’était pas arrêté un instant depuis qu’il avait quitté le Cap. Il avait besoin d’un hôtel, d’une douche, d’un lit. Mais d’abord, il devait découvrir ce qu’Iminathi voulait et ce qu’elle était en mesure de lui fournir. »

    « – Vous ne connaissez pas cet homme. Moi, si. Il hait la police.
    Il méprise les flics. C’est pour ça qu’il en est devenu un.
    – Qu’est-ce que vous entendez par là ?
    – Son histoire n’a pas d’importance. En ce qui vous concerne, ce qui importe, c’est qu’il ne laissera personne enterrer cette affaire. Ni vous. Ni Mokoena. Ni moi. Plus maintenant.
    – C’est un psychopathe.
    – Un psychopathe n’a pas de conscience. Turner est tout le contraire. C’est sa conscience qui le mène. C’est bien là le problème. »

    « Il vivait seul depuis la mort de sa femme, une décennie plus tôt, et il en était arrivé à aimer ça. Il éprouvait du soulagement à l’idée de ne pas avoir à ajuster ses émotions sur celles de quelqu’un d’autre. De manger ce qu’il voulait, quand il voulait. De ne pas être dérangé. Il avait enfin trouvé du temps pour la musique et la solitude qu’elle exigeait si on voulait la comprendre de façon vraiment intime. Les plaisirs partagés étaient bel et bien bons, mais il avait appris que d’autres esprits faisaient obstacle. Ces deux dernières années, il s’était mis au défi d’entrer en relation avec les sonates pour piano de Beethoven. Le travail d’une vie, avait-il vite réalisé, mais mieux valait tard que jamais. »

    Tim Willocks est un romancier britannique né en 1957 à Stalybridge.
    Chirurgien et psychiatre de formation, il est également ceinture noire de karaté et grand amateur de poker.
    Son premier roman Bad City Blues, publié en 1991, est adapté au cinéma par Dennis Hopper. Il a, depuis, écrit plusieurs polars à succès dont Green River ou Les Rois écarlates, avant de se lancer dans une entreprise littéraire titanesque avec une série de romans historiques à la force romanesque époustouflante initiée avec La Religion puis Les Douze Enfants de Paris. Ces deux ouvrages mettent en scène le personnage inoubliable de Mathias Tannhauser, mercenaire lettré et apatride jeté au cœur des fracas du XVe siècle.
    Il est également l’auteur d’un roman jeunesse publié chez Syros, Doglands. Son dernier roman, La Mort selon Turner (2018) a remporté le Prix Le Point du Polar Européen, remis lors de la 15ème édition de Quais du Polar. Producteur et scénariste, l’écrivain a également travaillé avec Michael Mann, rédigé une vingtaine de scénarios, et co-écrit un documentaire avec Spielberg, The Unfinished Journey.