Drame, Folie, Thriller, Violence

Bloody Glove

de Bob Slasher
Broché – 26 mai 2016
Éditeur : L’atelier Mosésu

« Tous des enflures. Coupables désignés. Cibles idéales de ta colère. Pourquoi essayer de mourir alors que des salauds vivent ? Pourquoi se punir soi-même quand tant d’autres le méritent ? »
Cinéphile averti, révolté contre le monde, Fred a enfin trouvé sa voie. Elle sera aussi tarée que sanglante. Et rendra hommage au septième art, le vrai. Le grand. Celui qui tache.

Bloody Glove fait partie de ces livres que j’aurais pu ne jamais lire… et rien que d’y penser, ça m’a filé un frisson.
Tout commence par la couverture. Rouge, sanglante, frontale. Elle m’a immédiatement replongé dans mon univers VHS d’adolescent. Halloween, Vendredi 13, Les Griffes de la nuit. Et ce nom d’auteur, Bob Slasher… plus qu’un clin d’œil, un véritable coup de poing, un doigt d’honneur ? Mais non, je ne l’ai pas dit !

Je savais à quoi m’attendre. Une écriture sombre, glauque, brutale. Certains diront sordide. Moi, j’y vois une cohérence totale avec l’univers revendiqué. Ici, pas de dentelle ni de phrases policées. Si vous cherchez la délicatesse de métaphores fleuries et de proses parfumées, passez votre chemin, mais tant pis pour vous.
Slasher écrit comme il découpe : droit au but, sans anesthésie. Il s’amuse avec tous les codes du genre. C’est référencé à outrance, bourré d’allusions savoureuses, Freddy Krueger, bien sûr, mais aussi Les Tontons flingueurs, Le Père Noël est une ordure, Gainsbourg se transforme en Gainsbarre, et les répliques sentent bon le zinc et la mauvaise foi.

J’ai ri. Oui, vraiment. Jaune, évidemment. Ce livre est cru, direct, sans filtre. Ça cogne, ça grogne, ça dit les choses sans demander pardon. Polar, thriller, roman d’humour noir ? Un peu tout à la fois… et bien plus encore.

Derrière la violence, si l’on accepte de lire entre les lignes, se cache surtout la souffrance d’un homme. Fred Parmentier, écorché vif, abandonné par sa femme, vidé de toute joie. Je n’ai jamais cautionné sa vengeance, mais je l’ai comprise.
Dans l’ombre, il façonne un gant hérissé de lames, prolongement de sa rage. Et il passe à l’acte.

Bloody Glove est une boucherie stylisée, un hommage furieux et jubilatoire au cinéma d’horreur des années glorieuses. Une écriture brute, sèche, percutante, une explosion de mauvais goût parfaitement assumée.
Ça tranche. Ça claque. C’est sale. C’est drôle. C’est excessif et ça marque.

Pour sortir des sentiers battus ? Oui.
Mais attention… vous pourriez bien en redemander.

Merci Marc.

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Extraits :

« T’es qu’un con.
Voilà. C’est à peu près tout ce qu’on pourrait dire. Oh, bien sûr, on pourrait broder, délayer un peu comme les journaleux ou les scribouillards savent si bien faire, trouver des façons plus élégantes de dire que t’es un con, mais au final, hein…
Ci-git Frédéric Parmentier.
1977 – 2016
Citoyen aimable, gentil, discret, avenant, effacé.
Un con.
Qui aimait rendre service. Bon voisin et ami fidèle.
Un…
Compagnon aimant, un…
Loser. »

« Tu fredonnes.
Je suis venu te dire que je m’en vais…
Tu respires profond. Tu fixes l’intérieur de ton poignet gauche.
Y appliques la lame du couteau et tu tranches d’un coup sec.
Le sang gicle.
La douleur pulse. Tu fixes le sang qui se mêle à l’eau chaude. C’est beau. Arabesques rouges dans le liquide trans-parent. Mais tu te dépêches aussi, pour pas perdre le rythme.
Le couteau change de main. Tu grimaces. Putain, ça fait mal.
D’un autre coup sec, tu tranches l’autre poignet.
La lame dévie sur l’os. Grince. Le sang coule quand même.
Pour la jouer un brin poétique, tu regardes la vie en train de s’écouler par tes poignets béants, sinon en vérité ça pisse et ça fait mal, ouais putain. Ça pisse foutrement vite.
Mais l’eau chaude te soulage.
Tu fermes les yeux.
Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais… »

« Minuit, l’heure du crime…
Ton garage éclairé au néon. Le métal crie. Crache ses étincelles. T’y mets tout ton cœur et un paquet d’huile de coude, tu t’es jamais senti si vivant depuis des lustres. Des mois. Des années. Plutôt fier de toi, aussi. C’est pas le premier pékin venu qui pourrait inventer ce que toi, t’es en train d’inventer.
Concevoir ce que tu conçois. À la fois l’instrument de ta vengeance et un vibrant hommage au héros de ta jeunesse. »

« Tes yeux sont ouverts.
Dans l’obscurité de la nuit, de la chambre aux murs dépouillés – Tina est aussi partie avec la déco -, tu fixes le plafond que tu connais si bien. Pour l’avoir longtemps fixé. Ton sport national à une époque. Fixer ce foutu plafond et imaginer des choses… Horribles, de préférence. Visions de mort et de maladies. De solitude. Visions d’un bonheur impossible, car le malheur est partout. Il bouffe tout, attend son heure. Et à force de penser au pire, celui-ci finit par arriver… T’as déjà pensé à ça ? Au fait que ça puisse être ta faute ?
Non, bien sûr, toi tu blâmes les autres. Tu leur donnes à tous le mauvais rôle. Tu te réserves l’habit de lumière. T’es pas du genre à te remettre en question, comme type. »

Ni ange ni démon, Robert « Bob » Slasher n’est qu’un homme. Ce qui explique beaucoup de choses.
Enfant, il n’a pas torturé d’animaux mais toujours ressenti une attirance pour les films d’horreur. Le sang et l’angoisse. La catharsis de nos mauvaises pulsions. Après avoir hésité entre séminaire et armée, il choisit l’écriture. Par vocation et surtout refus de l’autorité, qu’elle soit divine ou militaire. Bob travaille seul. Il vivrait dans le nord de la France.

Bloody Glove est son premier roman.

Amour, Émotion, Drame, Folie, Thriller psychologique

Point de fuite

Estelle Tharreau
Broché – 6 novembre 2025
Éditions : Taurnada Éditions

Alors qu’une tempête se déchaîne, un criminel tente d’échapper à la police et à son complice. Une réceptionniste dépose une étrange valise dans une chambre d’hôtel où un petit garçon est enfermé. Une femme guette l’arrivée du père de son enfant, et un steward désespéré attend d’embarquer pour un vol ultime.
Tous approchent du point de non-retour qui fera basculer leur existence.

Un huis clos labyrinthique où l’amour et la mort se livrent une course-poursuite infernale dans les entrailles d’un aéroport pris dans un déluge de neige et de glace.

J’ai retrouvé avec un immense plaisir la plume d’Estelle Tharreau dans son dernier roman, Point de fuite. À chaque nouveau livre, elle me surprend, m’emmène ailleurs, me bouscule un peu plus. Ici, elle m’a emmené dans un huis clos comme je les aime. Glacé, tendu et terriblement humain.

Dès les premières pages, la tempête fait rage. Petit à petit les acteurs du roman approchent d’un point de non-retour, celui qui fait basculer une vie. L’aéroport devient alors bien plus qu’un simple décor. Sous la plume d’Estelle, il se transforme en monstre d’acier et de verre, une sorte de labyrinthe oppressant où la neige et la peur se mêlent, puis finalement en prison. J’ai adoré cette sensation d’étouffement, ce froid qui s’infiltre jusque dans les pages. On ressent chaque vibration, chaque silence.

J’ai lu ce roman, il y a quelques jours, un soir de grand vent, bien au chaud dans mon lit, et je me suis laissé happer par cette atmosphère glaciale. Je voyais presque les flocons tourbillonner derrière les vitres, j’entendais le grondement des avions. Et cette femme avec sa poussette dans l’aéroport… elle m’a bouleversé.

Ce que j’aime chez Estelle, c’est sa capacité à sonder l’âme humaine, à explorer les failles de chacun. Ses personnages sont toujours sur le fil, entre la peur et le courage, entre la fuite et la rédemption. Ici, ils se débattent dans la tempête, pris dans un engrenage implacable où chaque décision compte.

Le suspense est constant, la tension monte à chaque chapitre, et l’auteure maîtrise son intrigue d’une main de fer. Tout est millimétré, pensé, calibré pour que le lecteur ne puisse plus lâcher prise. C’est un thriller court, mais d’une intensité rare, où l’émotion et la peur se sont livrés une véritable bataille, même dans ma tête…

Point de fuite est un roman noir, nerveux, mais profondément humain.
Il questionne sur la survie, l’amour, la culpabilité, et ce qu’on est prêt à faire pour s’en sortir.
Elle prouve définitivement pour moi qu’elle n’a pas son pareil pour explorer toutes les zones d’ombre de l’âme humaine.

Un grand merci à Joël des Éditions Taurnada pour cette lecture qui m’a glacé le sang autant qu’elle m’a captivé

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Extraits :

« Comme une flèche étincelante tirée dans la nuit, la navette était propulsée à travers les tunnels ralliant l’aéroport. Lors de son déplacement, son souffle puissant s’accompagnait d’un grincement pénible. Le tumulte extérieur des wagons tranchait avec l’inertie intérieure dans laquelle les passagers étaient plongés. »

« Avant de pénétrer dans son gigantesque hangar, le responsable technique, au gilet orange à bandes réfléchissantes, ne put s’empêcher de contempler le ciel. Il savait que les dieux de la tour de contrôle auraient besoin de lui si le monstre météorologique ne déviait pas sa trajectoire et venait s’abattre sur l’aéroport. »

« Dans les halls de l’aérogare, dans les salles réservées au personnel navigant ou d’escale, à la réception, des hôtels, tout individu portant un uniforme s’affairait avec une sérénité étonnante. Dans ces lieux stratégiques, l’alerte avait également été transmise. Tout devait être prêt pour parer l’impact des bourrasques, des congères, du gel, mais surtout, des avions cloués au sol et de la déferlante de voyageurs harassés, anxieux, perdus, furieux qui constituerait, pour tous ces agents, une réplique tellurique de la secousse provoquée par la tempête. Malgré leur propre fatigue et inquiétude, c’est avec calme et diplomatie qu’ils devraient gérer cette submersion humaine. »

« Attends-moi le 13 décembre au terminal C. Je serai sur le vol ALB423. Je t’envoie ce billet pour que nous partions ensemble en espérant que le cessez-le-feu se poursuive et que les négociations de paix aboutissent. Si ce n’est pas le cas, je ne peux t’offrir qu’un pays en guerre, que je n’abandonnerai pas. Si tu ne souhaites pas courir ce risque, dis-le-moi par courrier. C’est le seul moyen de communication encore à peu près fiable. Je t’en prie, fais vite que je sache si je dois venir vous récupérer ou non. Si tu maintiens ta décision de me suivre, prépare-toi à tout quitter, à tout perdre jusqu’à la vie ou celle du bébé. »

Passionnée de littérature depuis l’adolescence, Estelle Tharreau parcourt les genres, les époques et les pays au fil des auteurs qu’elle rencontre. De cet amour de la littérature est née l’envie d’écrire. Elle vit actuellement en Franche-Comté où elle partage son temps entre sa famille et l’écriture.

La peine du Bourreau
https://leressentidejeanpaul.com/2020/10/01/la-peine-du-bourreau/

Les Eaux noires
https://leressentidejeanpaul.com/2021/10/05/les-eaux-noires/

Digital Way of Life
https://leressentidejeanpaul.com/2022/06/14/digital-way-of-life/

Il était une fois la guerre
https://leressentidejeanpaul.com/2022/11/01/il-etait-une-fois-la-guerre/

Le Dernier festin des vaincus
https://leressentidejeanpaul.com/2023/11/01/le-dernier-festin-des-vaincus/

L’Alpha & l’Oméga
https://leressentidejeanpaul.com/2024/11/07/lalpha-lomega/

Drame, Folie, Polar, Psychologie, Violence

Adieu

de Jacques Expert
Poche – 27 mars 2013
Éditeur : Sonatine éditions

2001, Châtenay-Malabry. Une mère, son fils et sa fille sont retrouvés assassinés à leur domicile. Le père est porté disparu. Est-il lui aussi victime ou bien coupable ? Les recherches s’organisent, sous la direction du commissaire Langelier. Un mois plus tard jour pour jour, c’est au tour d’une seconde famille, tout aussi ordinaire, d’être abattue dans des circonstances identiques. Là aussi le père est introuvable. Presse, politiques, police, les avis sont unanimes, un tueur en série est à l’œuvre. Seul Langelier s’entête à concentrer tous ses efforts sur la piste des pères, qu’il soupçonne d’être à l’origine des massacres. Devant son obstination et son manque de résultats, son supérieur, le commissaire Ferracci, est obligé de lui retirer l’affaire. Commence alors entre les deux hommes une guerre froide, chacun s’efforçant de démontrer sa propre vérité, qui ne prendra fin que dix ans plus tard avec la révélation d’une incroyable réalité.

J’ai lu Adieu de Jacques Expert d’une traite, en une seule soirée. Impossible de le lâcher. Les pages se tournaient d’elles-mêmes, portées par un suspense qui me tenait en haleine jusqu’au bout, jusqu’à un dénouement que je n’avais absolument pas vu venir.

Tout commence en 2001. Une famille est retrouvée massacrée. Le père, lui, a disparu. Un mois plus tard, jour pour jour, une autre famille subit le même sort. Cette fois encore, le père s’évapore. Le commissaire Hervé Langelier est dépêché sur l’affaire. Très vite, il s’accroche à une hypothèse, et si ce carnage portait la signature des pères eux-mêmes ? Mais son supérieur et ami, le commissaire Ferracci, le met en garde, le pousse à abandonner cette piste jugée absurde.

24 mars 2011. Le jour de son départ à la retraite, Langelier prend la parole. Au lieu d’un discours classique, il décide de revenir sur “son” enquête, celle qui a brisé sa carrière, celle qui l’a isolé et discrédité, mais qu’il n’a jamais pu abandonner. Dix ans d’obsession, dix ans de lutte, seul contre tous. Car pour lui, il n’y avait pas de doute, la vérité se cachait forcément derrière cette hypothèse dérangeante.

À mesure que je lisais, l’ambiance devenait de plus en plus lourde, presque suffocante. Des femmes, des enfants, des familles entières disparaissaient dans un climat d’horreur insoutenable. Quant à Langelier, je l’ai trouvé froid, dur, antipathique même… et pourtant, il était le seul à ne rien lâcher, le seul à oser affronter ce dossier maudit. Je n’avais pas le choix, il fallait que je le suive.

Jacques Expert orchestre cette intrigue d’une main de maître. Chaque fois que je croyais anticiper, il me prenait de vitesse. Chaque certitude volait en éclats. Et cette fin… quelle claque ! Brutale, inattendue, glaçante. Même si le récit comporte quelques longueurs, il s’impose largement au-dessus de la moyenne des polars que j’ai lus.

Avec Adieu, Jacques Expert m’a montré à quel point l’obsession d’un homme, sa folie ou peut-être son génie, pouvait le mener au bout du possible. Et moi, lecteur, je suis resté scotché, jusqu’au dernier mot.

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Extraits :

« Je n’aime pas beaucoup parler de moi, aussi je serai bref. En toute franchise, si, à cette heure, je me penchais sur mon cas (ce que je répugne à faire), je dirais que ma vie est très facile à résumer : flic, divorcé, comme beaucoup d’entre nous, et la retraite comme avenir immédiat.
Je m’appelle Hervé Langelier. Je suis né le 3 mars 1956 à Caen. Mes parents, René Langelier, serrurier, et Raymonde Génier, sans emploi, sont tous deux décédés.
J’ai un frère aîné, Michel, dont je suis sans nouvelles depuis longtemps.
Mon ex-femme s’appelle Stéphanie. Nous sommes séparés depuis huit ans et c’est beaucoup mieux comme cela. J’ai trois enfants. Ils sont grands, maintenant. Je ne les vois plus. »

« Les dossiers importants, ceux qui m’occupent depuis plus de dix ans, je ne tenais pas à les garder au commissariat: Je les conserve à l’abri de la curiosité des autres dans mon appartement du Plessis-Robinson.
Seul le chat noir se promène librement parmi eux. »

« Jamais autant qu’en ce 19 mai 2001 la tension n’a été aussi palpable dans les commissariats des Hauts-de-Seine. À lui seul, Jean-Louis Ferracci a mis une telle pression que la nervosité a fini par gagner tout le monde. Même les plus aguerris ont été touchés. »

Jacques Expert est un écrivain et journaliste français.
Il débute sa carrière professionnelle sur les ondes, à France Info et France Inter, stations pour lesquelles il couvre, pendant près de quinze ans, de nombreux faits divers qui vont inspirer l’écriture de ses premiers ouvrages.
Publié en 2007, La Femme du monstre résulte d’une longue enquête de terrain et lui vaudra d’être rapidement remarqué par la presse. Parallèlement il poursuit une carrière dans les médias, en occupant successivement les postes de directeur des magazines M6 puis de directeur des programmes de la chaîne Paris Première avant de prendre la direction des programmes de RTL en 2013.
Son roman, Ce soir je vais tuer l’assassin de mon fils, est adapté en téléfilm sur TF1 par Pierre Aknine en 2014. D’abord publiés aux éditions Anne Carrière, les romans de Jacques Expert paraissent chez Sonatine depuis Adieu (2012).

Folie, Polar, Suspense, Thriller, Violence

Carnets noirs

de Stephen King
Poche – 27 septembre 2017
Éditeur : Le Livre de Poche

En prenant sa retraite, John Rothstein a plongé dans le désespoir les millions de lecteurs des aventures de Jimmy Gold. Devenu fou de rage depuis la disparition de son héros favori, Morris Bellamy assassine le vieil écrivain pour s’emparer de sa fortune et, surtout, de ses précieux carnets de notes. Le bonheur dans le crime ? C’était compter sans les mauvais tours du destin… et la perspicacité du détective Bill Hodges.
Trente ans après Misery, Stephen King renoue avec l’un de ses thèmes de prédilection : l’obsession d’un fan. Dans ce formidable roman noir, où l’on retrouve les protagonistes de Mr Mercedes (prix Edgar 2015), il rend un superbe hommage au pouvoir de la fiction, capable de susciter chez le lecteur le meilleur… comme le pire.

Un suspense de très haut niveau et une intrigue au déroulé parfait qui vont faire passer au lecteur de belles nuits blanches.
Renaud Baronian, Le Parisien.

Stephen King nous a concocté une très bonne suite pour Mr Mercedes, mais ce roman est bien plus que ça…
Vous pouvez le lire indépendamment du premier, mais je conseillerai quand même la lecture de Mr Mercedes pour commencer.
J’ai retrouvé avec plaisir Bill Hodges et ses compagnons, mais c’est surtout Morris Bellamy qui s’impose ici, un personnage aussi fascinant que détestable, prisonnier de son obsession pour un écrivain et ses carnets. J’ai suivi son délire avec intérêt, parfois avec effroi, même si j’ai pu comprendre sa colère, mais j’étais surtout pressé de connaître la fin. Je me souviens de Misery, et de cette fan qui kidnappe son auteur préféré, Stephen King se sert encore de son thème de prédilection : L’obsession d’un fan.

L’intrigue est menée de main de maître, je n’en doutais même pas, alternant entre tension extrême et pur plaisir de lecture. Pete, ce jeune garçon qui découvre une malle pleine de billets et de carnets de notes, m’a profondément ému. J’ai tremblé pour lui, pour sa sœur aussi, et j’ai adoré la manière dont l’auteur les met au cœur d’une histoire qui dépasse leur monde.

Difficile de lâcher ce roman !
Fluide, détaillé, parfois un peu trop (comme toujours avec King), il m’a happé dès les premières pages. Les digressions qui font parfois lever les yeux au ciel sont compensées par une montée en tension incroyable et un final asphyxiant, particulièrement réussi. J’ai dévoré le roman en quelques heure seulement !

Stephen King n’oublie pas sa mission.
Distraire, captiver et surprendre ses lecteurs. Carnets noirs est à la fois un hommage aux grands auteurs américains et une réflexion sur le pouvoir de la fiction, sur ce que l’obsession peut déclencher. Ce n’est pas son plus grand roman, mais il reste lecture marquante, intelligente et captivante.
Le “King” arrive encore et toujours à me surprendre, il m’émeut aussi… il détient AD VITAM, le pouvoir suprême de la fiction.

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Extraits :

« “Hé, le génie, on s’réveille.”
Rothstein ne voulait pas se réveiller. Son rêve était trop bien. Il y avait sa première épouse, des mois avant qu’elle devienne sa première épouse : dix-sept ans, parfaite de la tête aux pieds. Nue, corps scintillant. Nus tous les deux. Lui, dix-neuf ans, du cambouis sous les ongles, mais elle s’en balançait, du moins à l’époque, parce qu’il avait la tête pleine de rêves et que c’était ça qui comptait pour elle. Elle croyait à ces rêves bien plus que lui, et elle avait raison d’y croire. Dans ce rêve, elle riait en essayant d’attraper la partie de lui la plus facile à attraper.

Il chercha à s’enfoncer plus profondément dans son rêve mais une main se mit à lui secouer l’épaule et le rêve éclata comme une bulle de savon. »

« “Vous êtes un imbécile”, dit Rothstein. Tout à coup, il éprouvait une sorte d’extase. “Vous vous croyez plus intelligent que les deux autres, mais vous l’êtes pas. Eux au moins comprennent que l’argent, ça se dépense.” Il se pencha en avant, fixant du regard ce visage pâle éclaboussé de taches de rousseur.
– Tu sais quoi, gamin ? C’est les types comme toi qui font une mauvaise réputation à la lecture.
– Dernier avertissement, dit Morrie.
– J’emmerde tes avertissements. Et j’emmerde ta mère. Flingue-moi ou dégage de chez moi.
Morris Bellamy le flingua. »

« Morris attrapa une couverture sur l’étagère du haut dans le placard de la chambre et en couvrit Rothstein, maintenant affalé en biais dans le fauteuil, le sommet du crâne en moins. La cervelle qui avait conçu Jimmy Gold, sa sœur Emma, leurs parents narcissiques et semi-alcooliques – tellement semblables à ceux de Morris – séchait maintenant sur le papier peint. C’était pas un choc pour Morris, pas exactement, mais c’était assurément une surprise. Il s’attendait à du sang, et un trou entre les yeux, mais pas à cette expectoration écœurante de cartilage et d’os. Manque d’imagination, supposa-t-il, la raison pour laquelle il pouvait lire les géants de la littérature américaine contemporaine – les lire et les apprécier – mais n’en serait jamais un. »

« Les parents de Pete Saubers se disputaient beaucoup maintenant. Tina appelait ces disputes les ouafis-ouafis. Pete trouvait que sa petite sœur avait de l’idée, parce que ça donnait exactement ça quand ils s’y mettaient : ouaf-ouaf, ouaf-ouaf-ouaf. Des fois, Pete avait envie de s’avancer sur le palier, en haut de l’escalier, et de leur hurler d’arrêter, bon sang, d’arrêter. Vous faites peur aux enfants, il avait envie de gueuler. Y a des enfants dans cette maison, des enfants, vous l’avez oublié, bande de patates ? »

Stephen King a écrit plus de 60 romans, autant de best-sellers, et plus de 200 nouvelles. Couronné de nombreux prix littéraires, il est devenu un mythe vivant de la littérature américaine (médaille de la National Book Foundation en 2003 pour sa contribution aux lettres américaines, Grand Master Award en 2007 pour l’ensemble de son œuvre).
En février 2018, il a reçu un PEN award d’honneur pour service rendu à la littérature et pour son engagement pour la liberté d’expression.

Émotion, Drame, Folie, Frisson horreur, Psychologie, Violence

Broyé

de Cédric Cham
Broché – 15 mai 2019
Éditeur : Jigal

Christo porte dans sa chair les stigmates d’une enfance extrêmement violente. Christo lutte pour contenir cette rage qui bouillonne en lui… Jusqu’au jour où son regard croise celui de Salomé, une jeune femme qui va l’accompagner au-delà des cicatrices. Christo va faire ce qu’il pensait impossible jusqu’alors. Lâcher prise ! Au risque de ne plus rien maîtriser… Mathias, enfant, fugue pour éviter les coups, espérant un monde meilleur. Mathias se réveille enfermé dans une cage. Abandonné, désespéré, la peur au ventre, seul ! Jusqu’à ce que son geôlier se dévoile, un homme qui lui annonce qu’il va le dresser. Pour survivre, pour vivre, Mathias va faire ce qu’il pensait impossible jusqu’alors ! Au risque de se perdre à tout jamais. Deux êtres. Deux vies. Peut-être pas si éloignées…

J’ai découvert l’écriture de Cédric Cham avec Le fruit de mes entrailles !
J’ai été bousculé et j’en ai pris plein yeux…

Avec Broyé, je suis ressorti de ma lecture complètement sonné.
Dès les premières pages, j’ai su que ce roman allait me plonger dans quelque chose de viscéral, d’indicible. Broyé porte bien son nom, j’ai eu l’impression d’être happé dans une spirale de noirceur, sans répit, sans issue. Et pourtant, impossible de lâcher prise…

C’est une double trajectoire que nous offre Cédric. Celle de Mathias, adolescent en cavale, arraché brutalement à sa liberté pour se retrouver dans une cage, littéralement. Enfermé, humilié, brisé.
Celle de Christo, homme meurtri, taiseux, marginal, hanté par une violence sourde. Deux êtres abîmés, que la vie n’a pas épargnés, deux parcours qui finiront forcément par se croiser.

J’ai été glacé par la précision de l’écriture, sans fioriture. Cédric n’enrobe rien, il livre la douleur telle qu’elle est, brute, nue. Chaque phrase m’a coupé le souffle. Chaque scène m’a confronté à ce que l’humanité peut avoir de plus sombre, mais aussi parfois de plus fragile. J’ai eu peur pour Mathias, mais j’ai surtout voulu tendre la main à Christo. Et j’ai serré les dents, longtemps, en voyant ce qu’ils enduraient.
Ce roman, c’est une claque. Une immersion dans l’enfer d’une vie volée, d’une reconstruction incertaine. Un roman où la tension est constante, où le moindre silence résonne comme une menace. Un roman dur, mais nécessaire.

J’ai failli me perdre dans ce thriller… Et cette fin qui m’a cueilli en plein cœur. Je ne l’ai pas vue venir du tout, et elle m’a laissé muet, scotché.
Broyé n’est vraiment pas un thriller comme les autres. C’est un cri, un hurlement, que dis-je, un vertige !
Cédric est allé beaucoup plus loin dans ce roman… je sais que je ne l’oublierai pas de sitôt.

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Extraits :

« Ses jambes peinaient au soutien. L’épuisement lui tétanisait les muscles.
Son souffle était erratique.
Presque une heure qu’il courait. Une heure qu’il avançait, persuadé qu’au moindre arrêt, il le rattraperait.
Alors, il courait, il fonçait… »

« Tant qu’il se maîtrise, il reste en vie.
Tant qu’il se maîtrise, il ne fait de mal à personne.
La plupart des gens sont remplis de souvenirs d’instants heureux, avec papa ou maman. Un matin de Noël, un moment de complicité, des vacances, des éclats de rire…
Christo n’a pratiquement aucun souvenir. Comme si sa vie se résumait à une succession de trous noirs.
Même s’il a de plus en plus de mal à distinguer les bribes du passé des histoires qu’il se raconte, il y a un souvenir qui lui revient régulièrement en tête.
La baignoire. »

« Oui, Christo préférait lorsque « Lui » était là. Même s’ils s’y mettaient à deux pour le castagner au-dessus de la baignoire. Au moins, il n’était pas obligé de prendre sa place au lit. Ça lui était tombé dessus comme une cocotte d’eau bouillante en pleine gueule. Et ce n’est pas qu’une façon de parler. Il suffit de jeter un coup d’œil à son épaule gauche et à la drôle de consistance qu’a conservée sa peau. Plus les mois ont passé, plus les simples caresses sont devenues des trucs dégoûtants. »

« Une migraine cognait fort dans sa tête. Son nez encombré le faisait suffoquer à moitié.
Des pensées embrumées dissoutes sous son crâne. Il n’avait plus de prise sur rien.
Mathias.
Son prénom ?
Oui… Son prénom…
Oui… Il était Mathias.
Cette simple certitude fut comme un coup d’aiguillon. Une victoire qui lui redonnait un peu d’espoir.
Au prix d’un nouvel effort, il réussit à faire pivoter sa tête. Son nez frotta l’acier de la cage.
Il referma ensuite sa main gauche sur un des barreaux, pour s’aider à se relever. »

« Pêche lui envoie un clin d’œil, à moins qu’elle ne chasse une poussière, et tourne les talons.
Ringo se redresse, la suit du regard, comme s’il était déçu qu’elle s’en aille.
Christo, lui, sourit. Un sourire. Fragile. Prêt à casser. Cela fait tellement longtemps que les muscles de son visage lui font mal.
Malgré tout, ça fait du bien de sourire. »

Cédric Cham, né en 1978, est originaire de la région Rhône-Alpes. Le jour, il travaille au sein de l’Administration pénitentiaire française, la nuit, il écrit des polars. Dès son plus jeune âge, la lecture est devenue une “addiction”. Impossible de passer plus de vingt-quatre heures sans sentir le papier sous ses doigts… Et tout naturellement, à force de dévorer les romans des autres, il en est venu à écrire ses propres histoires. Cédric Cham aime les récits sombres et réalistes. Pourquoi ? Parce que d’après lui, le noir reflète parfaitement notre société actuelle… Ce qui se passe au coin d’une rue oubliée, derrière une porte close, de l’autre côté de la ligne blanche… Ces endroits où la réalité dépasse trop souvent la fiction !

Émotion, Drame, Folie, Polar

Memento vivere

de Ismaël Lemonnier
Broché – 12 juin 2025
Éditeur : Taurnada éditions

Vitry-sur-Seine. Un bébé est retrouvé mort dans la cuvette des toilettes d’un bar sordide.
Lucien, un flic psychorigide et proche de la retraite, et Anaïs, dernière recrue au look provocateur et au comportement borderline, sont appelés sur cette scène de crime pour le moins singulière, le genre d’affaire que personne ne convoite.
Découvrant que le foetus a été génétiquement modifié, les deux enquêteurs devront mettre de côté leurs différends et plonger dans les abysses de la folie humaine.
En parallèle, un individu sème la terreur dans la ville avec son chien-loup en laissant derrière lui des cadavres.
Et si les deux affaires étaient liées ?
Et si la vérité était au-delà du supportable ?
Une enquête qui, très vite, va se transformer en compte à rebours.

Je viens de refermer Memento Vivere d’Ismaël Lemonnier, et je suis encore sous le choc.

Tout d’abord, un grand merci à Joël des éditions Taurnada pour ce service presse qui m’a complètement embarqué. Dès les premières pages, j’ai senti que ce thriller allait me happer – et je ne me suis pas trompé.

Tout commence par la découverte d’un nouveau-né sans vie, abandonné dans les toilettes d’un bar miteux de Vitry-sur-Seine. Rien que ça, c’est déjà glaçant. Mais l’autopsie révèle un détail encore plus troublant, l’enfant a été génétiquement modifié.
En parallèle, un mystérieux tueur, très jeune à priori, sème la terreur, accompagné d’un chien-loup terrifiant. Deux affaires en apparence distinctes qui vont peu à peu converger vers une vérité aussi dérangeante que fascinante.

Au cœur de l’enquête, un duo détonnant. Lucien, un flic psychorigide de 60 ans, mis au placard à l’approche de la retraite, et Anaïs, jeune enquêtrice punk, sans filtre, boulimique, look ravageur et tempérament volcanique. Rien ne les prédestinait à bosser ensemble… et pourtant, leur tandem fonctionne. Leurs joutes verbales m’ont arraché quelques sourires et même des sursauts de rires, leurs blessures m’ont ému. J’ai eu régulièrement l’impression d’être dans la tête de Lucien durant ma lecture… Un vrai plaisir.

L’écriture est fluide, tendue, très rythmée. L’auteur dose parfaitement tension dramatique, rebondissements et clins d’œil culturels – notamment aux années 80, que Lucien essaie désespérément de faire apprécier à sa partenaire. J’ai trouvé le fond de l’intrigue – manipulation génétique, dérives scientifiques, déshumanisation – à la fois très actuel et effrayant.

Avec ce roman, j’ai été tenu en haleine jusqu’au bout, jusqu’à cette fin explosive digne d’un très bon polar comme je peux les imaginer à l’écran.
J’espère vraiment retrouver Anaïs et Lucien dans de prochaines enquêtes. Un vrai coup de cœur.
Bravo Ismaël !

Décidément, les Éditions Taurnada ne cesseront jamais de me surprendre…

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Extraits :

« La porte claqua sèchement derrière lui. Effrayé, il se redressa d’un coup sur sa chaise, encore essoufflé par ses propres hurlements. Tous ses sens en alerte, il tendit l’oreille dans l’obscurité de cette minuscule pièce qu’était son salon. Pas un bruit. Il essaya en vain de se débattre, les dents serrées à en faire éclater l’émail.
Entravé par des liens solidement attachés aux poignets et aux chevilles, il redoutait le pire. Les larmes l’aveu-glaient. Les souvenirs le submergeaient.
“Par pitié ! Qu’est-ce que vous me voulez ?”
»

« Je vais tout te dire, OK. Je vais me “confesser” comme tu le dis si bien. J’ai peut-être déconné avec Samira, mais ça ne se reproduira plus jamais, je te le promets ! »
Le gamin inséra une nouvelle cartouche, dans l’indifférence la plus totale.
« Je l’ai violée, je l’avoue. Voilà, c’est dit ! Je t’en supplie, je ne recommencerai plus. J’ai bien compris la leçon. Dis-lui que je m’excuse. Pitié ! Pitié ! »

« L’homme tatoué sur une majeure partie du visage poursuivit ses tâches puis, au bout d’une minute, daigna quitter ses fonctions pour les conduire sur les lieux de la macabre découverte en traînant des pieds.
Ce dernier détail, pourtant insignifiant, exaspéra Lucien dans son for intérieur. De nos jours, les gens ne manifestaient plus que de l’ennui et une indifférence la plus totale envers son prochain.
Une foutue génération nombriliste où tout n’est que corvée. »

« Anaïs passa sa tête sur le côté pour examiner à son tour la scène. Ils se regardèrent brièvement sans rien dire avant de reporter leur attention sur le fœtus. La jeune policière devint blême, la main sur la bouche.
Son côté dur à cuire se fissurait, craquelait légèrement à l’instar de son vernis. Au moment où ils s’apprêtaient à sortir, un détail les figea sur place : les lèvres du fœtus venaient de bouger. »

Breton d’origine et fier de ses racines, Ismaël Lemonnier travaille aujourd’hui à Paris, dans le monde de la finance mais poursuivi par l’envie d’écrire et par le puits sans fond qu’est son imaginaire, l’auteur craint d’être fou, comme le pense son entourage.

Passionné depuis l’enfance par la lecture et par l’écriture, il a baigné très tôt dans l’univers de Stephen King, et dans la mythologie. Il se passionne pour le monde de la police judiciaire et tous ses rouages, l’Histoire et les faits divers. Tout ce qui l’entoure est source d’inspiration, qu’il combine à son imagination.

Il est l’auteur du roman Le cinquième gardien, paru chez Marathon Editions.

Memento vivere est son troisième roman.

Drame, Folie, Polar, Violence

VICES Épisode 04 : Kuyashii

de Gipsy Paladini
Broché – 14 mars 2019
Éditions : Auto-éditions

« N’avez-vous pas envie de courses-poursuites, de coups de pied dans les burnes, de pétage de rotules et de balles dans la tête ? La barrière entre l’humain et la bête sauvage est mince ; certains prétendent qu’elle est dans la tête. Ce sont les lois et la moralité qui l’ont imposée. Imaginez si vous réalisiez qu’elle n’existe pas. »

Une boîte de Tic-Tac. Un gamin qui tripe en plein cours. Des dessins d’ombres sans tête. Un individu surnommé Candyman. Des écailles de crocodile.Pas facile d’assembler les pièces du puzzle quand son équipe est en phase d’éclatement : Zolan ne se remet pas de la réaction de Marie, Bia part en vrille, le commandant est tourmenté par un garçon affreusement mutilé. Vin le sent : quelque chose ne tourne pas rond à la BJV.Les masques se fissurent.Les démons se réveillent.Le temps semble venu à certaines vérités d’être révélées.

VICES est une série littéraire de 8 « épisodes » dont les deux premiers ont été réunis en un ouvrage édité aux éditions Fleuve Noir. On y suit les destins mêlés des membres de la brigade des jeunes victimes confrontés aux maux de notre société moderne.

Chroniquer ce quatrième épisode de Vices de Gipsy Paladini, Kuyashii, c’est comme sortir d’un cauchemar dont j’ai eu du mal à m’éveiller. J’ai voulu ralentir, savourer… mais rien à faire, j’ai été happé, englouti par cette intrigue noire, viscérale, qui dévore de l’intérieur. Zolan, Marie, Sophie… tous les visages de cette série gagnent encore en intensité. Ils ne sont plus seulement crédibles, ils sont devenus nécessaires.

L’écriture est fluide, plus maîtrisée. Certains passages qui évoquent notre société m’ont frappé par leur justesse froide, presque clinique. Sans moralisation, mais profondément troublants. L’univers est brutal, impitoyable, et pourtant on y revient, encore et encore.

J’ai retrouvé les points forts “Paladini”, les personnages charismatiques, profondément humains, le style dense, littéraire, parfois trop dans les dialogues (mais bon…) et ce monde noir, d’un noir permanent. C’est étrange car même lorsque qu’il fait jour, j’ai toujours cette impression que tout est sombre. J’ignore si c’est dû à la première couverture ou à quelque magie obscure.
L’enquête démarre sur une scène presque banale “un enfant de 8 ans drogué” à base de sucreries modifiées et la toute la BJV qui longe dans les bas-fonds d’un monde parallèle, peuplé d’âmes perdues. Mais ce ne sont pas seulement les criminels qui s’effondrent, c’est l’équipe elle-même qui se fissure. Les silences, les jalousies, plusieurs blessures anciennes remontent à la surface. Ce n’est plus une simple enquête, c’est une descente aux enfers. J’ai fini ma lecture et je ne sais pas encore qui en ressortira vivant…

J’attends la suite avec impatience… et appréhension.

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Extraits :

« Finalement, entre ses jambes flageolantes, tachées de sang et d’excréments, la chose naît. La panique cloue Marie au lit quand elle voit s’agiter un corps potelé de nourrisson, la peau bleue et sans tête. À la place de celle-ci : un sac de toile. »

« — Vous auriez pu grièvement le bénir.
— Mon pote Grey Goose et moi, quand on est en fusion, sur rigole pas.
— Il est en RTT d’une semaine. C’est un manque à gagner.
— Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il doit bien y avoir une connerie dans la Bible, qui dit : si t’emmerdes ton prochain, attend-toi à ce que ça te retombe sur la gueule. »

« On stimule trop la compétitivité entre les enfants… tout le monde parle de paix, mais personne n’éduque à la paix. Les enfants sont éduqués à la concurrence, et la concurrence est la première étape vers la guerre »

« — C’est à toi ?
Rendez-les-moi ! s’égosille-t-il en lui griffant les Poignets.
Surprise par l’agression, elle perd l’équilibre et se rattrape de justesse au bras de l’adolescent. Une matière rugueuse se matérialise sous sa paume. Elle soulève le pull et découvre sur son avant-bras un trou de la taille d’une pièce de deux centimes entourée d’une épaisse croûte verdâtre formée d’écailles.
— Bon Dieu ! lâche-t-elle. Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Née dans l’est de la France, Gipsy Paladini rêve très tôt d’aventures.

Elle commence dès seize ans à découvrir le monde et voyage de l’Autriche à l’Italie en passant par la Turquie ou encore l’ex-Yougoslavie. Enfin, elle se rend à San Francisco où elle séjourne pendant plusieurs mois dans une auberge de jeunesse miteuse, au milieu de dealers et de toxicomanes.

À dix-neuf ans, elle part en Autriche où elle partage pendant deux ans la vie de la population immigrée yougoslave. Puis elle s’installe à Los Angeles où elle rencontre son mari, un ancien membre des forces brésiliennes. Elle n’a de cesse, ensuite, de parcourir le monde à la rencontre des populations défavorisées. Elle est depuis peu revenue habiter à Paris, avec époux et enfant. Jeune, dynamique, polyglotte (elle parle 6 langues dont 4 couramment), Gipsy Paladini a déjà publié le remarqué « Sang pour sang » en 2010 aux éditions Transit. Elle souhaite faire du flic Al Seriani un personnage récurrent.

Drame, Folie, Thriller, Thriller psychologique, Violence

Papillon de nuit

de David Belo
Broché – 15 mai 2025
Éditeur : Éditions Taurnada

Tiffany Malcom, photographe, travaille occasionnellement pour la mairie d’Opatoma. Alors qu’elle couvre la fête annuelle en l’honneur du père fondateur de la ville, Lily, sa fille de 7 ans, disparaît.
Depuis ce jour, inconsolable, c’est une lente agonie pour la jeune femme, entre drogues en tout genre et scarifications…
Lorsque son dealer lui propose une nouvelle substance, Tiffany n’hésite pas longtemps. Durant son trip, elle se retrouve propulsée dans les années 1800, où sévit un redoutable et mystérieux kidnappeur d’enfants… Aussi improbable que cela puisse paraître, la photographe est peu à peu persuadée qu’il s’agit de l’homme qui a enlevé sa fille !
Mais où se trouve la frontière entre hallucination et réalité ? Comment démêler le vrai du faux sans perdre la raison ?…

J’ai découvert l’écriture de David Belo, il y a un an, avec Mon ami Charly. Depuis, quelque chose de son style me poursuit. Une voix singulière, radicalement étrangère à ce que j’avais pu lire jusque-là dans ce registre. Papillon de nuit n’a fait que renforcer cette impression, une claque douce-amère, dérangeante, mais tellement magnétique.

Tiffany Malcom, l’héroïne, une femme brisée qui n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis la disparition de sa fille. Elle sombre dans la drogue, elle dérive, se mutile, s’anesthésie, mais s’acharne à survivre. Jusqu’au jour où un dealer lui propose une drogue inédite, et dès la première prise, elle se retrouve projetée dans un autre siècle, quelque part dans les années 1800. Là, elle croise un homme inquiétant affublé d’un chapeau tricorne et… de six doigts. Sa présence seule est un malaise. Puis, c’est le retour brutal à son époque. Ses voyages se répètent. Et peu à peu, une certitude s’impose. Cet homme est forcément lié aux enlèvements d’enfants, dans le passé comme dans le présent. Alors elle tente l’impossible : l’arrêter, peu importe le siècle.

Roman sombre, viscéral, souvent trash, Papillon de nuit n’épargne rien. Il m’a captivé. Ce qui pourrait être insupportable devient une expérience de lecture saisissante grâce à la plume de David, qui manie le chaos avec une précision presque chirurgicale. Il m’a plongé dans les rues angoissantes d’Opatoma, cette ville fictive aux contours concentriques, mi-cauchemar gothique, mi-reflet du réel, quelque part sur la côte Est des États-Unis. Là, le passé et le présent s’entrelacent jusqu’à nous perdre.

Ce que j’ai aimé, au-delà de l’intrigue, c’est cette immersion totale dans l’esprit de Tiffany, avec ses fêlures, ses résistances, sa lucidité vacillante. Et puis cette galerie de personnages… tantôt touchants, tantôt glaçants, souvent les deux à la fois. David a décidément un univers bien à lui. Pour qui aime se perdre dans des récits où le fantastique ronge malheureusement la réalité, voire même l’actualité toute récente, celle que l’on doit regarder bien en face, que l’on doit à tout prix éradiquer. Papillon de nuit est une invitation troublante, un rappel à l’ordre… inoubliable.
Alors, « Adieu ! petit papillon.

Merci aux éditions Taurnada pour ce voyage sans retour garanti.
Un vrai frisson pour tous les amateurs du genre.
Remerciement aussi à mon ami Marc Schaub pour son talent photographique, qui a inspiré le visuel d’introduction de mon Ressenti…

D’ailleurs, je vous invite à jeter un coup d’œil sur sa page : https://www.facebook.com/profile.php?id=100013440751787&sk=photos_by&locale=fr_FR
Vous allez prendre des “rêves” plein la tête !

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Extraits :

« Il m’eut fallu un courage inébranlable pour ouvrir les yeux, affronter et délier ce sac de nœuds. Car il en allait de ma responsabilité, la population avait foi en moi.
La Jouivénile devait être éradiquée… de toute urgence.

Je suis John MacDugall.
Je suis l’alpha et l’oméga.
Je suis la mémoire.
Je suis le Jugement dernier.
Je suis inéluctable.
Je suis OPATOMA.

Extrait du livre rouge. »

« Malgré un visage très amaigri et blanc à faire peur, à cause de la dépression, David était un vrai gentil. Le genre de personne sur qui on pouvait compter, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours prêt à rendre service, le gendre idéal en somme… jusqu’à aujourd’hui.
L’annonce de son obsolescence programmée avait éveillé cette noirceur dormant au fond de ses entrailles.
Et la petite voix, « Jiminy », était entrée en scène. »

« Tiffany sortit de la douche à peine vêtue. Sur une musique des Doors, elle l’aguicha avec sensualité, et David ne se fit pas prier. Envoyant valser toutes retenues, il l’enlaça de ses gestes bestiaux et la plaqua contre la verrière.
Fesses nues en contact avec la vitre glacée.
Peaux moites.
Respirations saccadées.
Excitations au paroxysme. »

« Boom / Boom ! Boom !
Éjectée de son propre corps, une projection astrale, détachée de sa chair, de son sang.
Comme aspirée par un trou noir, l’âme de Tiffany fut arrachée à ses entrailles et renvoyée à son époque.
Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais réveiller un somnambule, le sortir de sa transe, du cauchemar ?…
L’extirper de sa petite mort ?
Boom ! Boom !
Ça cogne à la porte. »

David Belo est un peintre et décorateur en bâtiments depuis 1997… il est aujourd’hui artisan Spécialiste en décoration, entreprise BeloDeco (ancienne technique décorative : patine, imitation bois, imitation marbre, fresques etc…. )

Il a commencé la peinture sur tableau en janvier 2017. La passion du métier ainsi que ses connaissances lui permettent une bonne évolution dans le domaine de l’art. Peinture et photographie sont naturellement devenues sa façon de penser… vivre… Ses toiles sont réalisées avec des peintures de bâtiment, il joue avec les matières et les transparences de glacis à l’ancienne. (huile de lin – térébentine – pigments en poudre)

Il vit et travaille à Mogneville (France).

Passionné de films d’horreur, thrillers et adepte des livres audio, c’est à son tour d’inviter les lecteurs à frissonner au rythme de ses mots.

  • Auto-édition du recueil photographique des tableaux d’auteurs Portraits & mots d’écrivains (2020).
  • Représentation du tableau “Il était deux fois” de Franck THILLIEZ (2021), publié dans la version poche.
  • Mourir gentiment (2021), novella au format switch, Publié par Hugo Publishing sur Nextory.
  • OPATOMA, le fleuve aux mille morts (2023), aux éditions LBS, diffusion Dilisco, groupe Albin Michel. Parrainé et Bandeau sur couverture par Claire Favan, auteure.
  • Le monde part en vrille (2023), Nouvelle au format numérique aux éditions Taurnada.
    https://leressentidejeanpaul.com/2024/05/17/le-monde-part-en-vrille/
  • MON AMI CHARLY (2024), édition Taurnada.
    https://leressentidejeanpaul.com/2024/05/15/mon-ami-charly/
Drame, Folie, Polar, Thriller

Asphalte

de Pascal Alliot
Broché – Avril 2025
Éditeur : Hugo Stern

Sophie Debreuil se voit dépositaire d’un bon de sortie. Trois mois, voire un peu plus, qu’elle croupit là, dans ce lieu aseptisé dans lequel tout est dédié au sommeil et à l’oubli à tout prix. Le repos pour ne pas sombrer dans les couloirs désastreux des souvenirs tenaces, ceux-là mêmes qui vous pourrissent le cours désuet de votre désuète existence. Une chape de plomb scellée à vos pieds et vous entraînant irrémédiablement vers les profondeurs noires et inquiétantes, même troublantes, d’un lac dans lequel on vous a jeté, sans préavis, par volonté de vous tuer l’âme. Une histoire sordide de lande désagrégée, de tueur machiavélique et Darius Maloberti, un prêcheur délirant, la placent dans une sorte de coma passif. Dormir pour oublier, oublier que l’on dort. Un chaînon embarquant l’autre dans une histoire, celle de la douleur intérieure, la cicatrice pas réellement fermée d’une chute vers les bas-fonds d’un monde en fusion. Celle de son équilibre sur cette terre de cendres.

J’ai terminé le dernier roman de Pascal Alliot, que j’ai lu d’une traite, cette nuit avec le souffle court, comme si la noirceur du récit s’était lentement infiltrée en moi. Cela faisait longtemps qu’un polar ne m’avait autant secoué. Pascal signe ici un roman puissant, où l’ambition narrative rivalise avec la précision chirurgicale du style.

L’histoire se déroule dans une grande ville portuaire du sud de la France, jamais nommée, mais si bien décrite qu’on en devine chaque recoin. Cette ville, l’auteur la connaît intimement, et cela se sent. Elle devient un personnage à part entière, gangrenée par la violence, les trafics, les tensions sociales et la corruption. Une ville étouffante, écrasée de soleil et plus encore par la rage.

Au cœur de cette fresque urbaine, j’ai suivi de très près Sophie Debreuil, commandant de police, une femme forte et plus encore, et son adjoint Davos, son pilier, dans une enquête qui dépasse très vite les codes du polar pour glisser vers le thriller politique et social. Corruption, extrémisme, dérives du pouvoir… Tout y passe, sans jugement, dans un récit où le mal n’a pas toujours le visage que l’on croit.

Ce qui m’a beaucoup plu, c’est l’évolution du style de Pascal. Sa plume, que je connaissais déjà acérée, gagne ici en profondeur. Il alterne les flashbacks, les scènes d’actions nerveuses et les instants de réflexion, sans jamais perdre le rythme. Un vrai tour de force.

Asphalte n’est pas qu’un roman noir, c’est un uppercut littéraire. C’est un miroir brisé qui reflète le prisme de notre époque, c’est une plongée brutale dans les profondeurs d’un monde en chute libre, une œuvre qui dérangera peut-être certains lecteurs.
Vous pourrez essayer de l’oublier… mais vous n’y parviendrez pas !
Certains passages particulièrement captivant une fois lus et visualisés ne s’effaceront plus jamais…

Un polar à part, unique, très loin de tout ce que j’ai pu lire jusqu’à présent.
J’oserais même dire, “un POLAR version 3.0” !

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Extraits :

« Soleil de plomb arrivé bien trop tôt pour la saison. Qui a pris, une fois encore, tout le monde à court. Chaleur étouffante qui vous emporte sans crier gare vers une sorte d’agonie lascive.
Au loin, des bruits de pneus fracassant la gomme contre le bitume, et puis un coup de feu suivi de trois autres. Comme souvent par ici. Un jeune mec, une balle en pleine tête, s’effondre, abattu, tué sur le coup. Il en tombe des dizaines par an, des serviteurs de l’Enfer. »

« Tout le monde garde en mémoire les photos parues dans la presse, le reportage lors du journal télévisé, montrant neuf cadavres, emballés tels des pharaons, à l’aide de tissus d’un blanc magnifique, dont on a explosé la tête au préalable, sûrement à l’aide d’une masse, et dont le faciès se voyait absent. On les a pendus par les pieds, avec une solide corde, à l’entrée de l’artère principale de la ville, sur les contreforts du tunnel de la Barguèse. Ils se balançaient là, comme des cocons de papillons de nuit qui ne voulaient plus naître, des sphinx de la mort. Mise en scène insoutenable. Mais ô combien efficace ! »

« Sophie Debreuil se voit dépositaire d’un bon de sortie. Trois mois, voire un peu plus, qu’elle croupit là, dans ce lieu aseptisé dans lequel tout est dédié au sommeil et à l’oubli à tout prix. Le repos pour ne pas sombrer dans les couloirs désastreux des souvenirs tenaces, ceux-là mêmes qui vous pourrissent le cours désuet de votre désuète existence. Une chape de plomb scellée à vos pieds et vous entraînant irrémédiablement vers les profondeurs noires et inquiétantes, même troublantes, d’un lac dans lequel on vous a jeté, sans préavis, par volonté de vous tuer l’âme. »

« Elle quitte alors la douche, repue, lessivée des plus convenablement par ce savon-douche qu’elle fait rentrer en douce en amadouant malicieusement un jeune infirmier tombé sous le charme de cette délicieuse blonde désormais trentenaire au regard de braise. Elle a maintenant les cheveux très courts, témoins d’une nouvelle étape de sa vie.
Alors, parer au plus urgent est élémentaire : s’habiller, sortir de la chambre, remplir les ultimes papiers et se sauver à toutes jambes loin de ce lieu funeste. Prendre un taxi ou un bus et regagner son domicile. En toute hâte. »

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Archéologue céramologue, Pascal Alliot vit en Espagne, près de Barcelone.
Avec son premier roman, Journal ordinaire d’un assassin pas ordinaire, l’auteur nous entraîne dans un imaginaire brutal, onirique, riche et haletant, nous faisant visiter les tréfonds de l’âme tourmentée d’un meurtrier.
Écrivain discret mais prolifique, il s’est imposé au fil des années comme l’une des voix les plus singulières du polar français contemporain.

Émotion, Drame, Folie, Suspense, Thriller psychologique, Violence

Leona

Les dés sont jetés
de Jenny Rogneby
Broché – 4 mai 2016
Éditeur : Presses de la Cité

Qui perd gagne.
Stockholm, un jour de septembre. Une petite fille de sept ans, nue et recouverte de sang, braque une banque du centre de la ville avec pour seules armes un ours en peluche et un magnétophone. La fillette disparaît ensuite avec l’argent.
La trouble et manipulatrice Leona Lindberg s’arrange pour récupérer l’affaire avant ses confrères de la police judiciaire. Christer Skoog, lui, est journaliste. Il dispose d’embarrassantes informations au sujet de Leona ; des informations qu’il est prêt à taire si cette dernière accepte de l’aider à résoudre une enquête qui l’obsède depuis des années…

Grandiose et subversif. Jenny Rogneby tire les ficelles de ce premier roman d’une main de maître et, avec le personnage atypique de Leona, fait une entrée fracassante dans le monde du thriller.

Je referme Leona – Les dés sont jetés avec une sensation étrange, presque coupable. J’ai suivi cette femme hors du commun, glaciale et désabusée, dans un monde où la morale est un costume qu’on retire le soir. Et je dois l’admettre : j’ai été fasciné. Leona Lindberg n’est pas une héroïne, pas même une anti-héroïne ; elle est un paradoxe sur deux jambes, une policière qui passe de l’autre côté avec une froideur qui glace le sang.

J’ai souvent voulu la secouer, lui crier de revenir à la raison, mais Jenny Rogneby nous tient en laisse, page après page, nous forçant à accepter l’inacceptable. Il y a dans ce roman une tension constante, un malaise latent. C’est noir, très noir, et pourtant, je n’ai pas pu lâcher ce récit troublant. Leona est une énigme que l’on tente de résoudre tout en sachant qu’on ne le pourra pas.

Ce qui me reste, ce n’est pas la résolution de l’intrigue, bien que l’écriture soit habile et rythmée. Ce sont les failles de Leona, ses silences, ses regards fuyants. J’ai terminé ce livre comme on quitte une pièce trop longtemps restée dans la pénombre : un peu sonné…

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Extraits :

« Personne ne l’avait encore remarquée. Sans bruit, elle trottina à petites foulées sur le tapis jusqu’au centre du grand hall de la banque.
Ses pas étaient déterminés.
Son regard, vitreux. Les battements de son cœur, assourdissants.
Entièrement concentrée sur son rythme cardiaque, elle ne sentait plus sa blessure, ni le sang séché sur son corps nu et fluet. Chaque pulsation résonnait dans ses oreilles. 1-2… 3-4-5… 6… Trop irrégulières pour qu’elle puisse les compter. Elle serra de toutes ses forces l’ours en peluche sur sa poitrine. Les palpitations lui semblaient un peu moins fortes ainsi. »

« Olivia s’était mise à trembler. Elle essaya en vain de se détendre. À cause de la pluie, tout était mouillé et froid. Ses yeux et son nez coulaient et la démangeaient. Chaque fois qu’elle tentait de se gratter, la douleur lui arrachait quelques larmes.
Elle avait eu beaucoup de mal à soulever le sac à dos dans la banque, mais, une fois celui-ci hissé sur ses épaules, ça avait été. En revanche, ensuite, quand elle avait dû l’enlever, elle avait perdu l’équilibre et s’était étalée par terre. La blessure de son genou saignait et la brûlait beaucoup plus qu’avant. Le sac à dos était trempé et sale.
Elle pria le ciel pour que rien ne se soit cassé, car sinon papa serait très en colère. »

« J’ai réarrangé deux stylos posés sur la table devant moi. Je n’aimais pas avoir des objets pointus tournés vers moi. Et en plus, ils étaient de travers.
Ce faisant, j’ai remarqué que l’ongle de mon pouce était trop long par rapport aux autres. Je venais de les faire manucurer chez Madeleine, au coin de la rue. Elle s’appliquait d’ordinaire dans son travail. Quelle déception ! »

« Des années durant, j’avais combattu ce sentiment, refoulé mon « moi » véritable. Je me réveillais en sueur la nuit, avec l’impression qu’un piège se refermait sur moi. Prisonnière du monde que je m’étais moi-même créé. Je ne pouvais plus ignorer ma propre nature.
Quand j’avais commencé à remettre en question mon désir d’être comme les autres, tout était devenu plus clair. Je n’avais pas d’autre choix.
Je devais me libérer. »

Née en 1974 en Éthiopie, la Suédoise Jenny Rogneby a étudié la criminologie à Stockholm. D’abord musicienne, elle a fait la première partie d’un concert de Michael Jackson à Tallinn en Estonie, elle a travaillé pendant sept ans dans la police, à Stockholm, comme criminologue, avant de se lancer dans l’écriture de son premier roman, Leona : Les dés sont jetés, devenu dès sa sortie un best-seller en Suède, et qui a été traduit dans une dizaine de pays.

Leona : La fin justifie les moyens est son second polar avec comme héroïne l’inspectrice Leona Lindberg.

Jenny Rogneby vit à Malte

Page Facebook : https://www.facebook.com/jenny.rogneby