Émotion, Drame, Folie, Frisson horreur, Psychologie, Violence

Broyé

de Cédric Cham
Broché – 15 mai 2019
Éditeur : Jigal

Christo porte dans sa chair les stigmates d’une enfance extrêmement violente. Christo lutte pour contenir cette rage qui bouillonne en lui… Jusqu’au jour où son regard croise celui de Salomé, une jeune femme qui va l’accompagner au-delà des cicatrices. Christo va faire ce qu’il pensait impossible jusqu’alors. Lâcher prise ! Au risque de ne plus rien maîtriser… Mathias, enfant, fugue pour éviter les coups, espérant un monde meilleur. Mathias se réveille enfermé dans une cage. Abandonné, désespéré, la peur au ventre, seul ! Jusqu’à ce que son geôlier se dévoile, un homme qui lui annonce qu’il va le dresser. Pour survivre, pour vivre, Mathias va faire ce qu’il pensait impossible jusqu’alors ! Au risque de se perdre à tout jamais. Deux êtres. Deux vies. Peut-être pas si éloignées…

J’ai découvert l’écriture de Cédric Cham avec Le fruit de mes entrailles !
J’ai été bousculé et j’en ai pris plein yeux…

Avec Broyé, je suis ressorti de ma lecture complètement sonné.
Dès les premières pages, j’ai su que ce roman allait me plonger dans quelque chose de viscéral, d’indicible. Broyé porte bien son nom, j’ai eu l’impression d’être happé dans une spirale de noirceur, sans répit, sans issue. Et pourtant, impossible de lâcher prise…

C’est une double trajectoire que nous offre Cédric. Celle de Mathias, adolescent en cavale, arraché brutalement à sa liberté pour se retrouver dans une cage, littéralement. Enfermé, humilié, brisé.
Celle de Christo, homme meurtri, taiseux, marginal, hanté par une violence sourde. Deux êtres abîmés, que la vie n’a pas épargnés, deux parcours qui finiront forcément par se croiser.

J’ai été glacé par la précision de l’écriture, sans fioriture. Cédric n’enrobe rien, il livre la douleur telle qu’elle est, brute, nue. Chaque phrase m’a coupé le souffle. Chaque scène m’a confronté à ce que l’humanité peut avoir de plus sombre, mais aussi parfois de plus fragile. J’ai eu peur pour Mathias, mais j’ai surtout voulu tendre la main à Christo. Et j’ai serré les dents, longtemps, en voyant ce qu’ils enduraient.
Ce roman, c’est une claque. Une immersion dans l’enfer d’une vie volée, d’une reconstruction incertaine. Un roman où la tension est constante, où le moindre silence résonne comme une menace. Un roman dur, mais nécessaire.

J’ai failli me perdre dans ce thriller… Et cette fin qui m’a cueilli en plein cœur. Je ne l’ai pas vue venir du tout, et elle m’a laissé muet, scotché.
Broyé n’est vraiment pas un thriller comme les autres. C’est un cri, un hurlement, que dis-je, un vertige !
Cédric est allé beaucoup plus loin dans ce roman… je sais que je ne l’oublierai pas de sitôt.

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Extraits :

« Ses jambes peinaient au soutien. L’épuisement lui tétanisait les muscles.
Son souffle était erratique.
Presque une heure qu’il courait. Une heure qu’il avançait, persuadé qu’au moindre arrêt, il le rattraperait.
Alors, il courait, il fonçait… »

« Tant qu’il se maîtrise, il reste en vie.
Tant qu’il se maîtrise, il ne fait de mal à personne.
La plupart des gens sont remplis de souvenirs d’instants heureux, avec papa ou maman. Un matin de Noël, un moment de complicité, des vacances, des éclats de rire…
Christo n’a pratiquement aucun souvenir. Comme si sa vie se résumait à une succession de trous noirs.
Même s’il a de plus en plus de mal à distinguer les bribes du passé des histoires qu’il se raconte, il y a un souvenir qui lui revient régulièrement en tête.
La baignoire. »

« Oui, Christo préférait lorsque « Lui » était là. Même s’ils s’y mettaient à deux pour le castagner au-dessus de la baignoire. Au moins, il n’était pas obligé de prendre sa place au lit. Ça lui était tombé dessus comme une cocotte d’eau bouillante en pleine gueule. Et ce n’est pas qu’une façon de parler. Il suffit de jeter un coup d’œil à son épaule gauche et à la drôle de consistance qu’a conservée sa peau. Plus les mois ont passé, plus les simples caresses sont devenues des trucs dégoûtants. »

« Une migraine cognait fort dans sa tête. Son nez encombré le faisait suffoquer à moitié.
Des pensées embrumées dissoutes sous son crâne. Il n’avait plus de prise sur rien.
Mathias.
Son prénom ?
Oui… Son prénom…
Oui… Il était Mathias.
Cette simple certitude fut comme un coup d’aiguillon. Une victoire qui lui redonnait un peu d’espoir.
Au prix d’un nouvel effort, il réussit à faire pivoter sa tête. Son nez frotta l’acier de la cage.
Il referma ensuite sa main gauche sur un des barreaux, pour s’aider à se relever. »

« Pêche lui envoie un clin d’œil, à moins qu’elle ne chasse une poussière, et tourne les talons.
Ringo se redresse, la suit du regard, comme s’il était déçu qu’elle s’en aille.
Christo, lui, sourit. Un sourire. Fragile. Prêt à casser. Cela fait tellement longtemps que les muscles de son visage lui font mal.
Malgré tout, ça fait du bien de sourire. »

Cédric Cham, né en 1978, est originaire de la région Rhône-Alpes. Le jour, il travaille au sein de l’Administration pénitentiaire française, la nuit, il écrit des polars. Dès son plus jeune âge, la lecture est devenue une “addiction”. Impossible de passer plus de vingt-quatre heures sans sentir le papier sous ses doigts… Et tout naturellement, à force de dévorer les romans des autres, il en est venu à écrire ses propres histoires. Cédric Cham aime les récits sombres et réalistes. Pourquoi ? Parce que d’après lui, le noir reflète parfaitement notre société actuelle… Ce qui se passe au coin d’une rue oubliée, derrière une porte close, de l’autre côté de la ligne blanche… Ces endroits où la réalité dépasse trop souvent la fiction !

Polar, Suspense, Violence

Mais ensuite, je devrais vous tuer…

de Eymeric Bihan
Broché – 24 janvier 2025
Éditeur : MVO Éditions

Pour les fêtes de Noël. Le clan Becker se réunit au sein du manoir familial. Bientôt, un froid polaire paralyse la région et contraint les convives à se confiner. La tension est palpable. Et une première mort tombe, au travers des quatre miles mètres carrés traversés par une centaine de passages secrets…

J’ai découvert la plume d’Eymeric Bihan à l’automne 2024, avec Frisson Cognitif, le premier volet d’une trilogie. L’univers m’avait intrigué, les idées étaient là, fortes, originales, les personnages porteurs d’un vrai souffle… Mais à mes yeux, tout filait un peu trop vite. J’étais resté sur ma faim, frustré de ne pas pouvoir m’imprégner davantage de cette atmosphère qui affleurait pourtant entre les lignes. C’est donc avec une pointe de curiosité mêlée à l’envie de redonner une chance à cet auteur que j’ai accepté sa proposition de lire son dernier roman Mais ensuite je devrais vous tuer…

Je l’ai commencé hier soir, sans attente particulière… et je n’ai pas pu décrocher. Dès les premières pages, j’ai senti qu’un cap avait été franchi. Il installe ses personnages, les creuse, les fait exister pleinement. Le décor est posé avec soin, un manoir familial majestueux, isolé, où règne le vernis glacé des convenances bourgeoises. Nous sommes chez les Becker, une famille riche, puissante, et redoutablement étanche aux débordements émotionnels. Noël approche, les Garvax sont invités, les apparences se doivent d’être impeccables. Mais la fête tourne rapidement à l’aigre.

Il y a dans ce roman une tension qui m’a rappelé Les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie. Une atmosphère feutrée et toxique à la fois, où chaque sourire semble masquer un couteau. Une tempête de neige enferme les convives. Et rapidement, le premier cadavre est découvert. Un détonateur. Le vernis craque, les rancunes sourdent, les masques tombent. Les non-dits deviennent des accusations. La parole se fait arme. J’ai été happé par cette spirale.

Le manoir lui-même devient un personnage à part entière, avec ses couloirs secrets, ses escaliers dérobés, ses 4000 m² qui semblent conspirer. C’est dans ce décor presque gothique que le détective Chapter Trick et sa fantasque acolyte Mademoiselle Flair débarquent. Le duo détonne, décalé, presque burlesque parfois, mais ô combien efficace dans cette mêlée de faux-semblants et de mensonges familiaux. L’enquête s’avère retorse, rythmée, et jamais prévisible.

J’ai particulièrement apprécié la galerie de personnages, certains touchants, d’autres carrément odieux, mais tous croqués avec justesse. On passe de la colère à la tristesse, du rire à la gêne. L’auteur nous balade, nous piège, et finit par nous cueillir avec une élégance qui m’a bluffé.

Une plume vive, immersive, soignée. Un huis clos redoutablement efficace, mené avec maîtrise, où l’architecture du lieu épouse les arcanes du suspense.
Une belle réussite.
Merci encore, Eymeric, pour cette lecture aussi réjouissante qu’inquiétante, qui m’a embarqué et franchement régalé.

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Extraits :

« 20 décembre 1950, midi.
Suzanna Becker patientait derrière la fenêtre couverte d’une buée glaciale.
Depuis deux ou trois jours maintenant, un froid saisissant prenait en grippe la région des Pyrénées-Atlantiques. Les températures mettaient à mal tout le monde. Suzanna expira et se frictionna les mains, puis les épaules, afin de se réchauffer un peu. Les vacances de Noël promettaient de ne pas être de tout repos.
Que ce soit en rapport avec la météo, ainsi qu’avec les invités qui arrivaient et envahiraient le domaine, durant des jours entiers.
Que c’est beau toute cette neige ! »

« – Tes ancêtres de la couronne britannique doivent se retourner dans leurs tombes, mon petit-fils, attesta sa grand-mère paternelle, tout aussi répugnée et outrée que déçue. Je remonte dans mes appartements. Qu’est-ce que tes parents ont raté dans ton éducation, hein? Tu es un dégénéré, mon pauvre Edward… un pédéraste. Un Becker? Tu es maudit, mon garçon… Maudit. Jamais, je n’aurais cru qu’un de mes petits enfants… »

« Durant toute la nuit, elle avait cogité. Est-ce que cet homme l’avait auparavant touchée ou forcée à faire quelque chose contre son gré ? Elle ne se le rappelait plus. Seulement, à présent qu’elle y songeait, des bribes de souvenirs occultés l’accablaient. Ces vignettes ne se distinguaient pas les unes des autres. Puis, elles se brouillaient presque aussitôt et finissaient par se dissiper.
– J’étais gamine… »

« Rosmerta se dit alors que les gens fortunés, qui possédaient ce que la plupart enviaient, ne réagissaient pas de la manière la plus normale, sauf lorsque la nourriture sucrée côtoyait une triste nouvelle. Cela étant, ce qui troublait à l’excès de la gouvernante restait l’importance que ces bourgeois privilégiaient à leurs petits soucis personnels, en omettant en grande partie le drame survenu. C’était comme s’ils minimisaient la chose. Ceci l’écoeurait au maximum. Ces bougres de richesses, songea-t-elle, dégoûtée. Ils ne se préoccupent pas de leurs divergences d’opinions. Des nombrilistes. C’était à vomir. Cependant, était-elle réellement étonnée ? Rosmerta a travaillé et opérait pour les Becker depuis trente ans. À ce stade, plus rien ne me surprend, je pensais-elle souvent. Malgré les bizarreries dont elle avait été témoin naguère. Les deux exemples les plus limpides dans sa mémoire résultaient là encore de drames événements au sein de la dynastie. »

Eymeric Bihan, 30 ans, est actuellement en poste hébergement au sein d’une maison de retraite dans les Pyrénées, à Saint Lary Soulan.
Suite à une imagination débordante depuis tout petit et à une succession de soucis personnels, il s’est pour ainsi dire plongé dans l’écriture.
Tout a commencé par des chansons en anglais, de part son attrait pour la culture américaine. Puis l’écriture a dévié sur des scénarios, des nouvelles pour enfin toucher la construction d’un roman. Avec Frisson Cognitif, il signe là la première trilogie, dans le genre littéraire du Cosy Mystery. Avec les paysages Pyrénéens qui l’entourent, il a de quoi nourrir son inspiration.

Drame, Polar, Psychologie, Suspense, Thriller, Violence

Les femmes ne plaisantent pas avec l’amour

de Jean-Pierre Levain
Poche – 2 avril 2025
Éditions : Des livres et du rêve

Touchée par trois balles, dont une en pleine tête, Éva Karsanti échappe miraculeusement à la mort, mais sombre dans un coma profond.
Propriétaire de boutiques de luxe et d’un site de rencontres libertines, elle finance en secret des ONG qui aident des femmes en détresse à avorter dans des pays liberticides où ces pratiques sont interdites.
De lourdes menaces planent sur Éva.

L’enquête est confiée au commandant Fred Brazier, épaulé par Gaëlle Lebras. Chaque piste soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, et traquer la vérité s’avère aussi périlleux qu’urgent.

Plongez dans la nouvelle version du tout premier opus de Jean-Pierre Levain.

Un polar intense où se dessinent les premiers pas du groupe crime du SRPJ de Lyon, une équipe appelée à devenir légendaire.

J’ai dévoré Les femmes ne plaisantent pas avec l’amour de Jean-Pierre Levain en une seule soirée. Impossible de le lâcher !
Intrigue haletante, rythme bien dosé, documentation rigoureuse… tout y est. On sent dès les premières pages que l’auteur sait de quoi il parle, que ce soit en matière de procédures policières, de balistique ou de diagnostics médicaux. Peut-être un peu trop pour certains ? Mais personnellement, cela n’a rien enlevé au plaisir de ma lecture.

L’histoire démarre fort. Eva Karsanti, puissante entrepreneuse lyonnaise, se fait agresser chez elle. Un individu en tenue de motard la menace, tue son chien et finalement lui tire dessus. Touchée de trois balles, dont une en pleine tête, elle survit miraculeusement mais plonge dans le coma. La jeune et intrépide Gaëlle Lebras, hérite de l’enquête. À ses côtés, Fred Brazier, commandant proche de la retraite, qui connait très bien la victime, ensemble ils vont essayer de démasquer cet agresseur prêt à tout pour se débarrasser de la femme d’affaires. Un duo attachant, bien équilibré, entre le flic calme et expérimenté et la fougueuse coéquipière, curieuse et un brin provocatrice.

Jean-Pierre alterne les points de vue sans jamais me perdre, ce qui donne un rythme vivant, presque cinématographique. Les personnages sont bien dessinés, crédibles et profondément humains. J’ai aussi beaucoup apprécié les références littéraires et cinématographiques glissées çà et là avec malice, et puis l’humour qui affleure par moments.

Au-delà de l’enquête policière, Jean-Pierre explore des thèmes de société essentiels, les droits des femmes, le droit à l’avortement, les groupes extrémistes, la sexualité, l’amour libre, les relations intergénérationnelles, la bisexualité et bien d’autres choses… Les femmes ne plaisantent pas avec leur liberté d’aimer, c’est bien là tout le sens du titre, et aucun homme dans le roman ne pourra prétendre avoir le contrôle sur ce terrain.

Un polar intelligent, bien écrit, moderne, et surtout porté par une vision affirmée : l’amour, quand il est sincère et libre, ne se négocie pas. À glisser dans toutes les valises cet été !

Un immense merci à toi Angie, pour ta confiance et pour m’avoir permis de signer cette nouvelle couverture. Toujours au rendez-vous avec grand plaisir !

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Extraits :

« Se tenant à la rampe et encore légèrement ensommeillée, elle ne réagit pas immédiatement à la vue de l’étranger entièrement vêtu d’une combinaison de motard avec sur la tête un casque à la visière réfléchissante baissée. Il était de petite taille, assez mince, et semblait peu inquiétant de prime abord. La surprise fit progressivement place à l’effroi quand elle entrevit l’immense revolver au bout de son bras. Sa première pensée fut pour le chien, ce gros benêt de labrador toujours gentil avec tout le monde. Comme elle regrettait à présent de s’être laissée attendrir au chenil par sa bonne bouille de chiot et d’avoir préféré un labrador placide à un vrai défenseur féroce faisant son travail de gardien en se jetant sur l’agresseur pour le mettre en fuite. »

« Gaëlle, à genou dans le sang de la victime, lui dénoua sa robe de chambre pour l’aider à respirer, prenant garde à ne pas la bouger. Elle comprima la blessure à la jambe le plus délicatement possible avec la serviette pour limiter l’hémorragie, espérant ne pas trop aggraver la cassure osseuse. Le crâne était fracturé. La balle était entrée juste au-dessus de l’œil gauche, pour ressortir par le haut de la tête.
En une prière silencieuse, elle espérait qu’elle n’avait pas pénétré trop profondément le lobe cérébral. »

« – Bonjour à toutes et à tous. Je vous prie d’excuser mon retard, mais je tenais à faire le point avec le médecin-chef du service de neurologie de l’hôpital Erlanger où est hospitalisée notre victime. Madame Karsanti a, comme on le dit couramment, eu de la chance dans son malheur. La fracture à la jambe a été réduite et la balle n’a pas touché d’artère. Concernant la blessure à la tête, le projectile a pénétré au niveau frontal juste au-dessus de l’œil gauche pour ressortir par le haut de la partie pariétale du crâne. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’a pénétré que superficiellement le cerveau, sans provoquer de dommages irréversibles. L’impact a créé des lésions de contrecoup avec contusion encéphalique. Les chirurgiens l’ont opérée en urgence pour résorber l’œdème qui s’était formé. L’opération s’est bien passée mais le pronostic reste réservé. Pour le moment, elle est toujours dans le coma. Les médecins ne savent pas quand nous pourrons l’interroger. »

Jean-Pierre Levain est Docteur en psychologie.

Il a été chercheur à l’Institut de recherche sur l’enseignement des mathématiques et maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université de Franche-Comté.
Aujourd’hui à la retraite, il s’est reconverti dans l’écriture de romans policiers. Le premier s’intitule “Les femmes ne plaisantent pas avec l’amour” (2020).

Page Facebook : https://www.facebook.com/JPLevain/

Drame, Frisson horreur, Polar, Violence

L’heure des fous

de Nicolas Lebel
Broché – Grand livre, 30 janvier 2013
Éditeur : Marabout (Hachette)

Mardi 9 septembre : le cadavre d’un SDF poignardé est retrouvé près de la gare de Lyon, sur une voie désaffectée. Tout semble indiqué qu’il s’agit d’un simple règlement de comptes. Mehrlicht, capitaine de police au commissariat du 12e arrondissement de Paris, est envoyé sur place pour expédier l’affaire mais, rapidement, certaines zones d’ombre apparaissent : pourquoi ne retrouve-t-on sur la victime le carnet de circulation qui permettrait de l’identifier ? Comment les trois assassins présumés ont-ils pu s’évaporer dans la nature et ne laisser aucune trace de sang sur les lieux du crime ? Pourquoi traînaient-ils leur victime le long des rails ? Où cherchaient-ils à l’emmener ? Après l’interrogatoire des clochards du quartier, les enquêteurs apprennent que la victime vivait dans la Jungle avant de découvrir que la victime, Marc Crémieux, n’était pas SDF mais journaliste et qu’il menait une enquête auprès de cette communauté de sans-abris installée au coeur du bois de Vincennes devenue une zone de non-droit. Que voulait à mettre au jour Marc Crémieux ? Pourquoi avait-il en sa possession un fusil de 1866, marqué du sceau de la manufacture impériale de Châtellerault ? Que cherchait-il à propos de Napoléon III ? Dans cette enquête qui la mènera des bancs de la Sorbonne jusqu’aux égouts de Paris, l’équipe du capitaine Mehrlicht découvrira que l’heure des fous a sans doute sonné. de la société actuelle et rend hommage au courage d’une famille en deuil. Un roman d’une construction parfaite, au style savoureux.

Il devient rare de tomber sur un polar qui évite les poncifs actuels, et c’est exactement ce que propose L’heure des fous de Nicolas Lebel. J’ai dévoré ce roman avec un plaisir immédiat. Dès les premières pages, j’ai été happé par l’univers, l’ambiance à la Audiard, les dialogues qui claquent, et surtout cette galerie de flics à la fois grotesques et profondément humains. Mehrlicht, le capitaine à la voix rauque et au portable qui gueule du Audiard, m’a tout de suite conquis. Il est grognon, cabossé, et terriblement attachant.

L’enquête, dense et bien construite, nous balade entre les catacombes sociales de Paris, du monde des SDF aux arcanes de la sécurité intérieure, sans oublier une Sorbonne inattendue et un marabout intrigant. C’est noir, mais drôle, jamais cynique. Les personnages secondaires sont eux aussi bien campés : la fliquette amoureuse, le culturiste fasciné par le Code pénal, ou encore le pauvre stagiaire paumé venu de Lyon. Ils frisent la caricature, certes, mais c’est ce qui fait leur charme.

Nicolas a une plume vive, rythmée, un vrai sens du tempo. L’humour affleure sans jamais désamorcer la tension. Et si l’intrigue tire un peu sur le fil, c’est surtout cette équipe de bras cassés qu’on a envie de retrouver. L’heure des fous m’a totalement embarqué. Je l’ai lu d’une traite, sans pouvoir m’arrêter, et j’ai refermé le livre avec un sourire, une claque et une envie pressante : retrouver très vite Mehrlicht et sa bande dans un prochain épisode.

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Extraits :

« – C’est quoi, ce… flash mob ? demanda-t-il tandis que le lieutenant Dossantos s’effondrait sur sa chaise qui sembla couiner pour la dernière fois. Mehrlicht l’ignora.
– C’est un truc artistique, expliqua Dossantos. Des gens qui ne se connaissent pas s’inscrivent sur Internet pour participer. Ils reçoivent alors un mail qui leur fixe un rendez-vous à tous à une heure et à un endroit très précis. Le mail donne aussi la description d’un mystérieux contact habillé de vert…
Il avait accentué chacun de ces derniers mots afin de leur donner une étrangeté ridicule, puis marqua une pause pour révéler sa dentition de carnassier, presque heureux de sa blague. »

« — On en aura fumé des clopes tous les deux, putain ! grinça Mehrlicht.
– C’est clair! On a dû plus polluer que la révolution industrielle.
– Ouaih ! Plus que la Chine, même.
– Quand même pas, si ?
– Si ! confirma Mehrlicht.
– Ah ! Quand même !
Ils se turent pour emboucher de nouveau leurs cigarettes. La fumée s’élevait dans la chambre en fines volutes blanches, emplissant l’espace de sa présence, par lentes vagues, ondulant au gré de la brise qui s’invitait par la fenêtre. Quelqu’un frappa à la porte. Mehrlicht se leva d’un bond. »

« Il était 19 h 15. Il trouva rapidement le nom qu’il cherchait puis attendit. Le type ne tarda pas. Il était brun, plutôt grand, portait de fines lunettes et une veste de lin claire. La description était conforme. Dossantos faisait mine de relever son courrier de la main droite, l’autre main dans la poche gauche de sa veste bleue. L’homme lança un « bonsoir monsieur » assez doux en levant sa clé vers la boîte aux lettres repérée. Alors la main gauche de Dossantos, bardée d’un poing américain, sortit lentement de sa poche et fusa vers le visage du type. Son nez s’écrasa dans un craquement de miettes et un couinement de phoque. Il vacilla mais déjà la droite de Dossantos percutait son menton. Le type fit un demi-tour de ballerine avant d’embrasser la porte cochère de l’immeuble. Dossantos s’approcha et saisit le gars par les cheveux. Il colla sa bouche à son oreille :
– Salut Julien ! Sylvie a un message pour toi. Elle ne veut plus te voir. Elle ne veut plus que tu l’emmerdes, que tu la menaces. Elle ne veut plus que tu l’appelles la nuit. Tu m’entends, Julien ? »

« – Rodolphe passait des heures devant la statue de Hugo, face à la chapelle. C’était un fanatique absolu. Je suis sûr qu’il connaissait Les Contemplations et La Légende des siècles par cœur. Tous les jeudis à seize heures, avant de rentrer chez lui, il se posait devant Hugo et restait là, à réfléchir. Je l’ai même vu discuter avec la statue, parfois, en ami.
Ils restèrent un instant silencieux, à détailler les statues et l’horloge de la chapelle. »

« – Écoutez ça : “Tout l’art de la guerre est fondé sur la duperie. Toute campagne guerrière doit être fondée sur le faux-semblant ; feignez le désordre, ne manquez jamais d’offrir un appât à l’ennemi pour le leurrer, simulez l’infériorité pour encourager son arrogance, sachez attiser son courroux pour mieux le plonger dans la confusion : sa convoitise le lancera sur vous pour s’y briser.”
Il tourna quelques pages sans ménagement.
— Attendez, je vous en lis un autre : “Lorsque l’ennemi est uni, divisez-le ; et attaquez là où il n’est point préparé, en surgissant lorsqu’il ne s’y attend point. Telles sont les clés stratégiques de la victoire, mais prenez garde de ne point les engager par avance.” »

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Nicolas Lebel est un auteur français.

Il est également enseignant et traducteur.

Il a fait des études de Lettres et d’anglais puis il s’est orienté vers la traduction. Il est parti en Irlande quelque temps avant de devenir professeur d’anglais.

Passionné de littérature et de linguistique, il publie en 2006 une première fiction, une épopée lyrique en alexandrins : Les Frères du serment.

En 2013, il publie aux Éditions Marabout L’Heure des fous« (Prix des lecteurs polar du Livre de Poche 2019), en 2014, Le Jour des morts, en 2015, Sans pitié, ni remords (Prix Anguille-sous-Roche), en 2017, De cauchemar et de feu (Prix du Festival Sans Nom), puis, en 2019, Dans la brume écarlate (Prix Coquelicot Noir du Salon du Livre de Nemours), cinq romans policiers caustiques où histoire, littérature et actualités se mêlent. Des romans noirs qui interrogent et dépeignent la société française contemporaine avec humour et cynisme, dont le ton est souvent engagé, et le propos toujours humaniste. Ces cinq romans mettent en scène le capitaine Mehrlicht.

En 2021, il reçoit le Prix Griffe Noire du meilleur roman policier français de l’année pour « Le gibier« . En 2023, il se met en disponibilité de l’Éducation nationale pour se consacrer à l’écriture de romans et de scénarios.

Page Facebook : https://www.facebook.com/pages/Nicolas-Lebel-Polars/485293481534883

Historique, Roman, Violence

Les Romains

Spartacus : La Révolte des esclaves
de Max Gallo
Broché – 1 janvier 2006
Éditions : Fayard

Spartacus : ce nom a traversé les millénaires. Max Gallo le fait vivre à nouveau en suivant le destin de ce Thrace qui refuse la domination romaine. Il y a d’un côté l’ordre des légions, la puissance et la richesse de Rome, de l’autre la soif de liberté, la sauvagerie, l’anarchie d’hommes qui ont brisé leurs chaînes et qui pillent, saccagent, suivant Spartacus sans lui obéir. Toute une époque cruelle s’anime sous la plume de Max Gallo : l’histoire devient chair palpitante, visage, pleurs et passions, voix qui racontent !

Attiré depuis toujours par l’histoire antique, je me suis plongé avec enthousiasme dans Les Romains – Tome 1 de Max Gallo, centré sur la figure emblématique de Spartacus. Le nom de l’auteur, souvent cité comme référence dans le domaine historique, promettait un voyage riche et instructif au cœur de la Rome antique. Mais très vite, mon enthousiasme s’est quelque peu refroidi. Le style m’a paru froid, presque clinique. Tout va très vite, trop vite. Trop de personnages qui défilent sans qu’on ait le temps de les saisir, encore moins de s’y attacher. L’émotion reste à distance, comme tenue en respect.

Cela dit, le récit de la révolte de Spartacus est traité avec une précision frappante. Les scènes sanglantes sont nombreuses, parfois à la limite du supportable, mais elles rendent compte de la brutalité d’un monde sans pitié. J’ai été pris, malgré moi, par la tension du récit.

Cependant, une question persiste. S’agit-il d’un roman historique ou d’une fiction inspirée de faits réels ? Le livre oscille entre les deux, sans vraiment trancher. Les répétitions et l’omniprésence de la violence finissent par alourdir la lecture.

Un roman qui, malgré ses limites, peut séduire les amateurs de cette époque. Pour ma part, j’en attendais un souffle plus épique.

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Extraits :

« Sur un plateau étroit qui domine et protège une falaise, deux troncs d’arbres posés l’un sur l’autre se consomment.
Près de ce foyer, un homme, debout, bras croisés, dit :
– Moi, Spartacus, prince des esclaves, je vais livrer bataille aux dix légions romaines du proconsul Licinius Crassus ! »

« – Soyez libres comme ces flammes sacrées qui brûlent pour Dionysos ! Il est venu en Thrace, il y a allumé ce feu de liberté pour qu’aucun homme, aucune femme de ce pays n’accepte la soumission, la servitude. Soyez fidèles à la volonté de Dionysos! Que jamais aucune chaîne n’enserre vos poignets! Toi, Apollonia, tu es fille d’Apollon, tes cheveux ont la couleur du soleil. Toi, Spartacus, tu as la force des torrents de tes montagnes, tu es fils de roi. »

« Castricus lui avait alors lancé :
– Rentre dans le rang, Thrace ! Et n’oublie jamais qu’un citoyen de Rome a droit de vie ou de mort sur les peuples qu’il a soumis. Un citoyen de Rome ne se bat pas contre un esclave ou un Barbare. Il punit. Il égorge. Mais il sait aussi récompenser.
Puis, se retournant, il avait crié :
– Baisse les yeux, Spartacus, ou je te les fais crever ! »

« Il saisit son glaive, essaya de les désarmer, mais les hommes nus se débattirent et l’écartèrent cependant que la faute hurlait, comme prise de folie. Des femmes s’enfuyaient, d’autres se tordaient les bras, s’abattaient sur le sol. »

« De sa main gauche, il serre la nue de Jaïr, l’oblige à se pencher davantage.
– Quand j’ai vu ce Numide lever sa hache, reprend-il, je me suis jeté en avant, l’épée au poing. Je l’ai enfoncée dans son ventre, jusqu’à la garde. Il a lâché son arme.
Il pose sa main droite sur sa poitrine.
– Son chantait une giclé, m’a recouvert. Son chantait s’est mêlé au mien. C’était mon frère, Jaïr, et je l’ai tué. Je n’ai pas eu le courage de Galvix le Dace.
Il secoue la tête. On pourrait croire qu’il sanglote, mais ses yeux restent secs. »

Max Gallo est un écrivain, historien et homme politique français, membre de l’Académie française depuis le 31 mai 2007.

Fils d’immigrés italiens, son père, originaire du Piémont, a quitté l’école après son certificat d’études, sa mère est originaire de la région de Parme, il vit en famille à Nice. Pendant la seconde guerre mondiale, son père rejoint la résistance. L’occupation et la libération vont marquer Max Gallo et lui donner le goût pour l’Histoire ; cependant son père l’oriente vers des études techniques. Il obtient d’abord un CAP de mécanicien-ajusteur, puis un baccalauréat mathématiques et technique au lycée du Parc-Impérial. À 20 ans, il entre dans la fonction publique comme technicien à la RTF, puis il part à Paris pour suivre des cours afin de devenir contrôleur technique.

En parallèle, il suit des études d’histoire. En 1957, en pleine guerre d’Algérie, il fait son service militaire comme météorologiste au Bourget où, avec Jean-Pierre Coffe, il fonde un journal antimilitariste.

Reçu à Propédeutique lettres, il est maître auxiliaire à Chambéry et après l’agrégation d’histoire, en 1960, professeur au lycée Masséna. Docteur en histoire, il devient maître-assistant à l’université de Nice et en 1968, enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris.

Écrivain à succès fécond, il a publié un grand nombre d’ouvrages, souvent à fort tirage. Ses premiers romans, qu’il qualifie de « politique-fiction », seront publiés sous pseudonyme : Max Laugham. Dans un style littéraire qu’il appelle lui même « romans-Histoire », qui consiste à s’appuyer sur les ressources historiques en y ajoutant son expérience personnelle et son ressenti par rapport aux événements, il fait de l’histoire un roman.

Drame, Folie, Polar, Violence

VICES Épisode 04 : Kuyashii

de Gipsy Paladini
Broché – 14 mars 2019
Éditions : Auto-éditions

« N’avez-vous pas envie de courses-poursuites, de coups de pied dans les burnes, de pétage de rotules et de balles dans la tête ? La barrière entre l’humain et la bête sauvage est mince ; certains prétendent qu’elle est dans la tête. Ce sont les lois et la moralité qui l’ont imposée. Imaginez si vous réalisiez qu’elle n’existe pas. »

Une boîte de Tic-Tac. Un gamin qui tripe en plein cours. Des dessins d’ombres sans tête. Un individu surnommé Candyman. Des écailles de crocodile.Pas facile d’assembler les pièces du puzzle quand son équipe est en phase d’éclatement : Zolan ne se remet pas de la réaction de Marie, Bia part en vrille, le commandant est tourmenté par un garçon affreusement mutilé. Vin le sent : quelque chose ne tourne pas rond à la BJV.Les masques se fissurent.Les démons se réveillent.Le temps semble venu à certaines vérités d’être révélées.

VICES est une série littéraire de 8 « épisodes » dont les deux premiers ont été réunis en un ouvrage édité aux éditions Fleuve Noir. On y suit les destins mêlés des membres de la brigade des jeunes victimes confrontés aux maux de notre société moderne.

Chroniquer ce quatrième épisode de Vices de Gipsy Paladini, Kuyashii, c’est comme sortir d’un cauchemar dont j’ai eu du mal à m’éveiller. J’ai voulu ralentir, savourer… mais rien à faire, j’ai été happé, englouti par cette intrigue noire, viscérale, qui dévore de l’intérieur. Zolan, Marie, Sophie… tous les visages de cette série gagnent encore en intensité. Ils ne sont plus seulement crédibles, ils sont devenus nécessaires.

L’écriture est fluide, plus maîtrisée. Certains passages qui évoquent notre société m’ont frappé par leur justesse froide, presque clinique. Sans moralisation, mais profondément troublants. L’univers est brutal, impitoyable, et pourtant on y revient, encore et encore.

J’ai retrouvé les points forts “Paladini”, les personnages charismatiques, profondément humains, le style dense, littéraire, parfois trop dans les dialogues (mais bon…) et ce monde noir, d’un noir permanent. C’est étrange car même lorsque qu’il fait jour, j’ai toujours cette impression que tout est sombre. J’ignore si c’est dû à la première couverture ou à quelque magie obscure.
L’enquête démarre sur une scène presque banale “un enfant de 8 ans drogué” à base de sucreries modifiées et la toute la BJV qui longe dans les bas-fonds d’un monde parallèle, peuplé d’âmes perdues. Mais ce ne sont pas seulement les criminels qui s’effondrent, c’est l’équipe elle-même qui se fissure. Les silences, les jalousies, plusieurs blessures anciennes remontent à la surface. Ce n’est plus une simple enquête, c’est une descente aux enfers. J’ai fini ma lecture et je ne sais pas encore qui en ressortira vivant…

J’attends la suite avec impatience… et appréhension.

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Extraits :

« Finalement, entre ses jambes flageolantes, tachées de sang et d’excréments, la chose naît. La panique cloue Marie au lit quand elle voit s’agiter un corps potelé de nourrisson, la peau bleue et sans tête. À la place de celle-ci : un sac de toile. »

« — Vous auriez pu grièvement le bénir.
— Mon pote Grey Goose et moi, quand on est en fusion, sur rigole pas.
— Il est en RTT d’une semaine. C’est un manque à gagner.
— Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il doit bien y avoir une connerie dans la Bible, qui dit : si t’emmerdes ton prochain, attend-toi à ce que ça te retombe sur la gueule. »

« On stimule trop la compétitivité entre les enfants… tout le monde parle de paix, mais personne n’éduque à la paix. Les enfants sont éduqués à la concurrence, et la concurrence est la première étape vers la guerre »

« — C’est à toi ?
Rendez-les-moi ! s’égosille-t-il en lui griffant les Poignets.
Surprise par l’agression, elle perd l’équilibre et se rattrape de justesse au bras de l’adolescent. Une matière rugueuse se matérialise sous sa paume. Elle soulève le pull et découvre sur son avant-bras un trou de la taille d’une pièce de deux centimes entourée d’une épaisse croûte verdâtre formée d’écailles.
— Bon Dieu ! lâche-t-elle. Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Née dans l’est de la France, Gipsy Paladini rêve très tôt d’aventures.

Elle commence dès seize ans à découvrir le monde et voyage de l’Autriche à l’Italie en passant par la Turquie ou encore l’ex-Yougoslavie. Enfin, elle se rend à San Francisco où elle séjourne pendant plusieurs mois dans une auberge de jeunesse miteuse, au milieu de dealers et de toxicomanes.

À dix-neuf ans, elle part en Autriche où elle partage pendant deux ans la vie de la population immigrée yougoslave. Puis elle s’installe à Los Angeles où elle rencontre son mari, un ancien membre des forces brésiliennes. Elle n’a de cesse, ensuite, de parcourir le monde à la rencontre des populations défavorisées. Elle est depuis peu revenue habiter à Paris, avec époux et enfant. Jeune, dynamique, polyglotte (elle parle 6 langues dont 4 couramment), Gipsy Paladini a déjà publié le remarqué « Sang pour sang » en 2010 aux éditions Transit. Elle souhaite faire du flic Al Seriani un personnage récurrent.

Drame, Folie, Thriller, Thriller psychologique, Violence

Papillon de nuit

de David Belo
Broché – 15 mai 2025
Éditeur : Éditions Taurnada

Tiffany Malcom, photographe, travaille occasionnellement pour la mairie d’Opatoma. Alors qu’elle couvre la fête annuelle en l’honneur du père fondateur de la ville, Lily, sa fille de 7 ans, disparaît.
Depuis ce jour, inconsolable, c’est une lente agonie pour la jeune femme, entre drogues en tout genre et scarifications…
Lorsque son dealer lui propose une nouvelle substance, Tiffany n’hésite pas longtemps. Durant son trip, elle se retrouve propulsée dans les années 1800, où sévit un redoutable et mystérieux kidnappeur d’enfants… Aussi improbable que cela puisse paraître, la photographe est peu à peu persuadée qu’il s’agit de l’homme qui a enlevé sa fille !
Mais où se trouve la frontière entre hallucination et réalité ? Comment démêler le vrai du faux sans perdre la raison ?…

J’ai découvert l’écriture de David Belo, il y a un an, avec Mon ami Charly. Depuis, quelque chose de son style me poursuit. Une voix singulière, radicalement étrangère à ce que j’avais pu lire jusque-là dans ce registre. Papillon de nuit n’a fait que renforcer cette impression, une claque douce-amère, dérangeante, mais tellement magnétique.

Tiffany Malcom, l’héroïne, une femme brisée qui n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis la disparition de sa fille. Elle sombre dans la drogue, elle dérive, se mutile, s’anesthésie, mais s’acharne à survivre. Jusqu’au jour où un dealer lui propose une drogue inédite, et dès la première prise, elle se retrouve projetée dans un autre siècle, quelque part dans les années 1800. Là, elle croise un homme inquiétant affublé d’un chapeau tricorne et… de six doigts. Sa présence seule est un malaise. Puis, c’est le retour brutal à son époque. Ses voyages se répètent. Et peu à peu, une certitude s’impose. Cet homme est forcément lié aux enlèvements d’enfants, dans le passé comme dans le présent. Alors elle tente l’impossible : l’arrêter, peu importe le siècle.

Roman sombre, viscéral, souvent trash, Papillon de nuit n’épargne rien. Il m’a captivé. Ce qui pourrait être insupportable devient une expérience de lecture saisissante grâce à la plume de David, qui manie le chaos avec une précision presque chirurgicale. Il m’a plongé dans les rues angoissantes d’Opatoma, cette ville fictive aux contours concentriques, mi-cauchemar gothique, mi-reflet du réel, quelque part sur la côte Est des États-Unis. Là, le passé et le présent s’entrelacent jusqu’à nous perdre.

Ce que j’ai aimé, au-delà de l’intrigue, c’est cette immersion totale dans l’esprit de Tiffany, avec ses fêlures, ses résistances, sa lucidité vacillante. Et puis cette galerie de personnages… tantôt touchants, tantôt glaçants, souvent les deux à la fois. David a décidément un univers bien à lui. Pour qui aime se perdre dans des récits où le fantastique ronge malheureusement la réalité, voire même l’actualité toute récente, celle que l’on doit regarder bien en face, que l’on doit à tout prix éradiquer. Papillon de nuit est une invitation troublante, un rappel à l’ordre… inoubliable.
Alors, « Adieu ! petit papillon.

Merci aux éditions Taurnada pour ce voyage sans retour garanti.
Un vrai frisson pour tous les amateurs du genre.
Remerciement aussi à mon ami Marc Schaub pour son talent photographique, qui a inspiré le visuel d’introduction de mon Ressenti…

D’ailleurs, je vous invite à jeter un coup d’œil sur sa page : https://www.facebook.com/profile.php?id=100013440751787&sk=photos_by&locale=fr_FR
Vous allez prendre des “rêves” plein la tête !

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Extraits :

« Il m’eut fallu un courage inébranlable pour ouvrir les yeux, affronter et délier ce sac de nœuds. Car il en allait de ma responsabilité, la population avait foi en moi.
La Jouivénile devait être éradiquée… de toute urgence.

Je suis John MacDugall.
Je suis l’alpha et l’oméga.
Je suis la mémoire.
Je suis le Jugement dernier.
Je suis inéluctable.
Je suis OPATOMA.

Extrait du livre rouge. »

« Malgré un visage très amaigri et blanc à faire peur, à cause de la dépression, David était un vrai gentil. Le genre de personne sur qui on pouvait compter, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours prêt à rendre service, le gendre idéal en somme… jusqu’à aujourd’hui.
L’annonce de son obsolescence programmée avait éveillé cette noirceur dormant au fond de ses entrailles.
Et la petite voix, « Jiminy », était entrée en scène. »

« Tiffany sortit de la douche à peine vêtue. Sur une musique des Doors, elle l’aguicha avec sensualité, et David ne se fit pas prier. Envoyant valser toutes retenues, il l’enlaça de ses gestes bestiaux et la plaqua contre la verrière.
Fesses nues en contact avec la vitre glacée.
Peaux moites.
Respirations saccadées.
Excitations au paroxysme. »

« Boom / Boom ! Boom !
Éjectée de son propre corps, une projection astrale, détachée de sa chair, de son sang.
Comme aspirée par un trou noir, l’âme de Tiffany fut arrachée à ses entrailles et renvoyée à son époque.
Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais réveiller un somnambule, le sortir de sa transe, du cauchemar ?…
L’extirper de sa petite mort ?
Boom ! Boom !
Ça cogne à la porte. »

David Belo est un peintre et décorateur en bâtiments depuis 1997… il est aujourd’hui artisan Spécialiste en décoration, entreprise BeloDeco (ancienne technique décorative : patine, imitation bois, imitation marbre, fresques etc…. )

Il a commencé la peinture sur tableau en janvier 2017. La passion du métier ainsi que ses connaissances lui permettent une bonne évolution dans le domaine de l’art. Peinture et photographie sont naturellement devenues sa façon de penser… vivre… Ses toiles sont réalisées avec des peintures de bâtiment, il joue avec les matières et les transparences de glacis à l’ancienne. (huile de lin – térébentine – pigments en poudre)

Il vit et travaille à Mogneville (France).

Passionné de films d’horreur, thrillers et adepte des livres audio, c’est à son tour d’inviter les lecteurs à frissonner au rythme de ses mots.

  • Auto-édition du recueil photographique des tableaux d’auteurs Portraits & mots d’écrivains (2020).
  • Représentation du tableau “Il était deux fois” de Franck THILLIEZ (2021), publié dans la version poche.
  • Mourir gentiment (2021), novella au format switch, Publié par Hugo Publishing sur Nextory.
  • OPATOMA, le fleuve aux mille morts (2023), aux éditions LBS, diffusion Dilisco, groupe Albin Michel. Parrainé et Bandeau sur couverture par Claire Favan, auteure.
  • Le monde part en vrille (2023), Nouvelle au format numérique aux éditions Taurnada.
    https://leressentidejeanpaul.com/2024/05/17/le-monde-part-en-vrille/
  • MON AMI CHARLY (2024), édition Taurnada.
    https://leressentidejeanpaul.com/2024/05/15/mon-ami-charly/
Amour, Émotion, Drame, Psychologie, Violence

Toutes les nuances de la nuit

de Chris Whitaker
Broché – 6 mars 2025
Éditions : Sonatine

Jusqu’à ce jour de 1975, Monta Clare était une petite communauté tranquille du Missouri. Aujourd’hui, les sirènes des voitures de police retentissent dans toute la ville. Dans un quartier paisible, les habitants sont interrogés, tous doivent fournir des alibis. La raison ? Le jeune Patch Macauley a disparu. Dans la forêt voisine, on a retrouvé son tee-shirt, maculé de sang. Saint, une jeune fille au caractère bien affirmé, décide de faire tout ce qui est en son pouvoir pour découvrir ce qui est arrivé à son ami. Elle harcèle le shérif, mène sa propre enquête, cherche des pistes. Les jours passent, puis les semaines. L’affaire ne fait plus les gros titres des journaux, et cependant, Saint s’obstine. Des mois plus tard, Patch Macauley réapparaît. L’affaire est réglée ? Non. Bien au contraire, il faudra des décennies pour élucider tous les mystères et faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé durant sa disparition.

Après Duchess, salué par la presse et les libraires, Chris Whitaker revient avec un roman magistral. S’étendant sur plus de trente ans, ce récit, jamais prévisible, met en œuvre des émotions aussi complexes que bouleversantes. Toutes les nuances de la nuit confirme avec éclat le talent infini de son auteur pour explorer jusqu’à l’incandescence les troubles de l’adolescence et la façon dont ceux-ci influent et pèsent sur l’âge adulte. Chris Whitaker s’installe sans conteste parmi les plus grands romanciers contemporains.

“Un roman qui vous percute comme un marteau !
Je n’ai pas pu le lâcher et je ne l’oublierais jamais.”

llian Flynn

“À couper le souffle…
Un récit ondoyant qui transcende les décennies et les points de vue pour saisir la manière dont un seul instant fait basculer la vie d’un petit garçon et de ceux qui l’aiment.”
The Washington Post

“Il y a bien une enquête dans Toutes les nuances de la nuit,
et elle est passionnante, mais le roman a tellement plus à offrir.
C’est aussi une fable profonde et complexe sur l’amour, le deuil et l’espoir.”
Kirkus Reviews

Je referme à peine Toutes les nuances de la nuit et je reste là, sidéré. L’esprit encore dans les pages, le souffle court. Je découvre Chris Whitaker avec ce roman, et quelle découverte ! J’avais un peu d’appréhension devant ses 800 pages, pensant y passer plusieurs jours et deux jours plus tard, je suis arrivé au mot « fin », vidé, essoufflé, ému. J’ai lu sans relâche, tant le récit m’a happé.

Joseph, surnommé Patch, et sa meilleure amie Saint ont treize ans lorsqu’on fait leur connaissance. Ils vivent dans une petite ville nichée au cœur des Ozarks, dans le Missouri. Leur quotidien n’a rien de simple, mais une amitié profonde les unit et leur donne le semblant d’équilibre dont ils ont besoin. Jusqu’au jour où un geste héroïque de Patch fait basculer leur monde, déclenchant une série d’événements qui les dépasseront complètement.

Comment passer à une autre lecture après une telle immersion ?
J’ai vécu avec Patch, Saint, Sammy, Norma, Misty, Grace… Je les ai aimés, j’ai pleuré pour eux, j’ai tremblé avec eux. Ils m’habitent encore. Ce roman est une onde de choc. Une fresque humaine, déchirante et poignante.

Ce n’est pas qu’une histoire. C’est une traversée, sur près de 30 ans, entre ténèbres et lumière, entre fidélité et déracinement, entre bravoure et fatalité. Ce livre échappe à toute étiquette : saga, thriller, drame social, histoire d’amour… tout s’y mêle avec une justesse rare.

L’écriture est précise, vibrante. L’humanité des personnages m’a transpercé. À mes yeux, c’est un chef-d’œuvre, un grand coup de cœur !
Nous ne sommes qu’en mai, mais je pense avoir lu, ce que je considère comme l’un des romans de l’année.

Je remercie Pierre-Antoine de m’avoir conseillé cette pépite.
Dire que j’aurai pu passer à côté…

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Extraits :

« Ce jour-là, la police fouillerait les moindres recoins de son existence et découvrirait qu’il aimait les pirates parce qu’il était né borgne, et que sa mère lui avait très tôt donné le goût des sabres d’abordage et des cache-œils, convaincue que la beauté de la fiction avait le pouvoir d’émousser une réalité trop brutale. »

« Il remonta dans sa chambre, où il coiffa son tricorne et enfila son gilet. Puis il rentra son pantalon bleu marine dans ses chaussettes et tira un peu sur le tissu pour le faire bouffer aux genoux.
Dans sa ceinture, il glissa un petit poignard, un simple alliage de métaux bon marché, mais le forgeron avait fait du bon boulot.
Ce jour-là, la police fouillerait les moindres recoins de son existence et découvrirait qu’il aimait les pirates parce qu’il était né borgne, et que sa mère lui avait très tôt donné le goût des sabres d’abordage et des cache-œils, convaincue que la beauté de la fiction avait le pouvoir d’émousser une réalité trop brutale. »

« L’homme, qui s’était relevé, commençait à la suivre, mais Patch était juste derrière lui. Il sortit son poignard pour la deuxième fois de la matinée.
L’homme para le coup sans difficulté en lui saisissant le poignet et en le tordant douloureusement.
Un rayon de soleil éclaira la lame juste avant qu’elle ne s’enfonce dans le ventre de Patch.
Il tombe à la renverse et porte les mains à sa blessure. La nuit descendait sur les arbres autour de lui mais il ne vit ni lune ni constellations. »

« Son souffle résonnait dans ses oreilles.
Elle passa rapidement devant les arbres tombés qui bordaient la clairière. Le menton levé, elle scruta les alentours, mais ce n’est que lorsqu’elle atteignit le pied de la vallée qu’elle découvrit l’endroit où c’était arrivé.
Elle vit le tee-shirt.
Et le sang. »

« La religion et la politique se fichent de ce qui est juste. »

« – Que les gens comme nous n’existent que dans un état de crise. Que ce sera un miracle si nous mourons de causes naturelles. On se tournera vers l’alcool ou la drogue, et on ne nouera jamais de relations étroites parce qu’on gardera trop de choses pour nous.
– On n’a besoin de personne d’autre. »

« – Dans un mariage qui dure une vie entière, l’amour n’est qu’un visiteur. C’est le respect et la bienveillance qui en sont les véritables fondations. Pour être honnête, je pense que tu devrais l’épouser. »

Chris Whitaker a travaillé dix ans comme trader avant de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, Tall Oaks (2016), reçoit les louanges de la critique et se voit couronné du CWA John Creasey New Blood Dagger. Avec All the Wicked Girls (2017), son deuxième roman, Chris Whitaker explore les thèmes de la disparition, de la jeunesse et des regrets au sein d’une Amérique dépeinte de manière magistrale.
Avec son troisième roman paru en 2020, We Begin at the End, il est lauréat du Gold Dagger Award 2021 et du prix Ned-Kelly 2021 du meilleur roman international.

Duchess est un roman noir captivant qui mêle suspense et émotion.
Toutes les nuances de la nuit est un roman policier captivant qui explore les complexités de l’amitié et de la résilience face à une disparition tragique.
Ses écrits sont édités dans 10 pays.

C’est un conteur prodigieux qui allie une écriture à la fois lyrique et ancrée dans une réalité brutale. Son univers est marqué par des personnages complexes et inoubliables, des intrigues riches en rebondissements et une interrogation constante sur le sens de la vie et les conséquences de nos actes. La noirceur de ses histoires contraste avec la beauté des paysages décrits. Son style, à la fois intense et délicat, fait vivre des émotions fortes aux lecteurs.

Émotion, Drame, Folie, Suspense, Thriller psychologique, Violence

Leona

Les dés sont jetés
de Jenny Rogneby
Broché – 4 mai 2016
Éditeur : Presses de la Cité

Qui perd gagne.
Stockholm, un jour de septembre. Une petite fille de sept ans, nue et recouverte de sang, braque une banque du centre de la ville avec pour seules armes un ours en peluche et un magnétophone. La fillette disparaît ensuite avec l’argent.
La trouble et manipulatrice Leona Lindberg s’arrange pour récupérer l’affaire avant ses confrères de la police judiciaire. Christer Skoog, lui, est journaliste. Il dispose d’embarrassantes informations au sujet de Leona ; des informations qu’il est prêt à taire si cette dernière accepte de l’aider à résoudre une enquête qui l’obsède depuis des années…

Grandiose et subversif. Jenny Rogneby tire les ficelles de ce premier roman d’une main de maître et, avec le personnage atypique de Leona, fait une entrée fracassante dans le monde du thriller.

Je referme Leona – Les dés sont jetés avec une sensation étrange, presque coupable. J’ai suivi cette femme hors du commun, glaciale et désabusée, dans un monde où la morale est un costume qu’on retire le soir. Et je dois l’admettre : j’ai été fasciné. Leona Lindberg n’est pas une héroïne, pas même une anti-héroïne ; elle est un paradoxe sur deux jambes, une policière qui passe de l’autre côté avec une froideur qui glace le sang.

J’ai souvent voulu la secouer, lui crier de revenir à la raison, mais Jenny Rogneby nous tient en laisse, page après page, nous forçant à accepter l’inacceptable. Il y a dans ce roman une tension constante, un malaise latent. C’est noir, très noir, et pourtant, je n’ai pas pu lâcher ce récit troublant. Leona est une énigme que l’on tente de résoudre tout en sachant qu’on ne le pourra pas.

Ce qui me reste, ce n’est pas la résolution de l’intrigue, bien que l’écriture soit habile et rythmée. Ce sont les failles de Leona, ses silences, ses regards fuyants. J’ai terminé ce livre comme on quitte une pièce trop longtemps restée dans la pénombre : un peu sonné…

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Extraits :

« Personne ne l’avait encore remarquée. Sans bruit, elle trottina à petites foulées sur le tapis jusqu’au centre du grand hall de la banque.
Ses pas étaient déterminés.
Son regard, vitreux. Les battements de son cœur, assourdissants.
Entièrement concentrée sur son rythme cardiaque, elle ne sentait plus sa blessure, ni le sang séché sur son corps nu et fluet. Chaque pulsation résonnait dans ses oreilles. 1-2… 3-4-5… 6… Trop irrégulières pour qu’elle puisse les compter. Elle serra de toutes ses forces l’ours en peluche sur sa poitrine. Les palpitations lui semblaient un peu moins fortes ainsi. »

« Olivia s’était mise à trembler. Elle essaya en vain de se détendre. À cause de la pluie, tout était mouillé et froid. Ses yeux et son nez coulaient et la démangeaient. Chaque fois qu’elle tentait de se gratter, la douleur lui arrachait quelques larmes.
Elle avait eu beaucoup de mal à soulever le sac à dos dans la banque, mais, une fois celui-ci hissé sur ses épaules, ça avait été. En revanche, ensuite, quand elle avait dû l’enlever, elle avait perdu l’équilibre et s’était étalée par terre. La blessure de son genou saignait et la brûlait beaucoup plus qu’avant. Le sac à dos était trempé et sale.
Elle pria le ciel pour que rien ne se soit cassé, car sinon papa serait très en colère. »

« J’ai réarrangé deux stylos posés sur la table devant moi. Je n’aimais pas avoir des objets pointus tournés vers moi. Et en plus, ils étaient de travers.
Ce faisant, j’ai remarqué que l’ongle de mon pouce était trop long par rapport aux autres. Je venais de les faire manucurer chez Madeleine, au coin de la rue. Elle s’appliquait d’ordinaire dans son travail. Quelle déception ! »

« Des années durant, j’avais combattu ce sentiment, refoulé mon « moi » véritable. Je me réveillais en sueur la nuit, avec l’impression qu’un piège se refermait sur moi. Prisonnière du monde que je m’étais moi-même créé. Je ne pouvais plus ignorer ma propre nature.
Quand j’avais commencé à remettre en question mon désir d’être comme les autres, tout était devenu plus clair. Je n’avais pas d’autre choix.
Je devais me libérer. »

Née en 1974 en Éthiopie, la Suédoise Jenny Rogneby a étudié la criminologie à Stockholm. D’abord musicienne, elle a fait la première partie d’un concert de Michael Jackson à Tallinn en Estonie, elle a travaillé pendant sept ans dans la police, à Stockholm, comme criminologue, avant de se lancer dans l’écriture de son premier roman, Leona : Les dés sont jetés, devenu dès sa sortie un best-seller en Suède, et qui a été traduit dans une dizaine de pays.

Leona : La fin justifie les moyens est son second polar avec comme héroïne l’inspectrice Leona Lindberg.

Jenny Rogneby vit à Malte

Page Facebook : https://www.facebook.com/jenny.rogneby

Émotion, Drame, Violence

Eldorado

de Laurent Gaudé (Auteur)
Poche – 2 mars 2009
Éditions : J’AI LU

« Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. »
Pour fuir leur misère et rejoindre l’“Eldorado”, les émigrants risquent leur vie sur des bateaux de fortune… avant d’être impitoyablement repoussés par les gardes-côtes, quand ils ne sont pas victimes de passeurs sans scrupules. Le commandant Piracci fait partie de ceux qui sillonnent les mers à la recherche de clandestins, les sauvant parfois de la noyade. Mais la mort est-elle pire que le rêve brisé ? En recueillant une jeune survivante, Salvatore laisse la compassion et l’humanité l’emporter sur ses certitudes…

Voyage initiatique, sacrifice, vengeance, rédemption : le romancier au lyrisme aride manie les thèmes de la tragédie antique avec un souffle toujours épique.
L’EXPRESS

Eldorado ne se lit pas : il s’éprouve.
C’est un roman qui m’a brûlé à l’intérieur, qui m’a remué la conscience et mit des visages sur des drames trop souvent noyés dans l’anonymat. J’ai suivi le commandant Piracci, homme en uniforme mais surtout un homme droit plein de doutes, rongé par une lassitude silencieuse qui va l’emporter. J’ai marché, moi aussi, avec Soleiman et tous les autres, fuyant la misère avec pour seule boussole un rêve d’Occident, un Eldorado aussi lointain qu’insaisissable.

Il n’y a pas de misérabilisme chez Laurent Gaudé, juste une dignité marquée et très puissante, une humanité à fleur de peau. Ses mots sont sobres, mais percutants, et chaque chapitre m’a laissé cette impression d’être un peu plus impliqué, un peu moins indifférent. Finalement, ce roman, c’est le croisement de deux chemins : celui de l’exil et plus encore celui du retour vers soi. Deux trajectoires que tout semble opposer mais que la mer relie dans une gravité commune.

À la dernière page, je suis resté là, silencieux, j’avoue un peu perdu devant tant de violence. Ce roman n’a pas d’une fin pour moi, il est un appel. Un appel pour ne jamais oublier, un appel à regarder au-delà des chiffres, au-delà des médisances, un appel à entendre les battements de cœur en souffrance au-delà des mers, derrière les frontières…

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Extraits :

« Le commandant Salvatore Piracci déambulait dans ces ruelles, lentement, en se laissant porter par le mouvement de la foule. Il observait les rangées de poissons disposés sur la glace, yeux morts et ventre ouvert. Son esprit était comme happé par ce spectacle. Il ne pouvait plus les quitter des yeux et ce qui, pour toute autre personne, était une profusion joyeuse de nourriture lui semblait, à lui, une macabre exposition. »

« “Voilà que les femmes me regardent, se dit-il. Et moi qui m’imaginais déjà avoir à me battre.” Puis il reprit sa marche et n’y pensa plus. Il quitta les ruelles engorgées du marché en laissant le soleil scintiller sur les toits et les pavés de Catane. Il quitta les ruelles du marché sans s’apercevoir que la femme, comme une ombre, le suivait. »

« Il finit par se dire que le plus simple serait de demander de l’aide. À deux ou trois, ils parviendraient peut-être à l’emmener. C’est alors que leurs regards se croisèrent. Jusque-là, il n’avait vu qu’un corps emmitouflé, qu’une femme éreintée de fatigue, une pauvre âme déshydratée, qui ne voulait pas quitter la nuit. Mais lorsqu’il croisa son regard, il fut frappé par cette tristesse noire qui lui faisait serrer la rambarde de toute sa force. C’était le visage de la vie humaine battue par le malheur. Elle avait été rouée de coups par le sort. Cela se voyait. Elle avait été durcie par mille offenses successives. Et il sentit que, malgré cette faiblesse physique qui la rendait peut-être incapable de se lever toute seule et de marcher sans aide, elle était infiniment plus forte que lui, parce que plus éprouvée et plus tenace. C’est pour cela, certainement, qu’il n’avait pu oublier ses traits »

« Elle sentait qu’il partait et qu’il fallait qu’elle se batte bec et ongles. Elle l’appela, le serrant, lui tapota les joues. Il finit par râler, distinctement. Un petit râle d’enfant. Elle n’entendait plus que cela. Au-dessus du brouhaha des hommes et du bruissement des vagues, le petit souffle rauque de son enfant lui faisait trembler les lèvres. Elle fournit. Elle gémit.
Les heures passèrent. Toutes identiques. Sans bateau à l’horizon. Sans retour providentiel de l’équipage. Rien. La révolution lente et répétée du soleil les torturait et la soif les faisait halluciner.
Elle était incapable de dire quand il était mort. »

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Né en 1972, Laurent Gaudé a fait des études de Lettres Modernes et d’Études Théâtrales à Paris. C’est à l’âge de vingt cinq ans, en 1997, qu’il publie sa première pièce, Onysos le furieux, à Théâtre Ouvert. Suivront alors des années consacrées à l’écriture théâtrale, avec notamment Pluie de cendres jouée au Studio de la Comédie Française.
Parallèlement à ce travail, Laurent Gaudé se lance dans l’écriture romanesque.
En 2001, âgé de vingt neuf ans, il publie son premier roman, Cris.

Il est notamment l’auteur de :

  • Cris (2001, Babel),
  • La Mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires 2003, Babel),
  • Le Soleil des Scorta (2004, prix Goncourt 2004, prix Jean-Giono 2004, Babel),
  • Eldorado (2006, Babel),
  • Dans la nuit Mozambique (2007, Babel),
  • La Porte des Enfers (2008, Babel)
  • Ouragan (2010)