de Douglas Kennedy
Poche – 21 octobre 2010
Éditeur : Pocket

Un poste important, une vaste maison, une femme élégante, un bébé : pour tout le monde, Ben Bradford a réussi.
Pourtant à ses yeux, rien n’est moins sûr : de son rêve d’enfant – être photographe – il ne reste plus rien. S’il possède les appareils photo les plus perfectionnés, les occasions de s’en servir sont rares. Et le sentiment d’être un imposteur dans sa propre existence est de plus en plus fort…
« Douglas Kennedy bouillonne de talent, sa narration est haletante,
sa construction sans faille. »
Martine Laval – Télérama

Je découvre Douglas Kennedy avec “L’homme qui voulait vivre sa vie”, et je dois dire que cette lecture m’a profondément marqué. Dès les premières pages, j’ai été happé par ce récit puissant, aussi troublant que lucide, où l’auteur nous entraîne dans la vie bien réglée — trop bien réglée — de Ben Bradford, un homme que tout le monde pourrait envier. Avocat brillant, marié, père de famille, installé dans une belle maison… Il coche toutes les cases de la réussite. Et pourtant, il suffoque.
Ce roman m’a frappé par sa précision, par la manière dont l’auteur dissèque sans complaisance une société américaine obsédée par l’argent, l’image et le qu’en-dira-t-on. Tout est apparence, performance, domination. Et Ben, prisonnier de ce système, rêve en silence d’une autre existence, plus vraie, plus libre. Jusqu’au jour où tout bascule. Quand sa femme le trompe, son monde s’écroule. Alors il agit, dans un geste insensé, irréversible. À partir de là, tout devient vertigineux.
Douglas Kennedy ne se contente pas de raconter une fuite, il explore le besoin viscéral de vivre une vie choisie, et non subie. Ce que j’ai aimé, c’est cette tension permanente entre la peur et le désir, la fuite et la reconstruction, l’ombre et la lumière. Il y a dans ce livre une réflexion profonde sur l’identité, la liberté, la photographie aussi — cet art de figer un instant pour mieux saisir l’essence du monde.
J’ai trouvé l’écriture efficace, presque cinématographique, malgré une traduction parfois maladroite qui m’a un peu freiné. Et même si la fin m’a semblé un peu rapide, elle laisse un goût doux-amer, comme un écho à nos propres questionnements.
Ce roman m’a rappelé que vivre, c’est risquer. Que parfois, il faut tout perdre pour se retrouver.
Et qu’au fond, la vraie réussite n’est peut-être pas celle que les autres voient, mais celle que l’on ressent.
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Extraits :
« Alors qu’Adam a été un bébé de gravure de mode, le genre d’adorable bambin qui sourit dans la lumière irisée d’une pub pour couches-culottes, Josh, lui, est une petite brutasse. Une tête trop grosse, un nez de boxeur et un tempérament de pitbull. Bien sûr, je l’aime, mais je me demande si je l’aime bien. Il me met mal à l’aise, et pas seulement parce qu’il hurle tout le temps: parce qu’il n’a pas l’air heureux d’être venu au monde. J’ai l’impression que cela doit aussi tenir au fait qu’il représente pour moi, tout comme la maison elle-même, un boulet domestique parmi beaucoup d’autres. Un de mes amis a une formule très imagée pour décrire cette situation: au premier gosse, dit-il, on croit encore avoir de la marge, on ne veut pas admettre qu’on est enferré jusqu’au cou dans la vie à crédit et les traites au banquier. Au second, on doit admettre qu’on est devenu un père de famille sérieux, qu’on a des obligations jusque-là. »
« Moins de quinze jours après notre arrivée, elle avait déjà décroché un job au bureau parisien de Newsweek.
Trois mois plus tard, son français étant devenu très convenable, elle devenait assistante de production chez CBS News. Et cinq mois après, elle était rentrée un soir en m’annonçant que notre histoire était terminée : elle allait vivre avec son patron, le chef du bureau de CBS à Paris. »
« “Réussir, réussir, réussir.” A posteriori, cette crise de déprime de mes vingt ans et quelques me laisse perplexe : pourquoi étais-je si crispé, pourquoi en étais-je arrivé à perdre toute confiance en moi et en mes chances de vivre de mes photos ? J’aurais pu, j’aurais dû me dire qu’au moins j’aimais regarder le monde à travers un objectif, qu’on ne s’improvisait pas photo-graphe, qu’il me fallait parfaire ma technique au lieu d’angoisser hystériquement en désespérant de ne pas encore me voir au faîte de la profession. »


Douglas Kennedy est né à New York en 1955, et vit entre les États-Unis, le Canada et la France.
Auteur de trois récits de voyage remarqués :
Au pays de Dieu (2004),
Au-delà des pyramides (2010)
et Combien ? (2012)
Il s’est imposé avec :
Piège nuptial (1997), porté à l’écran par Stephen Elliot,
L’homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma par Éric Lartigau en 2010, avec Romain Duris et Catherine Deneuve,
Les Désarrois de Ned Allen (1999).
Ont suivi La Poursuite du bonheur (2001),
Rien ne va plus (2002), (Prix littéraire du Festival du cinéma américain de Deauville 2003),
Une relation dangereuse (2003),
Les Charmes discrets de la vie conjugale (2005),
La Femme du Ve (2007), adapté au cinéma en 2011 par Pawel Pawlikowski, avec Kristin Scott Thomas et Ethan Hawke,
Quitter le monde (2009),
Cet instant-là (2011),
Cinq jours (2013),
Murmurer à l’oreille des femmes (2014),
Mirage (2015),
Toutes ces grandes questions sans réponse (2016),
La Symphonie du hasard (2017-2018),
Isabelle, l’après-midi (2020),
Les hommes ont peur de la lumière (2022),
Et c’est ainsi que nous vivrons (2023
Ailleurs, chez moi (2024).
Tous ses ouvrages ont paru chez Belfond et sont repris chez Pocket.
Douglas Kennedy a également publié une série de livres jeunesse illustrés par Joann Sfar, Les Fabuleuses Aventures d’Aurore, aux éditions PKJ.

































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